Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 20/02/2025

Question posée en séance publique le 19/02/2025

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, vous venez de parler d'un basculement du monde : vous avez raison !

L'Europe est en guerre, elle est seule et elle est divisée. Ce que quelques-uns d'entre nous répètent depuis trois ans en prêchant dans le désert apparaît brusquement comme une évidence.

Mercredi dernier, un simple coup de fil entre Trump et Poutine a transformé l'Europe en paillasson et l'Ukraine en otage d'un pacte honteux.

Le soi-disant maître de l'art du deal et ses copains du golf de Mar-a-Lago, maquillés en diplomates, négocient seuls en cédant d'emblée aux buts de guerre de leur adversaire. Les rodomontades de la paix par la force ont fait place à la pantalonnade de la paix par la reddition. Celui qui, paraît-il, postule au prix Nobel de la paix est déjà assuré d'obtenir celui de la trahison et, depuis hier, celui de la provocation en accusant Zelensky d'avoir déclenché la guerre !

À Munich, son numéro deux, le génie des Appalaches, qui a soutenu l'assaut du Capitole, a osé nous donner des leçons de démocratie. Les Européens ont répondu : « Rien sur l'Ukraine sans l'Ukraine et rien sur l'Europe sans l'Europe. » Ce sont de belles paroles, mais comment les traduire en actes ?

Depuis des décennies l'Europe n'a cessé de reporter la construction de sa propre défense, malgré les alertes de la France, comme vous l'avez souligné, monsieur le Premier ministre.

En juin 2022, le Président de la République a annoncé « l'entrée de la France et de l'Europe en économie de guerre ». Nous n'avons, à ce jour, pas fait le moindre pas dans cette direction. La réunion de l'Élysée avant-hier n'a pas fait l'objet d'un communiqué pour ne pas étaler les divisions.

Que la guerre se prolonge ou que l'Ukraine ait besoin de garanties, les Européens seront seuls demain pour consentir l'effort, en matériel, en argent et en troupes. C'est en urgence, faute de l'avoir fait avant, que l'Europe doit investir massivement dans sa défense, utiliser les avoirs russes gelés, unir ses marchés de capitaux, sortir les dépenses militaires des critères de Maastricht. Ma question est simple : la guerre se rapproche et nos alliés s'éloignent, quel est le plan ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 20/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2025

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, vous l'avez rappelé, la France a été constamment non pas seulement à l'avant-garde, mais souvent seule, notamment au cours de la dernière décennie, à porter l'idéal d'une Europe qui s'unirait pour exister.

Nous serons seuls, mais la question la plus fondamentale est : serons-nous nous-mêmes ? Accepterons-nous l'Europe ? Choisirons-nous d'exister ? L'interrogation to be or not to be n'aura jamais été aussi actuelle qu'aujourd'hui.

Vous me demandez que faire, quel est le plan ? Celui-ci, selon moi, repose en partie sur la volonté politique et sur le souhait de construire une défense qui ne dépende pas des autres, quels que soient ces autres. Nul n'ignore ce que suppose technologiquement et numériquement une telle affirmation. C'est le premier point.

Par ailleurs, et c'est le deuxième point, l'Europe sera-t-elle forte, en particulier économiquement ? Je ne crois pas que l'on puisse s'en tenir à une situation aussi déséquilibrée, avec toute la croissance de l'autre côté de l'Atlantique, grâce à un puissant soutien de la Réserve fédérale des États-Unis (FED), et toute la stagnation chez nous, où la Banque centrale européenne (BCE) fait preuve d'une prudente réserve.

Voilà la réalité devant laquelle nous sommes tous placés. La question se pose, comme vous l'avez rappelé, pour les investissements militaires, mais elle vaut également pour l'ensemble de notre économie. Force est de constater que les États-Unis ont depuis longtemps organisé la captation, ajoutant une puissance monétaire sans comparaison à une capacité de croissance entièrement soutenue technologiquement, industriellement et fiscalement.

Le moment vient, les jours approchent, peut-être les minutes, où nous devrons, en citoyens responsables, répondre à ces questions purement et simplement existentielles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, et INDEP.)

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