Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE-K) publiée le 06/02/2025

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles sur la situation de la protection de l'enfance.
Le procès du drame d'Amandine, une jeune fille de 13 ans décédée de faim et de mauvais traitements infligés par sa propre mère, a mis en lumière les dysfonctionnements et les failles de notre système de protection de l'enfance. Comment un tel drame a-t-il pu se produire malgré les signalements répétés aux services sociaux ? Pourquoi l'État n'a-t-il pas pu ou su protéger cette enfant ?
Ces questions nous interpellent tous. Pourtant, depuis des années, les magistrats, les professionnels, les élus et les familles d'accueil n'ont cessé de lancer des alertes sur la situation de la protection de l'enfance, que beaucoup jugent aujourd'hui en état d'urgence.
En octobre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) confirmait ce diagnostic. Ce 30 janvier, c'était au tour de la Défenseure des droits de dénoncer, dans une décision cadre : « la dégradation de plus en plus préoccupante de la protection de l'enfance, qui porte atteinte à l'intérêt supérieur et aux droits fondamentaux des enfants ».
Près de 400 000 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE), incapable de leur apporter la protection et l'aide attendues. 30 000 postes sont vacants dans les établissements du secteur médicosocial. 70 % des juges interrogés disent avoir déjà renoncé à des placements d'enfants, faute de solutions. L'accès aux soins, notamment psychologiques, et à l'éducation, ne sont pas pleinement garantis. Étranglés financièrement par les baisses de dotations et les transferts de charges non compensés, les départements peinent à assumer ce qui relève de leurs responsabilités.
Le constat est lourd, et la responsabilité de l'État, qui ne dispose même plus d'un ministère de plein exercice, est flagrante.
En conséquence, elle lui demande quelles dispositions le Gouvernement compte prendre pour garantir à chaque enfant la protection à laquelle il a droit, quels moyens humains et financiers vont y être consacrés et enfin quelles suites seront données aux recommandations de la Défenseure des droits.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 09/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 296, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, plusieurs événements tragiques récents ont mis en lumière la situation dramatique, les failles et les dysfonctionnements de notre système de protection de l'enfance.

Je pense d'abord au procès du drame d'Amandine, jeune fille de 13 ans morte de faim et à la suite des mauvais traitements infligés par sa mère. Comment un tel drame a-t-il pu se produire malgré les signalements répétés aux services sociaux ? Pourquoi l'État n'a-t-il pas pu ou su protéger cette enfant ? Je pense ensuite à l'affaire Le Scouarnec. Comment un ex-chirurgien, accusé de viols et d'agressions sexuelles sur près de 300 victimes, a-t-il pu passer aussi longtemps sous les radars ?

Ces questions nous amènent tous à nous interroger. Depuis des années, magistrats, professionnels, élus et familles d'accueil tirent la sonnette d'alarme pour appeler notre attention sur l'état de la protection de l'enfance.

En octobre 2024, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a confirmé ce diagnostic alarmant. Le 28 janvier dernier, la Défenseure des droits a également dénoncé la dégradation préoccupante de la protection de l'enfance, soulignant que cette situation portait atteinte à l'intérêt supérieur et aux droits fondamentaux des enfants.

Près de 400 000 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE), mais celle-ci peine à leur apporter la protection et l'aide nécessaires. Quelque 30 000 postes sont vacants dans les établissements du secteur médico-social, et 70 % des juges interrogés déclarent avoir déjà renoncé à placer des enfants faute de solution adéquate. En outre, l'accès aux soins n'est pas pleinement garanti.

Les départements, étranglés financièrement par les baisses de dotations et les transferts de charges non compensés, peinent à assumer leurs responsabilités en la matière.

La responsabilité de l'État, qui ne dispose même plus d'un ministère de plein exercice dédié à cette cause, est flagrante. L'obsession sécuritaire à l'encontre des mineurs a pris le pas sur la responsabilité de protéger les plus faibles, en particulier les enfants.

Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour garantir à chaque enfant la protection à laquelle il a droit ? Quels moyens humains et financiers seront consacrés à cette mission essentielle ?

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. Quelles suites comptez-vous donner aux recommandations de la Défenseure des droits ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Michelle Gréaume, vos propos illustrent l'urgence de la refondation profonde du système de l'aide sociale à l'enfance. On ne peut plus continuer comme cela.

Le Gouvernement a décidé d'agir en mettant l'accent sur le renforcement de la prévention et le soutien à la parentalité. À titre personnel, j'insiste sur le rôle des pères, car les mères sont souvent laissées en première ligne.

Un plan de prévention périnatale sera déployé, incluant un accompagnement à domicile et une contractualisation avec les départements. L'objectif est de soutenir de manière ciblée les familles en difficulté, qu'il est nécessaire de mieux identifier. Nous devons absolument éviter que des situations de vulnérabilité ne débouchent sur des placements d'enfants.

Parallèlement, à court terme, nous renforçons les mesures de sécurisation et améliorons les conditions de placement, dont chacun connaît les limites.

Il nous faut également assurer un meilleur suivi des enfants confiés à l'ASE, ce qui passe par des contrôles accrus des établissements médico-sociaux et des évaluations rigoureuses. Il faut notamment revoir les normes d'accueil applicables aux pouponnières, au sujet desquelles certains témoignages sont terrifiants.

Dans le domaine de la santé, un bilan psychologique et somatique sera systématiquement réalisé dès la prise en charge des enfants, conformément au souhait de Mme Vautrin.

Le placement à dimension familiale doit être privilégié pour offrir aux enfants un environnement stable et chaleureux. Nous devons poursuivre la simplification des démarches permettant de recruter des assistants familiaux. La révision des modalités d'adoption complétera également cette démarche, afin de sécuriser durablement le parcours des enfants vulnérables.

Il est indispensable de repenser la gouvernance pour assurer une coordination optimale des actions. Un comité des financeurs en lien avec les départements se tiendra à la fin du mois d'avril, et le comité interministériel à l'enfance réunira, durant l'été, les ministères de la justice, de l'éducation nationale, des familles et de la santé.

Le Gouvernement mesure la gravité et l'urgence de la situation.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Nous nous engageons à mobiliser l'ensemble des moyens humains et financiers nécessaires pour améliorer les choses.

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