Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SER) publiée le 06/03/2025

Question posée en séance publique le 05/03/2025

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Georges Berthoin, à qui l'histoire offrit un destin européen aux côtés de Jean Monnet, et que je voulais évoquer en ces heures sombres, fut associé à la rédaction du traité créant la Communauté européenne de défense (CED), une sorte de plan Schuman élargi. Il reconnut ultérieurement qu'il était heureux que ce projet n'ait pas abouti en l'état, car, si le volet militaire était prêt - et l'on parlait tout de même d'une armée intégrée de plus de 500 000 hommes -, il n'en allait pas de même du volet politique.

Je crains, monsieur le ministre, que ce ne soit aujourd'hui l'inverse. Les conclusions du sommet de Londres et celles du Conseil européen qui se tiendra demain à Bruxelles devraient acter l'existence d'une volonté politique servie par des organes - ceux de l'Union européenne et de l'Otan - susceptibles de donner corps au projet d'une défense européenne.

Reste néanmoins le volet militaire. Plus de 80 % des budgets militaires des États membres de l'Union sont consacrés à l'acquisition d'équipements extra-européens. Alors que les États-Unis fournissent 63 % des commandes de l'Union européenne, l'industrie européenne de défense souffre de faiblesses structurelles majeures, comme nous le savons. Parmi les entreprises les plus importantes en Europe, une seule figure parmi les dix premières mondiales - encore est-elle britannique, et donc hors de l'Union européenne.

Quant aux coûts de production, il est de notoriété publique qu'un char coréen K2 Black Panther coûte trois fois moins cher qu'un Leopard 2A allemand.

La présidente de la Commission européenne évoque des investissements de 800 milliards d'euros sur quatre ans. À qui ces sommes vont-elles bénéficier ? Il y a urgence à apporter le soutien promis à l'Ukraine dans le contexte d'un possible retrait américain d'Europe, à la fois humain et matériel.

Faute de disposer des chaînes de montage et des personnels nécessaires - car doubler le budget des armées sans augmenter leurs ressources humaines n'aurait aucun sens - auprès de qui l'Union européenne va-t-elle acheter les matériels nécessaires dans les mois à venir ? À Israël, à la Turquie ou à la Corée du Sud ? (M. Philippe Folliot applaudit.)

- page 3265


Réponse du Ministère des armées publiée le 06/03/2025

Réponse apportée en séance publique le 05/03/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Madame la sénatrice, pour entrer dans la mêlée de cette réponse, dans la continuité du débat que nous avons eu hier, je rappellerai que, en quatre ou cinq ans seulement, la part des ventes d'armes françaises effectuées en Europe a largement augmenté. Il y a dix ans, elle était de moins de 10 %. En 2024, son volume a dépassé 10 milliards d'euros, sur un total de 18 milliards d'euros d'exportations. Certes, les sous-marins, les Rafales représentent une large part de cette somme. Mais la situation politique en Corée du Sud, par exemple, n'a pas spécialement rassuré plusieurs capitales européennes. Et les lignes de production américaines ne sont pas complètement passées en économie de guerre. D'ailleurs, les choses sont désormais claires, le réarmement américain bénéficiera avant tout à l'armée américaine, qui se prépare à d'autres schémas de tension, notamment dans le Pacifique Nord.

Ce n'est même plus une affaire de choix, d'ailleurs. Si les capitales européennes veulent vraiment se réarmer, elles vont bien être obligées, sauf à mentir à leur population, de faire des achats au sein de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

En ce qui nous concerne, je ne serai pas aussi catégorique que vous lorsque vous dites que l'accroissement du format va forcément de pair avec une augmentation des ressources humaines. Nous avons tellement diminué le capacitaire tout en préservant - heureusement - les ressources humaines que nous avons avant tout un effort important à faire sur ce dernier.

L'exemple des munitions, à mon avis, est parlant. Pour les munitions simples, l'aide à l'Ukraine nous a appris à reprendre du muscle, notamment sur les obus de 155 millimètres. Le vrai segment critique sera constitué par les munitions complexes : missiles de défense sol-air, missiles de frappe dans la profondeur, comme le missile Aster 30 B1NT. Nous allons continuer à remonter en puissance.

Un chiffre montre que l'économie de guerre fonctionne : entre 2026 et 2030, l'industrie française pourra absorber 7 milliards d'euros de commandes nouvelles passées en matière de munitions, soit pour nous-mêmes, soit pour de l'export. Les effets de l'économie de guerre se font sentir. Il faut que les commandes suivent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Merci pour ces précisions, monsieur le ministre. Les chiffres que vous dévoilez sont très importants. Ils sont rassurants, à défaut d'être suffisants. Nos amis ukrainiens n'ont pas le temps d'attendre - et nous non plus. (M. Rachid Temal applaudit.)

- page 3265

Page mise à jour le