Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 06/02/2025
Mme Catherine Dumas rappelle à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire les termes de sa question n° 00954 sous le titre « Position de la France sur les projets de commercialisation de viande de synthèse », qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 06/03/2025
Depuis une dizaine d'années, des start-up développent des techniques de rupture consistant à produire en laboratoire des aliments visant à imiter les caractéristiques des produits animaux. Selon l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), la « viande in vitro », aussi dénommée « viande de synthèse », ou « viande cellulaire », consiste selon les procédés actuellement mis au point, à produire des fibres musculaires obtenues en cultivant des amas de cellules souches de muscle issues de prélèvements tissulaires animaux dans un milieu riche, contenant des hormones et des facteurs de croissance. Toujours selon l'INRAE, ces procédés ne sont aujourd'hui pas en capacité de reproduire les qualités nutritionnelles et sensorielles de la viande et l'industrialisation de la fabrication de cellules musculaires cultivées in vitro est encore exploratoire. De nombreuses incertitudes existent ainsi quant à une production à grande échelle, aux modèles économiques et à la balance bénéfices/risques sanitaires, environnementaux et nutritionnels. À ce jour, selon l'association Agriculture Cellulaire France, environ 60 entreprises travaillent au développement de tels produits, notamment aux États-Unis, en Europe et en Asie. En France, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », a exclu ces produits « in vitro » des produits consommables dans le cadre de la restauration collective. Toutefois, une loi nationale ne peut régir la commercialisation de ces produits. Comme l'explique l'avis du 10 octobre 2024 de la Commission européenne en réponse à la notification 2024/0394/HU, en vertu de la libre circulation des marchandises au sein du marché intérieur, l'interdiction ou l'autorisation de ces produits ne peuvent être mises en oeuvre qu'à l'échelle européenne, la première (interdiction) prévalant actuellement. En effet, dans l'Union européenne (UE), dès lors que les procédés mis en oeuvre entraînent des modifications substantielles dans la composition ou dans la structure du produit, celui-ci relève du règlement (UE) 2015/2283 relatif aux nouveaux aliments et doit faire l'objet d'une évaluation favorable de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) préalable à la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce régime d'autorisation constitue une procédure plus sécurisante pour le consommateur que les modalités d'approbation en vigueur dans d'autres pays d'innovation (États-Unis, Singapour ou Israël, par exemple). À ce jour, l'EFSA n'a délivré aucune AMM, qu'il s'agisse de produits destinés à la consommation humaine ou de produits dédiés à l'alimentation animale. La France a porté, aux côtés de l'Italie et de l'Autriche, au Conseil agriculture du 23 janvier 2024, un point divers afin de souligner les nombreuses questions et préoccupations soulevées par ces procédés de production, qu'elles soient éthiques, économiques, environnementales, sociales, sanitaires, réglementaires ou encore relatives à l'information du consommateur. Dans ce contexte, les pays signataires ont souligné la nécessité d'organiser au niveau européen un large débat avec l'ensemble des parties prenantes afin d'aborder le sujet de manière transparente, dans ses différentes dimensions et sur des bases scientifiques, avant d'initier tout processus d'AMM. Il a également été demandé à l'EFSA de ne pas se limiter à un avis traitant uniquement de la question de l'innocuité sanitaire, mais de mettre en place des lignes directrices spécifiques sur lesquelles fonder ses évaluations futures. Cette initiative conjointe a été soutenue par dix autres États membres. En ce sens, le Premier ministre a appelé, en février 2024, à une « législation claire au niveau européen sur la dénomination de ce qu'est la viande de synthèse ». Le 30 septembre 2024, l'EFSA a publié une actualisation de ses lignes directrices, mais celle-ci n'avait pas pour vocation de prendre en compte le cas particulier de la viande cellulaire, et prévoit que les études à fournir pour démontrer l'innocuité d'un novel food s'appuient toujours sur une approche au cas par cas sans que certaines études obligatoires ne soient définies dans le cas de la viande cellulaire. Cette actualisation n'a donc pas permis de répondre pleinement à la demande portée notamment par la France en janvier 2024 dans le cadre du Conseil des ministres de l'agriculture de l'UE.
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