Question de Mme BÉLIM Audrey (La Réunion - SER) publiée le 20/03/2025
Mme Audrey Bélim attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la non-application de la Charte sociale européenne dans les outre-mer français.
Rédigée au début des années 1960, la Charte sociale européenne garantit des droits fondamentaux en matière de santé, de logement, d'éducation, d'emploi et de protection sociale. Or, lors de la signature de ce traité international, la France a choisi d'exclure ses territoires ultramarins de son champ d'application, par le biais d'une disposition aujourd'hui incomprise.
Cette situation perdure depuis plus de soixante ans, y compris lors de la révision de la Charte dans les années 1990, sans qu'aucune modification n'ait été apportée pour inclure nos trois millions de concitoyens ultramarins. Pourtant, l'extension de la portée de ce texte aux territoires ultramarins ne nécessiterait qu'une simple notification adressée par le Gouvernement français au secrétaire général du Conseil de l'Europe.
D'autres pays européens comptant des territoires ultramarins ont fait des choix différents. À titre d'exemple, les Pays-Bas appliquent la Charte à Sint Maarten, partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, alors que la partie française de cette même île en est exclue.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a qualifié cette situation d'« inacceptable » dans un avis adopté à l'unanimité lors de l'assemblée plénière du 26 septembre 2024. Plus récemment, en mars 2024, une réclamation collective contre la France a été déposée devant le Comité européen des droits sociaux par plusieurs associations de défense des droits humains.
Cette exclusion pose une question fondamentale d'égalité des droits entre les citoyens de l'hexagone et ceux des outre-mer, particulièrement dans un contexte où les spécificités de nos territoires, comme La Réunion, nécessitent une protection sociale renforcée face aux défis socio-économiques, environnementaux et climatiques qu'elles rencontrent.
Elle demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour mettre fin à cette discrimination historique et étendre l'application de la Charte sociale européenne aux territoires ultramarins, afin de garantir l'égalité des droits sociaux fondamentaux pour l'ensemble des citoyens français, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire de la République. Enfin, elle appelle le Gouvernement à lever son opposition à la recevabilité de la réclamation collective devant le Comité européen des droits sociaux de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme contre la France n°240/2024.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, auteure de la question n° 400, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre délégué, j'attire votre attention sur l'exclusion des outre-mer français du périmètre de la Charte sociale européenne.
Rédigée au début des années 1960, la Charte sociale européenne garantit des droits fondamentaux en matière de santé, de logement, d'éducation, d'emploi et de protection sociale. Or, lors de la signature de ce traité international, la France a choisi d'exclure ses territoires ultramarins de son champ d'application. Cette situation perdure depuis plus de soixante ans !
Aucune modification n'a été apportée pour inclure nos trois millions de concitoyens ultramarins. Pourtant, l'extension de la portée de ce texte aux territoires ultramarins ne nécessiterait qu'une simple notification adressée par le gouvernement français au Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
D'autres pays européens comptant des territoires ultramarins ont fait des choix différents. À titre d'exemple, les Pays-Bas appliquent la Charte à la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, alors que la partie française de cette même île en est exclue.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a qualifié cette situation d'« inacceptable » dans un avis adopté à l'unanimité. En mars 2024, une réclamation collective contre la France a été déposée devant le Comité européen des droits sociaux (CEDS) par plusieurs associations de défense des droits humains. La semaine dernière, le CEDS a jugé irrecevable une réclamation, au motif que la France n'a pas déclaré qu'elle étendait l'application de la Charte aux outre-mer.
Cette exclusion pose une question fondamentale d'égalité des droits entre les citoyens de l'Hexagone et ceux des outre-mer, particulièrement dans un contexte où les spécificités de nos territoires, notamment La Réunion, nécessitent une protection sociale renforcée.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre fin à cette discrimination historique et pour étendre enfin l'application de la Charte sociale européenne aux territoires ultramarins ? Il s'agit ainsi de garantir l'égalité des droits pour l'ensemble des citoyens français, quel que soit leur lieu de résidence, à Saint-Denis, Cayenne ou Paris.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice, chère Audrey Bélim, je m'y engage devant vous, la Charte sociale européenne et sa garantie des droits économiques et sociaux seront bientôt appliquées uniformément à l'ensemble du territoire national. Une demande sera formulée au Conseil de l'Europe pour en étendre l'applicabilité aux départements et régions d'outre-mer. Une simple demande suffira. Enfin, une consultation préalable sera menée dans les collectivités d'outre-mer.
Les récents rapports d'information du Sénat, dont je salue la qualité légendaire, sur l'action de l'État outre-mer ou sur la gestion de l'eau potable et de l'assainissement en outre-mer illustrent l'ampleur des défis auxquels ces territoires sont confrontés, qui en appellent à un investissement public soutenu.
C'est précisément le sens de l'action du Gouvernement : le budget des outre-mer a été revalorisé de 11 % en autorisations d'engagement et de 6 % en crédits de paiement par rapport au budget initial. L'effort total s'élève à près de 25 milliards d'euros, malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint.
J'ajoute que, si la Charte ne comporte pas d'effet direct, les réclamations ne pouvant être introduites que par des organismes habilités, cette procédure non contraignante contribue, tout comme les voies de recours nationales et internationales déjà existantes, au principe de l'État de droit, qui guide notre action en France métropolitaine, en outre-mer et, je tiens à vous l'assurer, dans le monde.
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