Question de Mme SENÉE Ghislaine (Yvelines - GEST) publiée le 13/02/2025

Question posée en séance publique le 12/02/2025

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

485 milliards d'euros par-ci, 200 milliards d'euros par-là, 109 milliards d'euros ici : bienvenue dans le monde miraculeux de l'intelligence artificielle (IA), avec son concours de celui qui a la plus grosse... enveloppe ! (Murmures.)

Ces derniers jours, les discours et cette pluie éhontée de milliards d'euros tendent à nous faire croire que l'IA sera la solution à l'ensemble de nos problèmes, le nouvel eldorado des investisseurs, le summum du technosolutionnisme qui viendra sauver notre planète.

Mais, dans la vraie vie - l'épisode DeepSeek en est l'illustration -, l'IA est une bulle. Les résultats que l'on nous promet depuis deux ans tardent. Il existe aujourd'hui peu de certitudes, mais beaucoup de contraintes.

Ce qui est déjà sûr, c'est que l'IA a d'ores et déjà un coût écologique considérable et insoutenable à ce stade.

Au-delà du coût social à venir, l'IA représente un coût humain : reposant sur l'extraction minière, elle est notamment à l'origine des tueries dans le Nord-Kivu, au Congo, qui ont déjà fait plus de 3 000 morts.

Elle a un impact sur la santé mentale ; elle bouscule la propriété intellectuelle et met en danger nos droits fondamentaux et nos démocraties.

Aujourd'hui, seule l'Union européenne propose une réglementation, unique au monde, composée de cinq véhicules législatifs, dont l'AI Act. Mais à peine la première phase de celui-ci vient-elle d'entrer en vigueur qu'il est déjà attaqué.

Le président Macron, grand promoteur de la start-up nation, a mis en scène, hier, la signature d'une déclaration internationale en faveur « d'une IA éthique, inclusive, ouverte et durable » pour les populations de la planète : le fameux « en même temps »... Et aujourd'hui, madame la ministre, c'est dans ce même état d'esprit que nous venons de vous entendre parler de « performance » et d'« accélération ».

Nous confirmez-vous le soutien sans faille de la France à l'AI Act ? Allez-vous oeuvrer pour le renforcement de la régulation européenne de l'IA sans céder à la pression des géants de la tech et des grands groupes financiers qui comptent encore se remplir les poches ? En d'autres termes, la France va-t-elle soutenir le leadership européen face à la vague d'illibéralisme et de dérégulation outrancière qui déferle, repoussant toujours plus loin les droits fondamentaux et les limites planétaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. - M. Alexandre Basquin applaudit également.)

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'intelligence artificielle et du numérique publiée le 13/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2025

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice, la semaine dernière, dans cet hémicycle, nous entendions dire que les États-Unis avaient déjà remporté la course, parce qu'ils avaient engagé 500 milliards d'euros dans l'IA. Cette semaine, on nous dit que 109 milliards d'euros, ce n'est pas bien non plus... Je m'interroge sur la cohérence d'ensemble de ces interventions.

M. Thierry Cozic. Ce n'est pas la question !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Au moment où cette technologie accélère comme jamais, nous devrions non pas tenir des discours pessimistes, mais nous réjouir de ce progrès.

Quand les médecins utilisent l'IA pour faire progresser la recherche contre le cancer, quand les chercheurs utilisent l'IA pour trouver de nouveaux matériaux susceptibles de remplacer le plastique - ce n'est pas rien pour l'écologie -, quand tous les scientifiques du monde utilisent l'IA pour trouver des solutions à nos problèmes, il me semble fondamental d'être au rendez-vous. Et c'est ce à quoi nous nous employons !

M. François Patriat. Très bien !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Vous évoquez l'éthique, madame la sénatrice. (Mme Ghislaine Senée opine.) Il est important de souligner qu'hier, sous l'égide de la France, soixante pays se sont engagés en faveur du développement d'une « intelligence artificielle éthique, inclusive, ouverte et durable ». Cela ne vous paraît peut-être pas grand-chose, mais c'est absolument fondamental, parce qu'il est hors de question que le développement de cette technologie qui transforme nos vies et notre avenir reste concentré dans les mains de quelques entreprises.

C'est cela, la vision de la France ! C'est cela, la vision de l'Europe !

Vous avez raison, l'Union européenne met en place une réglementation ambitieuse. D'ailleurs, j'y insiste, tous ceux qui font croire que cette réglementation est une mauvaise chose ont tort ! Les Vingt-Sept s'engagent autour des mêmes règles, en respectant un principe très simple : l'IA, comme tout outil, ne vaut que par la façon dont on l'utilise. C'est non pas la technologie en elle-même qui est mauvaise, mais l'usage qui peut en être fait.

M. Fabien Gay. Et Musk ?

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Non, en Europe, nous ne voulons pas d'une IA qui puisse noter les individus, d'une IA qui puisse utiliser les émotions !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Telle est la vision que nous défendons en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Très bien !

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