Question de M. PATIENT Georges (Guyane - RDPI) publiée le 20/03/2025

M. Georges Patient attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les conséquences qu'aura le règlement européen 2023/1115 dont l'application a été repoussée au 30 décembre 2025, sur le développement agricole et énergétique guyanais.
Encore une fois, l'Union européenne a légiféré sans tenir compte des spécificités de ses régions ultrapériphériques (RUPs) dont fait partie la Guyane et encore une fois, elle souhaite appliquer des restrictions au développement économique de ses partenaires commerciaux via des critères environnementaux qu'elle n'a elle-même jamais respectés au cours de son histoire. Ainsi, ce règlement qui vise à lutter contre la déforestation, interdit la mise sur le marché des productions agricoles suivantes : bovins, cacao, café, palmier à huile, caoutchouc, soja, bois, si elles ont été produites sur des terres défrichées après le 30 décembre 2020. Des interdictions qui touchent essentiellement des productions tropicales et des pays en phase de développement. En Europe, la forêt qui a été défrichée massivement depuis le Moyen-âge jusqu'au milieu du XIXe siècle, se reconstitue peu à peu et couvre aujourd'hui 38 % du territoire dont moins de 5 % est naturelle d'après l'Agence européenne pour l'environnement. À l'inverse l'Indonésie, premier producteur d'huile de palme et directement visée par ce règlement, est couverte à 53 % de forêts dont 95 % sont naturelles ou primaires d'après l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il y a donc dans cette nouvelle politique européenne une formidable hypocrisie. L'Europe s'est développée grâce à l'exploitation massive de ses forêts et sans aucune considération environnementale. Aujourd'hui que la répartition entre les différents usages de son territoire (agricole, naturel et forestier, artificialisation) est relativement stabilisée, elle cherche à exporter une vision ultra protectrice qui ne correspond pas à sa propre réalité. Des pays, partenaires commerciaux de l'Union européenne, devraient ainsi ne pas pouvoir faire librement usage de leur territoire pour leur développement économique au bénéfice de leur population ? La Guyane qui est couverte à plus de 96 % par de la forêt dont 95 % de forêts primaires, risque d'en être une victime collatérale. En effet, c'est la seule région française dont la surface agricole utile connaît une croissance continue pour répondre à la fois à la forte croissance démographique et au défi de la souveraineté alimentaire prônée par l'État à travers plusieurs de ses politiques. La collectivité territoriale de Guyane (CTG) a également défini ses objectifs pour le secteur agricole dans le schéma d'aménagement rural (SAR) qui outre le développement des capacités du monde agricole en vue de l'autonomie alimentaire, sont de transformer l'agriculture guyanaise en moteur du développement économique du territoire et de promouvoir la croissance verte. Aussi dans ce cadre, l'augmentation de la production guyanaise de viande bovine, très largement insuffisante, ou encore le développement d'une filière de production locale d'huile de palme pour remplacer l'huile de colza, exclusivement importée d'Europe, comme carburant de la future centrale électrique du Larivot et permettre ainsi à la Guyane d'être entièrement autonome pour sa production électrique, seraient impossible dans la mesure où il faudrait obligatoirement défricher de nouvelles parcelles forestières.
C'est pourquoi, il lui demande si le Gouvernement entend demander pour la Guyane une dérogation à l'application de ce règlement au titre de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et s'il a prévu des mesures compensatoires ou d'accompagnement dans l'attente de cette dérogation pour permettre à l'agriculture guyanaise de répondre aux objectifs qui lui ont été fixé.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité publiée le 26/03/2025

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 403, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Georges Patient. Madame la ministre, la Guyane sera-t-elle, une fois de plus, sacrifiée sur l'autel de la bonne conscience écologique ? Après la loi Hulot mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, qui interdit les forages pétroliers alors que tous les états voisins de la Guyane, sans exception, exploitent cette ressource, voilà qu'intervient maintenant le règlement européen du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010. Ce dernier porte sur la lutte contre la déforestation importée.

S'il vise principalement des pays comme l'Indonésie, il omet totalement la réalité guyanaise. Ainsi, la Guyane couverte à plus de 96 % par la forêt, dont 95 % de forêt primaire, en sera une victime collatérale. Encore une fois, l'Union européenne légifère en oubliant d'évaluer les conséquences sur ses régions ultrapériphériques. Et il n'y a toujours pas de réaction de notre gouvernement !

En effet, la Guyane est la seule région française dont la surface agricole utile connaît une croissance continue, pour répondre à la forte augmentation démographique et au défi de la souveraineté alimentaire, prônée par l'État. Le passage de 20 % à 50 % d'autosuffisance grâce à la production locale à l'horizon de 2030 a, par exemple, été acté dans le schéma d'aménagement régional (SAR).

Or le règlement européen que j'ai mentionné, qui interdit l'exploitation des terres défrichées après le 30 décembre 2020, mettra un coup d'arrêt brutal au développement des productions locales : bovins, cacao, café, bois, huile de palme. Il bloquera le développement d'une filière de production d'huile de palme, qui aurait pu être utilisée par la nouvelle centrale électrique de Guyane en remplacement de l'huile de colza.

Aussi, madame la ministre, le Gouvernement doit agir vite et fort et demander pour la Guyane une dérogation à l'application de ce règlement. Il y va du développement de la Guyane, de son agriculture et de sa capacité à bâtir un avenir durable pour ses habitants. Après l'interdiction des forages pétroliers, les difficultés que rencontrent les orpailleurs légaux, le blocage des aides aux pêcheurs, maintenant, nous en arrivons à la forêt et à l'agriculture : trop, c'est trop !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Patient, j'ai bien entendu votre inquiétude, que vous exprimez très clairement.

Vous évoquez le règlement de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, texte important du Pacte vert européen. Ledit règlement ne tend pas à restreindre les usages des terres des pays en voie de développement. Son objet consiste à laisser entrer sur le marché de l'Union européenne et à permettre l'exportation de certains produits de base ou associés à la déforestation et à la dégradation des forêts.

Concernant les territoires ultrapériphériques et ultramarins, comme le vôtre, la spécificité de la Guyane est bien identifiée. Le schéma d'aménagement régional confère ainsi à certains espaces une vocation agricole, visant, comme vous l'avez évoqué, le développement économique et l'autonomie alimentaire de la région.

Sachez que le Gouvernement est extrêmement attentif à votre alerte. Nous sommes donc pleinement mobilisés pour faire passer ces messages auprès de la Commission européenne.

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