Question de M. CHAILLOU Christophe (Loiret - SER) publiée le 27/02/2025

M. Christophe Chaillou attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire sur des faits de distorsion de concurrence dans le domaine du funéraire par les opérateurs proposant des contrats obsèques en capital ou formules de financement d'obsèques à l'avance.

Le nombre de ces contrats en cours est estimé à 5,3 millions en 2023, et l'on dénombre une forte augmentation de la souscription de ces contrats ces dernières années, avec 539 000 nouveaux contrats en 2023 contre 467 000 en 2022, ce qui révèle une hausse de 15 %. Ces contrats sont encadrés strictement par la loi, notamment par l'article L. 223-33 du code général des collectivités territoriales (CGCT) « toute prise d'intérêt à l'occasion ou en prévision des funérailles est interdite ».

Pourtant, il est constaté que de nombreux organismes financiers influencent les souscripteurs et les familles en deuil dans leur choix d'opérateur funéraire en les dirigeant vers leurs entreprises partenaires, qu'ils rendent seules bénéficiaires, de fait, du tiers payant. Ces "partenaires" exclusifs sont le plus fréquemment des groupes funéraires, dont ne font pas partie les petites et moyennes entreprises qui représentent pourtant 60 % du marché et plus de 26 000 emplois. Par ailleurs, certains organismes retardent volontairement le versement du capital prévu lorsque l'opérateur funéraire choisi ne relève pas de la liste de leurs partenaires exclusifs.

Il demande à Mme la ministre quelles mesures le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre pour exiger le respect de l'esprit de la loi et rétablir la libre concurrence dans le marché du funéraire, organisée par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, afin de permettre aux familles en deuil de choisir librement leur opérateur funéraire.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 26/03/2025

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 340, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.

M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur des phénomènes de distorsion de concurrence sur le marché du funéraire qui sont liés notamment à l'offensive menée par des opérateurs proposant des contrats obsèques en capital ou des formules de financement d'obsèques à l'avance.

La souscription de ces contrats est en très forte augmentation ces dernières années : on les estime à 5,3 millions aujourd'hui. En 2023, 539 000 nouveaux contrats ont été signés, contre 467 000 en 2022, soit une hausse de près de 15 %.

Ces contrats sont strictement encadrés par la loi. Celle-ci prévoit notamment que toute prise d'intérêts à l'occasion ou en prévision des funérailles est interdite.

Pourtant, il est constaté que de nombreux organismes financiers influencent les souscripteurs et les familles en deuil dans le choix de leur opérateur funéraire, en les orientant vers des entreprises partenaires, qu'ils rendent seules bénéficiaires, de fait, du tiers payant. Ces partenaires exclusifs sont le plus fréquemment des groupes funéraires. Dès lors, les petites et moyennes entreprises, qui représentent pourtant 60 % du marché et plus de 26 000 emplois, se retrouvent exclues.

Par ailleurs, certains organismes retardent volontairement le versement du capital prévu lorsque l'opérateur funéraire choisi ne figure pas dans la liste de leurs partenaires exclusifs.

Madame la ministre, face à ces phénomènes qui sont difficilement acceptables, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour que l'esprit de la loi soit respecté et pour rétablir la libre concurrence au sein du marché du funéraire ? Ce dernier, je le précise, est régi par la loi du 8 janvier 1993, dite loi Jean-Pierre Sueur, mon prédécesseur au Sénat. Il s'agit de permettre aux familles en deuil de choisir librement leur opérateur funéraire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Chaillou, vous m'interrogez sur un sujet important, celui du financement des funérailles, qui concerne tous les Français.

À titre préliminaire, j'indique que la DGCCRF a lancé une enquête nationale sur 1 000 opérateurs funéraires sur la période 2024-2025. Il s'agira notamment de vérifier le respect du nouveau modèle de devis funéraire, qui s'appliquera à partir du 1er juillet 2025.

De plus en plus de nos concitoyens ont recours à des contrats d'assurance obsèques pour ne pas laisser cette charge à leur famille. Je suis sensible à la situation que vous décrivez de ces souscripteurs ou de ces familles de défunts qui n'auraient pas la possibilité de choisir leur opérateur funéraire. Cette question, qui soulève un enjeu de pouvoir d'achat, recouvre également une dimension qui relève de l'humain, de l'intime. Nous devons donc intervenir en la matière avec beaucoup de précautions.

Les contrats d'assurance obsèques sont de deux types. Il s'agit soit de prestations funéraires déterminées à l'avance, soit d'un capital versé à un bénéficiaire pour le financement des obsèques.

Dans le cas d'un contrat de prestations funéraires, la loi prévoit déjà expressément que la personne qui le souscrit peut modifier à tout moment l'opérateur funéraire qu'elle choisit aussi bien que les prestations attendues. En revanche, à son décès, il n'est pas possible pour une autre personne, qu'elle soit de sa famille ou non, de modifier le contrat. En somme, celui-ci peut seulement être révisé en amont du décès. Le contrat traduit la volonté du défunt et celle-ci doit être respectée. Ce type de contrats est minoritaire et ne représente que 20 % du marché.

Le second cas concerne les contrats en capital, qui représentent 80 % du marché. Au décès de l'assuré, le capital constitué est versé au bénéficiaire qui avait été choisi par le souscripteur. Il s'agit traditionnellement d'un membre de la famille du défunt, qui est alors libre de choisir l'opérateur funéraire, les prestations et de faire jouer ainsi la concurrence. Même s'il n'est pas interdit aux assureurs de formuler des suggestions, l'information des familles bénéficiaires du capital sur leur libre choix en la matière mériterait sans doute d'être renforcée.

Je note de votre propos, monsieur le sénateur, et de signalements qui me sont récemment parvenus, notamment par la voix du député Labaronne, que se développe la pratique de contrats en capital dont le bénéficiaire désigné lors de la souscription, sur la suggestion de l'assurance, est lui-même le prestataire funéraire. Dans ce cas, au moment du décès, la famille du défunt ne peut plus choisir un autre opérateur funéraire et peut se voir imposer des prestations au choix de l'opérateur.

Ce type de contrats me paraît soulever une difficulté sérieuse ; j'ai demandé aux services de Bercy d'évaluer leur conformité à la loi. En fonction du résultat de leurs travaux, le Gouvernement prendra les sanctions qui s'imposent ou fera évoluer les règles.

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.

M. Christophe Chaillou. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions très utiles.

Nous serons extrêmement vigilants sur la suite que le Gouvernement voudra bien donner à cette question, qui, comme vous l'avez souligné, concerne de très nombreuses familles dans notre pays.

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