Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 06/02/2025
Question posée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Rojouan. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Madame la ministre, le pouvoir d'achat reste de loin la principale préoccupation des Français.
Nous assistons à un phénomène dont on parle peu, mais qui prend de l'ampleur dans notre pays : beaucoup de Français ne font que survivre, alors même qu'ils travaillent.
Le nombre de ces travailleurs pauvres est en constante augmentation. Je parle bien de travailleurs, car il s'agit en grande partie de gens qui se lèvent tôt, à trois ou quatre heures du matin, pour exercer des tâches pénibles. Ce sont des courageux et de vrais productifs : principalement des ouvriers dans les usines et les ateliers, des agriculteurs, des salariés de la restauration et de l'entretien.
Disons-le clairement : pour une partie des Français modestes, le travail ne paie plus. Aussi, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour que tous nos concitoyens puissent vivre dignement de leur travail ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Émilienne Poumirol. Bien !
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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 06/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le sénateur Rojouan, vous avez raison : le travail doit mieux payer en France. Le Smic peut être un salaire d'entrée dans la vie active, mais trop de travailleurs restent aujourd'hui piégés dans la trappe à bas salaires, malgré l'expérience acquise.
C'est pourquoi nous devons continuer à soutenir les négociations sur les salaires au niveau des branches et des entreprises.
La semaine dernière, j'ai réuni le comité de suivi des salaires, qui regroupe l'ensemble des partenaires sociaux à l'échelle nationale, pour faire le point sur l'état des minima de branche.
Les branches jouent le jeu, à l'exception de cinq d'entre elles, pour lesquelles les négociations sont durablement bloquées.
Mme Frédérique Puissat. Trois seulement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J'ajoute que plus de la moitié des branches n'ont pas actualisé leurs classifications depuis un certain nombre d'années. Les grilles étant obsolètes, les perspectives d'évolution professionnelle s'en trouvent limitées.
Ce sont là des sujets que le ministère du travail continue de suivre et auxquels je demeure personnellement attentive.
En outre, le Smic ne règle pas le problème du temps partiel subi, principal facteur de pauvreté laborieuse. Ce problème touche majoritairement les femmes, qui doivent souvent composer avec des horaires fractionnés et de grandes amplitudes horaires.
L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport sur ce sujet, en proposant des solutions. Celles-ci ont été présentées il y a quelques semaines aux partenaires sociaux : à eux, s'ils le souhaitent, de s'en saisir, notamment dans le cadre de la conférence sociale sur les salaires que j'animerai avec eux, de concert avec Catherine Vautrin.
Enfin, je me dois d'évoquer le coin socialo-fiscal, qui est en quelque sorte l'éléphant dans la pièce : le coût du travail est aujourd'hui trop élevé, quand le montant qui reste dans la poche du salarié est trop bas.
Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) cite l'exemple d'une femme locataire, employée au Smic et élevant seule ses enfants : pour qu'elle voie son reste à vivre augmenter de 100 euros, il faudrait que son employeur l'augmente de 770 euros...
Là est le sujet ! Le Gouvernement va avancer en lançant le chantier de l'allocation sociale unique, conformément au souhait du Premier ministre.
Quant au financement de la protection sociale,...
M. le président. Il faut conclure.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. ... il repose trop sur le travail. Nous devrons réfléchir ensemble, aussi sereinement que possible, à d'autres sources de financement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.
M. Bruno Rojouan. Merci de vos réponses, madame la ministre.
Nous sommes clairement allés trop loin dans les politiques sociales protégeant les allocataires,... (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Evelyne Corbière Naminzo. C'était donc ça ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)
M. Bruno Rojouan. ... et nous ne sommes pas allés assez loin dans l'accompagnement des salariés modestes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que ceux qui travaillent aient souvent l'impression que, grâce aux prestations sociales, l'inactivité permet de mieux s'en sortir, ce qui est injuste. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mmes Antoinette Guhl et Raymonde Poncet Monge. C'est faux !
M. Bruno Rojouan. Il n'est pas étonnant non plus d'assister à la dévalorisation de tant d'emplois dont nous avons pourtant bien besoin pour réindustrialiser notre pays.
Il n'est pas étonnant que, dans les territoires à faibles revenus, le vote des classes populaires, qui souffrent, soit désormais massivement un vote radical.
Il n'est pas étonnant, enfin, que, pour les jeunes générations, le travail perde son sens et son attrait. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
Madame la ministre, bon courage ; continuez comme ça ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. - Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
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