Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - RDPI) publiée le 20/02/2025
Question posée en séance publique le 19/02/2025
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, nous nous joignons bien entendu à vos propos à l'égard de nos amis ukrainiens, à qui nous apportons notre entier soutien.
Monsieur le Premier ministre, les États-Unis sont-ils toujours nos alliés ?
Pendant que la loi du plus fort tente de s'imposer, notre continent fait face à une menace existentielle. Alors que l'Europe se doit de garantir la paix à ses frontières, elle peine, aujourd'hui, à exister dans la résolution de la guerre.
L'Europe que nous avons bâtie depuis soixante-quinze ans est à la croisée des chemins. Depuis la fin de la guerre froide, jamais notre continent n'a été, à ce point, mis à l'épreuve par des éléments exogènes et endogènes qui le percutent dans ses fondamentaux historiques.
Nous faisons face à la fin d'une époque où tout ce que nous considérions comme acquis est désormais réexaminé, révisé, voire renversé.
Le dernier fait en date est la position américaine sur la guerre menée par la Russie en Ukraine, le président américain ayant affirmé hier que le président Zelensky aurait pu éviter le conflit.
Par son revirement stratégique, le président Trump a acté un renversement d'alliance en prenant le parti d'ouvrir des négociations bilatérales avec la Russie mettant de côté les Européens, mais aussi les premiers concernés : les Ukrainiens.
En souhaitant imposer à l'Ukraine une paix non concertée pour une guerre qu'elle n'a pas provoquée, les États-Unis renforcent la position impérialiste de Poutine qui menace désormais toute l'Europe.
Notre continent ne peut plus compter sur son allié américain. Face au risque existentiel qui pèse sur lui, nous devons désormais assurer nous-mêmes notre sécurité.
Je salue ainsi toutes les initiatives prises depuis 2017 par le Président de la République pour promouvoir un réarmement européen et créer une véritable défense européenne. Le sommet de Paris en est une étape cruciale et décisive.
Notre protection n'a pas de prix et passera par un effort inédit pour notre défense dans l'Union européenne.
Monsieur le Premier ministre, face à la désunion internationale orchestrée par M. Trump et aux volontés impérialistes de M. Poutine sur notre continent, comment la France et l'Europe peuvent-elles encore incarner la défense des valeurs démocratiques et le respect du droit international ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 20/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 19/02/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord me joindre aux applaudissements qui ont exprimé si longuement et avec ferveur l'adhésion des parlementaires français, particulièrement du Sénat, au soutien à l'Ukraine à un moment où ce pays est si profondément agressé, physiquement et historiquement.
Ce que vous avez noté, monsieur le président Patriat, n'est que la suite de cette séquence qui s'est ouverte il y a maintenant trois ans par l'agression délibérée et absolument injustifiée de la Russie de Poutine contre l'Ukraine. Cette date a marqué un renversement du monde.
Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, nous vivions avec l'idée - certains diraient peut-être l'illusion - que la planète serait désormais régie par le droit, qu'aucun des grands pays ne s'attaquerait à la stabilité des frontières et qu'une loi internationale permettrait à chacun de poursuivre son développement, dans la perspective d'un avenir stabilisé. C'est cette certitude qui a été renversée par Poutine, à qui se sont jointes un certain nombre d'autres très grandes voix internationales, dont, hélas ! celle du quarante-septième président des États-Unis, élu dans les circonstances que l'on sait et sur un discours qu'on a entendu...
Il y a là une double inquiétude et, plus qu'une inquiétude, un double sentiment de désarroi. L'Ukraine semble abandonnée par le principal pays membre de l'Otan, qui s'était pourtant engagé à défendre le droit. Or il a ouvert le dialogue avec l'agresseur contre les agressés, pour se partager la zone - semble-t-il - au détriment des victimes. Il est vrai que l'Europe a vécu elle aussi dans cette illusion.
Notons que La France a été, depuis le général de Gaulle, sur une ligne qu'elle a constamment défendue : celle de notre autonomie dans l'équilibre du monde. Beaucoup de dirigeants français, au travers du temps, ont soutenu l'idée que c'était de nous que dépendaient, au bout du compte, notre liberté et notre indépendance.
Ce moment historique et ce basculement du monde que nous sommes en train de vivre invitent à deux résolutions.
La première, c'est que nous avons à construire cette Europe que nous avons à peine esquissée, ce qui demandera beaucoup d'efforts.
La deuxième, soyons-en certains, c'est que la France est le pays qui porte la première responsabilité dans une Europe qui se cherche, comme elle l'a d'ailleurs fait depuis toujours. C'est donc de sa vitalité, de sa prospérité et de son unité que dépendent en partie l'avenir de l'Europe et l'avenir de l'Ukraine, que nous aimons. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
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