Question de M. PATIENT Georges (Guyane - RDPI) publiée le 06/02/2025

M. Georges Patient interroge M. le ministre d'État, ministre des outre-mer sur la politique d'exploitation des ressources naturelles que le Gouvernement entend mener en Guyane. En effet, alors que le Guyana connait une croissance économique inédite depuis 2020 et le début de sa production pétrolière (son PIB a plus que triplé en 4 ans dépassant celui de la Guyane), que le Suriname s'apprête à connaitre le même développement (le 1er octobre 2024, TotalEnergies annonçait un investissement d'environ 10,5 milliards d'euros dans le projet « GranMorgu » sur le bloc offshore 58 au large du Suriname pour un début de production en 2028), la Guyane voit son PIB par habitant stagner depuis plus de 10 ans, le maintenant légèrement au-dessus des 15 000 euros soit environ 40 % du PIB par habitant national. La Guyane souffre d'un sous-investissement chronique cause d'un déficit en infrastructures et services et d'une économie atone qui peine à offrir à toute la population les moyens suffisants pour une vie digne. Le taux de pauvreté y est de 53 % au lieu de 15 % au niveau national. Pourtant la Guyane possède de nombreuses ressources naturelles (pétrole, or, fer, bauxite, diamant, terres rares, bois, ressources halieutiques et potentiel agricole) dont l'exploitation pourrait fournir un socle productif solide qui permettrait un développement économique au profit de la nation tout entière. En Guyane, c'est une population pauvre qui foule une terre riche. Des projets d'exploitation et de développement existent ou ont existé mais à chaque fois une décision politique est venue contrarier leur mise en oeuvre. La loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, dite loi « Hulot », l'absence d'autorisation pour les mines de la Montagne d'or ou de la Montagne de Kaw, le financement famélique pour le renouvellement de la flotte de pêche, les financements du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) allant aux grandes cultures absentes de Guyane, autant de choix et décisions politiques qui maintiennent la Guyane sous cloche. En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour qu'enfin la Guyane puisse exploiter ses richesses au bénéfice de sa population, de ses collectivités et de la nation tout entière. Et plus spécifiquement, il souhaite savoir s'il envisage d'abroger pour la Guyane l'application de la loi « Hulot ».

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 12/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/02/2025

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 294, adressée à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, alors que nos voisins, le Suriname et le Guyana, sont sur le point de connaître un essor économique fulgurant grâce à l'exploitation de leurs ressources, la Guyane française demeure dans un état de précarité et de pauvreté, non par manque de richesses, car elle dispose des mêmes ressources que ses voisins, mais parce que des décisions centralisées entravent toute dynamique de développement, maintenant la Guyane sous cloche.

La Guyane est en effet asphyxiée par des réglementations excessives et inadaptées, un accès au foncier verrouillé et des projets bloqués au nom d'une protection environnementale, qui, paradoxalement, favorise l'exploitation illégale et l'économie souterraine, qui n'ont que faire des critères écologiques.

Voilà qui a pour résultat une population privée d'emploi et de perspectives, un sentiment croissant d'injustice, incitant même à la révolte.

Comment en effet expliquer à la population guyanaise que son territoire souffre d'une économie moribonde, alors que celui-ci est riche de ressources au grand potentiel économique ?

Combien de temps encore la Guyane devra-t-elle subir ce traitement d'exception, alors qu'elle pourrait être un moteur économique pour tout le pays, monsieur le ministre ? Est-elle condamnée à être l'éternelle sacrifiée ?

Ne pensez-vous pas qu'il est temps de reconsidérer la position de l'État pour assurer le développement durable de la Guyane, dans le respect de ses écosystèmes, cela va sans dire, mais aussi de ses propres besoins de plus en plus pressants ?

Plus spécifiquement, n'envisagez-vous pas d'abroger pour la Guyane l'application de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite loi Hulot, que les Guyanais perçoivent comme un boulet colonial, leur territoire étant le seul territoire sud-américain à subir une telle mesure ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, cher Georges Patient, en effet, la Guyane dispose de ressources naturelles exceptionnelles - j'insiste sur le pluriel - à la valorisation desquelles le Gouvernement est attaché. C'est un enjeu de développement économique, d'emploi et de souveraineté.

Comme vous le savez, l'État déploie en permanence en forêt plus de 300 militaires des forces armées de Guyane, ainsi que des forces de la gendarmerie nationale, pour préserver ces ressources naturelles, notamment pour permettre l'orpaillage légal.

En matière de simplification des normes, notre pays dispose d'importantes marges de progression. Le projet de loi de simplification de la vie économique adopté en première lecture par le Sénat comporte notamment une disposition relative à l'orpaillage - je sais que vous y êtes vigilant, monsieur le sénateur - prévoyant que l'autorisation d'exploitation vaille également autorisation d'occupation.

Au-delà de l'or, le sous-sol guyanais est susceptible de renfermer d'autres métaux précieux. C'est pourquoi une actualisation de l'inventaire national des ressources minérales sera lancée à la fin du premier trimestre.

Je reste à votre disposition pour discuter en détail des réalisations et des voies d'amélioration en matière agricole ou en faveur du secteur de la pêche, monsieur le sénateur.

J'en viens aux hydrocarbures, qui sont au coeur de votre question. En vertu de l'article L. 116-6 du code minier, la recherche de nouvelles exploitations n'est plus permise.

Le 13 décembre 2023, la COP28, organisée à Dubaï, s'est conclue par un appel, rejoint par la France, à « s'éloigner des combustibles fossiles ». Nous observons toutefois que les pays voisins de la Guyane - le Guyana, le Suriname et le Brésil - accélèrent pour leur part la prospection afin d'ouvrir de nouvelles exploitations.

Je demanderai donc à mes services d'étudier la conventionnalité, c'est-à-dire la compatibilité avec les traités internationaux et le droit communautaire d'éventuelles initiatives législatives d'origine parlementaire. En tout état de cause, j'estime qu'il nous faut ouvrir le débat, y compris sur la loi Hulot, pour toutes les raisons que vous avez évoquées, qu'elles aient trait à l'exploitation, à l'emploi ou au sentiment profond des citoyens de Guyane. J'y suis prêt et je compte sur votre engagement sur cette question, monsieur le sénateur.

Si les territoires ultramarins nous font rayonner, il est temps qu'ils rayonnent aussi par eux-mêmes au sein de territoires qui sont en train d'évoluer.

En tout état de cause, soyez assuré de ma disponibilité et de ma volonté d'ouvrir ce débat, monsieur le sénateur. Ce ne sera pas facile, mais, ensemble, je crois que nous y parviendrons.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.

M. Georges Patient. Je vous remercie de vos propos et je ne tarderai pas à vous rendre visite pour en discuter, monsieur le ministre.

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