Question de M. WEBER Michaël (Moselle - SER) publiée le 13/02/2025

Question posée en séance publique le 12/02/2025

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Monsieur le garde des sceaux, je remarque que le ministère de la justice possède, au fond, une curiosité anatomique, suivant l'expression appliquée à l'Allemagne, dans les années 1930, par l'écrivain Kurt Tucholsky : il écrit de la main gauche, celle des tribunaux, mais agit de la main droite, par l'expression du ministre !

Depuis deux semaines et maintenant de manière récurrente, plusieurs médias dont les propos peuvent être assimilés à ceux de l'extrême droite menacent des membres du monde judiciaire, soit au sujet d'une enquête en cours, soit dans la perspective de jeter en pâture ceux qu'ils nomment « les coupables de l'invasion migratoire ».

Parmi les personnes visées, qui ont été nommées et dont le visage a été diffusé, on trouve des avocats, mais aussi des magistrats et même des tribunaux entiers, comme le tribunal administratif de Melun - cela a été relaté ce matin même.

Tous ont fait l'objet de commentaires particulièrement haineux et abjects, que je me dois de vous citer : « Elle mérite une balle de 9 millimètres dans la tête », ou encore : « Il faut les trouver, tirer à vue et flamber leurs nids douillets ».

Monsieur le garde des sceaux, il n'est plus possible de se dissimuler derrière la dissolution de trois groupuscules d'extrême droite pour faire croire que l'affaire est entièrement résolue. La bête immonde demeure tapie dans l'ombre, d'où elle menace la stabilité de nos institutions.

Alors, que comptez-vous faire pour protéger nos tribunaux et ceux qui, chaque jour, contribuent au bon fonctionnement de notre justice ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, nous partageons tout à fait, me semble-t-il, le constat que vous avez fait.

Vous aurez sans doute remarqué, étant un sénateur averti des propos du garde des sceaux, que j'ai tenu à exprimer à plusieurs reprises un soutien absolu aux magistrats menacés.

Je l'ai notamment fait pour ceux de Marseille. En effet, quand on parle de magistrats menacés, il faut aussi penser à ceux qui sont sous protection policière parce qu'ils sont menacés par les narcotrafiquants. Il me semble que notre coopération avec le groupe socialiste sur ce sujet illustre bien notre attachement à protéger ces victimes de menaces : les magistrats, bien sûr, mais aussi les agents de l'administration pénitentiaire qui se voient privés de leur liberté, de celle d'embrasser leurs enfants, parce qu'ils sont soumis aux menaces récurrentes de narcotrafiquants, de terroristes islamistes - vous n'avez pas fait allusion à ces derniers - ou de toute autre personne cherchant à attaquer un principe qui nous est plus cher que tout, à savoir l'indépendance de la justice.

Je suis également très attaché à la défense de la liberté des avocats. En témoigne le soutien public que j'ai apporté très récemment aux avocats spécialisés dans le droit des étrangers à la suite d'attaques parues dans une revue d'extrême droite : j'ai tenu à écrire à ces avocats, ainsi qu'à la présidente du Conseil national des barreaux, pour leur apporter tout mon soutien, car il ne faut jamais confondre l'avocat et son client.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bien !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Les magistrats, les avocats, les greffiers et les agents de l'administration pénitentiaire, mais aussi les policiers et les gendarmes, tous ceux en somme qui contribuent à l'autorité de l'État, doivent être intégralement protégés.

C'est la raison pour laquelle, au-delà du soutien public que je leur ai accordé, le Gouvernement a fait en sorte, par l'action du ministère de l'intérieur et des préfets, qu'ils soient tous protégés, y compris - vous comprendrez que je ne puisse entrer ici dans le détail - physiquement par des policiers et des gendarmes, mais aussi psychologiquement.

Nous sommes évidemment mobilisés pour protéger les palais de justice, les cabinets des juges et - c'est bien légitime - tous les lieux où les avocats exercent leur activité.

La question de la protection de la chaîne pénale, de son indépendance et de sa liberté est une question éminemment républicaine. Elle ne donne lieu à aucune division entre nous.

Je tiens enfin à rappeler que, lors du récent procès impliquant l'extrême droite, j'ai tenu à écrire personnellement aux magistrats et à leur exprimer publiquement mon soutien, tout en leur garantissant, bien évidemment, une protection par les forces de l'ordre de la République. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.

M. Michaël Weber. Monsieur le garde des sceaux, j'entends vos propos, mais je constate que le Gouvernement contribue à cette ambiance. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ainsi, le Premier ministre reprend à son compte le mythe de la « submersion migratoire », pourtant démenti par les chiffres de l'Insee. Le ministre de l'intérieur remet en cause le droit du sol et s'en prend ouvertement à l'État de droit. Enfin, la frénésie législative sur l'immigration joue sur les peurs, au détriment des droits indivisibles des personnes, de la réalité des mouvements migratoires et du respect de l'État de droit, qui garantit à tous dignité, justice et égalité.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Rien à voir !

M. Michaël Weber. La France a besoin de se rassembler ; votre gouvernement la divise ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

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