Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 13/02/2025
Question posée en séance publique le 12/02/2025
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le ministre, de nouveau, un maire vient d'être convoqué par la justice pour une décision qu'il a prise dans l'exercice de ses fonctions. Il risque cinq ans de prison, 75 000 euros d'amende et une peine complémentaire d'inéligibilité.
Son crime ? Il a refusé de procéder au mariage d'un étranger en situation irrégulière sur notre territoire ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Certes, il aurait dû savoir qu'en tant qu'officier d'état civil il ne dispose d'aucun pouvoir pour s'opposer à un mariage, y compris à un mariage impliquant une personne soumise à une OQTF. Il aurait dû savoir que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne permet pas de subordonner la liberté de contracter mariage à la régularité du séjour.
Mais, monsieur le ministre, n'est-ce pas le monde à l'envers ? C'est la personne en situation irrégulière, qui viole la loi et doit obligatoirement quitter le territoire, qui fait un procès au maire qui refuse de le marier.
Que peuvent bien penser les Français d'une telle situation ? Ne faut-il pas d'urgence modifier notre cadre législatif ? Et nos maires, qui ne sont pas tous juristes, tant s'en faut, n'ont-ils pas droit à une juste protection ? Que compte faire le Gouvernement à cet égard ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et des travées du groupe UC.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 13/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 12/02/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Reichardt, ayant été moi-même maire, comme beaucoup d'entre vous ici, il m'est arrivé à de nombreuses reprises, de même qu'à mes adjoints, de constater, en recevant de futurs mariés, que le consentement n'était pas libre et éclairé, comme l'exige le code civil, ou qu'il s'agissait d'un mariage frauduleux. Par conséquent, j'ai eu l'occasion de saisir le procureur de la République de mes doutes, des saisines qui n'ont d'ailleurs pas toujours été suivies d'effets à l'époque.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À l'époque ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je n'ai en revanche jamais été dans la situation de M. le maire de Béziers, puisque c'est de lui que vous parlez, ou d'autres maires en France.
Il ne m'appartient pas, vous le comprendrez, de commenter une affaire individuelle, mais je peux vous dire que nous donnerons, sous l'autorité de M. le Premier ministre, un avis favorable sur la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire, déposée par M. le sénateur Demilly du groupe Union Centriste... (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Elle est inconstitutionnelle !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Le débat doit avoir lieu et je suis sûr que votre assemblée trouvera les moyens de rendre ce texte conforme à la Constitution. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
En outre, nous devons faire en sorte, dans l'hypothèse où le procureur de la République ne répond pas, que le maire ait le dernier mot, car, aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit : quand le procureur de la République ne répond pas, le maire est obligé de procéder au mariage. Je suis personnellement favorable à une telle mesure.
Enfin, nous devons exiger une preuve de la régularité du séjour dans la liste des pièces à fournir avant le mariage à l'officier d'état civil, qui, je le rappelle, agit au nom du procureur de la République. En cas de refus, un recours doit être possible.
M. Hussein Bourgi. Donnez les moyens aux préfectures de recevoir les candidats !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Ces mesures sont en tout point conformes à notre Constitution.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, le mariage est un droit, et non pas un passe-droit ! Nos concitoyens ne pensent pas autre chose ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDPI. - Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Pour conclure, je formulerai deux remarques.
D'abord, sachez que, même si les maires qui sont actuellement convoqués par la justice avaient saisi le procureur de la République au lieu de décider par eux-mêmes, cela n'aurait rien changé. En effet, l'irrégularité du séjour n'est actuellement pas un motif suffisant pour s'opposer au mariage. Il faut donc changer la loi !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pourquoi pas changer la Constitution tant que vous y êtes ?
M. André Reichardt. Ensuite, il nous faut vraiment trouver le moyen de protéger les maires. Lors de la réunion de notre commission des lois, ce matin, le rapporteur de la proposition de loi qu'a évoquée M. le garde des sceaux a exposé la jurisprudence en la matière. Je suis moi-même juriste...
Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie. Nous aussi !
M. André Reichardt. ... et j'ai pourtant eu du mal à tout saisir. Dès lors, peut-on reprocher aux maires de ne pas toujours tout comprendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Mickaël Vallet. Surtout à Béziers !
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