Question de M. DELCROS Bernard (Cantal - UC) publiée le 13/03/2025
M. Bernard Delcros appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le rapport portant sur l'évasion fiscale 2024, publié par l'observatoire européen sur la fiscalité, qui a révélé des statistiques préoccupantes : au niveau mondial, 25 % des comptes détenus à l'étranger échapperaient à l'impôt. Ces dissimulations représenteraient 3000 milliards de dollars à l'échelle mondiale. L'entrée en vigueur en 2016 d'un échange automatique d'informations entre les pays membres de l'OCDE nous a permis de façon certaine de lutter contre une importante partie de l'évasion fiscale réalisée par l'intermédiaire de comptes bancaires secrets détenus à l'étranger. Le bilan positif de de la campagne 2023 d'échange automatique d'informations portant sur les comptes financiers, publié en novembre 2024, illustre d'ailleurs le renforcement de la coopération depuis plusieurs années avec nos partenaires étrangers, dans un contexte complexe d'internationalisation et de dématérialisation de l'économie. Pour autant, la centaine d'économistes à l'origine de ce rapport a mis en avant d'importantes failles au sein des systèmes d'échanges automatiques d'informations. La principale est sans doute l'importance croissante de la conversion d'avoirs financiers en biens immobiliers détenus à l'étranger pour camoufler son patrimoine. Cela afin d'échapper à l'impôt sur la fortune, ou dissimuler des sommes d'argent non déclarées. En effet, l'échange automatique d'informations ne couvre que les avoirs financiers et non pas les biens immobiliers. La fortune immobilière détenue à l'étranger peut donc très facilement être rendue opaque pour l'administration fiscale nationale. De riches particuliers utilisent cette faille pour ne pas avoir à déclarer une partie importante de leur patrimoine et échapper à leurs obligations fiscales. Une partie non négligeable de ces biens immobiliers sont d'ailleurs détenus à Paris et sur la Côte d'Azur, selon le rapport. La voix de notre pays pèse au sein de l'OCDE. De ce fait, quelle est la position du Gouvernement pour lutter contre cette technique spécifique d'évasion fiscale qui représente sans doute un important manque à gagner pour l'État ?
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du tourisme publiée le 19/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 389, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, dans un contexte de recherche d'économies pour faire face au dérapage des déficits publics, je souhaite vous alerter sur un cas de fraude fiscale qui prive la France de recettes importantes.
L'entrée en vigueur en 2016 du système d'échange automatique d'informations entre les pays membres de l'OCDE nous a permis de lutter efficacement contre l'évasion fiscale réalisée par l'intermédiaire de comptes bancaires non déclarés détenus à l'étranger. Le bilan positif de la campagne de 2023, publié en 2024 par le ministère d'économie et des finances, illustre d'ailleurs le renforcement de cette coopération.
Pour autant, l'Observatoire européen de la fiscalité a mis en avant, dans son rapport de 2024 sur l'évasion fiscale, d'importantes carences dans ce système. La principale réside sans doute dans le fait que l'échange automatique d'informations couvre uniquement les avoirs financiers, et non pas les biens immobiliers. La fortune immobilière détenue à l'étranger est donc très majoritairement opaque.
En conséquence, nous assistons ces toutes dernières années à une forte croissance des conversions d'avoirs financiers en biens immobiliers détenus à l'étranger, dont l'objectif est d'échapper à ces obligations fiscales. Une partie de ces biens immobiliers sont d'ailleurs détenus, selon le rapport, à Paris et sur la Côte d'Azur, ce qui permet à leurs propriétaires d'échapper à l'obligation fiscale des pays de résidence. Le cas de Dubaï est sans doute le plus emblématique et concerne directement la fiscalité française.
Madame la ministre, la voix de notre pays compte au sein de l'OCDE. Quelles sont les intentions du Gouvernement pour lutter contre cette technique spécifique d'évasion fiscale qui entraîne un important manque à gagner pour la France ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, vous attirez l'attention du Gouvernement sur l'échange automatique d'informations à des fins fiscales.
Je tiens à rappeler, tout d'abord, que, comme le prévoit la loi de finances pour 2025, des informations relatives aux cryptoactifs seront échangées de manière automatique entre la France et une cinquantaine de pays partenaires à partir du 1er janvier 2027. Les pratiques d'évasion par le recours aux cryptoactifs deviendront ainsi largement impossibles.
Comme vous l'avez souligné, ces actifs n'entrent pas dans le champ d'application de la norme commune de déclaration (NCD) développée par l'OCDE, qui autorise aujourd'hui l'échange automatique d'informations sur les comptes financiers entre plus de 120 juridictions.
Pour autant, les administrations ne sont pas dénuées de tout pouvoir en la matière. Il est possible d'obtenir des informations immobilières par l'échange de renseignements sur demande pour les États non-membres de l'Union européenne.
En Europe, la directive du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal permet un tel échange automatique sur des données immobilières entre États membres, à la condition que les administrations fiscales partenaires disposent de telles informations.
La situation n'est pas encore satisfaisante. C'est pourquoi le gouvernement français plaide au niveau international pour une extension du champ des normes d'échange automatique d'informations relatives, notamment, aux biens et revenus immobiliers.
Cette approche porte ses fruits puisque les ministres des finances du G20 ont donné un mandat clair à l'OCDE aux fins de lancer les travaux et de permettre aux juridictions intéressées d'échanger des informations relatives aux biens immobiliers, en incluant une mention spécifique sur les informations relatives aux bénéficiaires effectifs des entités détenant de tels biens.
La France participe aux travaux de l'OCDE en défendant une approche ambitieuse, dont l'objectif est double : permettre la plus large participation à ces échanges et améliorer progressivement la qualité des informations échangées. Ces éléments permettront, je l'espère, de vous rassurer sur l'importance que le Gouvernement accorde à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse qui éclaire les intentions du Gouvernement en matière d'échange d'informations sur les biens immobiliers.
De façon plus générale, au moment où le Gouvernement explore toutes les pistes d'économies et où les contribuables ainsi que les collectivités locales sont mis à contribution, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale doit être une priorité de la France. Considérant que nous pouvons progresser dans ce domaine, j'ai souhaité attirer votre attention sur ce cas précis des biens immobiliers. J'espère que nous pourrons progresser à cet égard.
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