Question de Mme CARRÈRE Maryse (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 06/03/2025
Question posée en séance publique le 05/03/2025
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Près de 64 % de nos concitoyens sont inquiets de l'évolution de la situation géopolitique depuis l'arrivée de l'administration Trump au pouvoir.
On les comprend. La loi du plus fort redevient l'épine dorsale de l'ordre international, d'un côté, sous la pression de l'impérialisme russe, de l'autre, par la monétisation de la valeur paix par Washington.
Monsieur le Premier ministre, vous avez tenu hier au Sénat des propos graves et responsables sur le changement brutal de la diplomatique américaine et ses conséquences sur le dossier ukrainien.
Au nom du RDSE, j'ai pour ma part rappelé notre souhait de voir maintenue l'aide française et européenne à l'Ukraine. Nous le devons aux Ukrainiens, qui se sacrifient depuis trois ans, mais c'est nécessaire aussi pour garantir notre propre sécurité.
J'ai également souligné combien la mise en oeuvre d'une défense européenne crédible et concrète ne pouvait plus attendre. Nous serons attentifs aux conclusions du sommet européen extraordinaire de demain à Bruxelles.
En attendant, en tant que responsables politiques, nous devons tenir un langage de vérité. À ceux qui considèrent que défendre la souveraineté stratégique et continuer à aider l'Ukraine relèverait d'un comportement va-t-en-guerre, je réponds : relisez les comptes rendus des débats parlementaires dans les années 1930 ! Ce sont les mêmes mots, les mêmes postures, les mêmes renoncements de la part des extrêmes. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) On sait où cela nous a menés : à l'impréparation de notre pays et à sa capitulation face aux nazis.
Pour autant, nous ne pouvons pas seulement promettre à nos concitoyens, en particulier aux jeunes, une économie de guerre comme seul horizon. Il faut donner des signes d'espoir et d'apaisement.
Le Président de la République s'adressera ce soir aux Français qui attendent des réponses. Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, quels sont les moyens et les atouts de la France et de l'Union européenne pour forcer la place du monde libre ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, GEST et SER. - Mmes Évelyne Perrot et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
M. Rachid Temal. Bravo !
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Réponse du Premier ministre publiée le 06/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 05/03/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, au cours de votre intervention dans le cadre du débat portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe qui s'est tenu hier, vous avez à très juste titre souligné que le cap que nous devons arrêter est celui de l'autonomie stratégique.
Cette expression, qui peut sembler abstraite à certains, nous devons en faire une réalité. « Autonomie stratégique », cela signifie que nous pouvons nous défendre par nos propres forces sur notre propre décision ; c'est bien cela, l'autonomie.
Les Français comme les autres Européens découvrent en cet instant, dans les jours que nous vivons, à quel point la situation est profondément déstabilisée. Deux événements sont survenus.
D'une part, lors des récentes réunions de l'Organisation des Nations unies, qu'a évoquées hier le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour refuser que les résolutions des Nations unies fassent allusion à l'agression contre l'Ukraine. Je rappelle que la Fédération de Russie et les États-Unis d'Amérique sont deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C'est dire à quel point la situation est fragile.
D'autre part, l'autonomie stratégique n'est pas acquise. En effet, une disposition du droit américain prévoit que les équipements militaires ou les armes acquis auprès des États-Unis ne peuvent pas être déclenchés s'il y a un veto des États-Unis. Je rappelle que les deux tiers des armements au sein de l'Union européenne sont acquis auprès des États-Unis.
Avec le recul, on mesure bien la justesse des positions de la France, laquelle, depuis le général de Gaulle jusque dans les huit dernières années, a défendu sans cesse l'idée que l'armement des Européens devait être un armement européen,...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Exactement !
M. François Bayrou, Premier ministre. ... ce à quoi beaucoup de nos partenaires européens ont renoncé.
Que peut-on faire, me direz-vous ?
M. Rachid Temal. Oui !
M. François Bayrou, Premier ministre. Le plus important, c'est de convertir l'ensemble des décideurs européens à l'idée de relancer notre base industrielle et technologique de défense et de faire en sorte que chacun y participe.
Quelle est la clé du renversement de la position des décideurs européens ? C'est que l'opinion publique européenne prenne enfin pleinement conscience que notre destin se joue en Ukraine et que notre destin est entre nos mains. L'importance des programmes de réarmement, de remise à niveau et de retour de l'indépendance dont nous avons besoin sera enfin comprise. Merci de l'avoir rappelé au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et RDSE. - M. Cédric Perrin applaudit également.)
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