Question de M. CABANEL Henri (Hérault - RDSE) publiée le 06/02/2025
M. Henri Cabanel attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur la problématique de l'utilisation des graisses animales de catégorie 3 dans la production de biocarburants.
Depuis 2010, la part des graisses animales de catégorie 3 utilisées dans la production de biocarburants est passée de 0 % à près de 50 %. Ces graisses animales ne sont pas des déchets et leur disponibilité est limitée. Elles jouent un rôle essentiel dans la fabrication des aliments pour animaux de compagnie depuis plus de 60 ans. Cependant, les récents textes européens n'interdisent pas leur utilisation dans le cadre des objectifs de décarbonation du secteur des transports, qu'il soit routier, maritime ou aérien. En France, leur utilisation est même encouragée par des incitations fiscales indirectes. Cette évolution accentue la pression sur une ressource rare et précieuse car directement lié à la consommation de viande en France et en Europe, qui a déjà tendance à baisser. La Fédération des fabricants d'aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (FACCO) alerte sur les conséquences de ce détournement : augmentation des prix, pénurie de matières premières et impact direct sur les 26 millions de chiens et chats présents en France et les 7 500 emplois directs et 25 000 indirects.
Ce constat va à l'encontre du principe fondamental de l'Union Européenne : "Food and Feed First", qui consiste à prioriser l'alimentation humaine et animale avant la valorisation énergétique. Dans les faits, cet usage fragilise une industrie clé pour la France. En effet, les fabricants d'aliments pour animaux de compagnie, qui génèrent un excédent commercial de plus d'1 milliard d'euros soit plus de 20 % du total de l'excédent commercial Français des entreprises de l'agro-alimentaire, sont directement impactés par ce conflit d'usage. Les graisses C3 n'étant pas remplaçables, les fabricants devront répercuter les conséquences de cette concurrence et distorsion de marché, qui pourrait entraîner une hausse des coûts de production, répercutée sur les prix de vente aux consommateurs. Par ailleurs, la FACCO soulève une interrogation légitime : pourquoi l'impact environnemental des graisses animales est-il considéré comme nul lors du calcul de l'empreinte environnementale des biocarburants, alors qu'il est pris en compte lors du calcul de l'empreinte environnementale des autres industries utilisant cette matière première ?
Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a clairement identifié un conflit d'usage sur l'utilisation des graisses C3 ainsi qu'un manque de disponibilité de cette matière, manque qui ne pourra être comblé puisque les volumes sont figés et dépendant de la consommation de viandes. Il est évident que les graisses C3 - même si 100 % dédié au transport - ne pourront pas permettre d'atteindre les objectifs de décarbonation du transport fixées dans les différentes feuilles de route européennes et françaises. Cependant, leur manque de disponibilité portera un coup à la viabilité des fleurons de l'industrie française. Le France est le 2e exportateur mondial et exporte plus de la moitié de sa production.
À l'heure, où la souveraineté alimentaire de la France, la baisse de compétitivités des industries agroalimentaires et l'équilibre de la balance commerciale de notre pays suscitent une grande inquiétude, il lui demande quelles mesures concrètes va pendre le Gouvernement pour protéger ce fer de lance industriel.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie
Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du tourisme publiée le 12/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 11/02/2025
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 291, transmise à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
M. Henri Cabanel. Ma question porte sur l'utilisation des graisses animales de catégorie 3, qui jouent un rôle essentiel dans la fabrication des aliments pour animaux de compagnie depuis plus de soixante ans. Afin de respecter les objectifs de décarbonation du transport routier, maritime et aérien, les récents textes européens autorisent leur utilisation pour la fabrication de biocarburants. Le recours à ces graisses a même été encouragé en France par des incitations fiscales indirectes.
Une telle évolution a aggravé la pression sur une ressource déjà rare, car directement liée à la consommation de viande, laquelle a tendance à baisser. La Fédération des fabricants d'aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers (Facco) nous alerte sur les conséquences de ce détournement : pénurie, augmentation des prix et impact sur les 7 500 emplois directs et les 25 000 emplois indirects.
Ce constat va à l'encontre d'un principe fondamental de l'Union européenne consistant à prioriser l'alimentation humaine et animale avant la valorisation énergétique.
Par ailleurs, ce détournement fragilise le secteur, qui produit un excédent commercial de plus de 1 milliard d'euros, soit plus de 20 % du total de l'excédent commercial des entreprises françaises de l'agroalimentaire. Ce n'est pas rien dans un contexte économique très tendu.
D'où cette question légitime : pourquoi l'impact environnemental des graisses animales est-il considéré comme nul dans le calcul de l'empreinte environnementale des biocarburants, alors qu'il est pris en compte pour les autres industries utilisant cette même matière première ?
Le Gouvernement souhaite-t-il protéger l'utilisation de ces graisses dans les aliments pour animaux domestiques ? Le cas échéant, quelles mesures entend-il prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je profite de votre question pour rappeler l'excellence de la filière de l'alimentation animale ; c'est une industrie exportatrice dont nous sommes particulièrement fiers.
Vous interrogez le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie sur l'usage des graisses animales dans les biocarburants et l'alimentation animale. La transition vers des énergies bas-carbone est cruciale pour lutter contre le changement climatique et réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées.
Les biocarburants jouent un rôle important dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports et permettent de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Pour limiter les éventuels conflits d'usage, en particulier en matière alimentaire, les réglementations française et européenne favorisent en particulier le développement des biocarburants avancés, issus notamment de résidus et de matières usagées.
Je précise que les carburants fabriqués à partir des graisses animales de catégorie 3 ne sont pas considérés comme des biocarburants avancés et ne sont donc pas particulièrement favorisés. Ces graisses sont aujourd'hui valorisées dans différentes filières, dont celle de la nourriture animale, aussi bien pour les animaux de compagnie que le bétail.
Aujourd'hui, 25 % des quantités disponibles sont valorisées dans la nourriture animale, les graisses restantes étant utilisées dans les biocarburants et le secteur de la chimie.
Je vous confirme que la nourriture animale fait bien partie des usages prioritaires des graisses animales. Nous l'avons même inscrit dans l'ordre de mérite des usages de la biomasse.
Cependant, le secteur de la nourriture animale ne saurait à lui seul valoriser l'ensemble de cette ressource. La valorisation en biocarburants représente une alternative pertinente permettant de valoriser les ressources non utilisées par l'alimentation animale.
La France continuera d'être vigilante sur le potentiel conflit d'usage lors des évolutions des politiques relatives aux biocarburants et aux carburants alternatifs, afin de conserver une industrie compétitive dans le secteur de l'alimentation animale.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre.
Je partage entièrement vos propos sur les biocarburants, mais, à un moment donné, il faudra faire un choix afin que les producteurs d'aliments pour animaux domestiques n'aient pas à augmenter leurs prix, sachant que la France est le pays qui compte le plus grand nombre de ces animaux.
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