Question de M. LAOUEDJ Ahmed (Seine-Saint-Denis - RDSE) publiée le 06/02/2025
Question posée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre François-Noël Buffet, la circulaire sur l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière récemment publiée par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur soulève de nombreuses préoccupations.
Bien que vous mettiez l'accent sur la priorité donnée aux métiers en tension, il est crucial de rappeler que certains secteurs essentiels pour le fonctionnement de nos entreprises font face à un manque de main-d'oeuvre structurel.
En effet, la régularisation des travailleurs étrangers est un levier indispensable pour répondre aux besoins urgents de secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment ou la santé.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Ahmed Laouedj. Le recours à des médecins étrangers nous permet par exemple de pallier le problème des déserts médicaux.
En durcissant les critères d'intégration, vous risquez de priver de nombreuses entreprises françaises de ressources humaines indispensables à leur activité, tout en mettant en difficulté les personnes étrangères qui, à défaut de régularisation, se trouvent dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins.
Voilà qui pourrait aggraver la précarisation de ces personnes et engendrer un risque accru de recours au travail dissimulé et de développement des trafics.
L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) s'inquiète de l'impact de cette circulaire sur les conditions de régularisation et d'accès à l'emploi, et demande expressément que les mesures prises ne durcissent pas les critères applicables aux ressortissants étrangers déjà présents sur notre sol et désireux de travailler dans des métiers en tension.
Ladite circulaire risque non seulement d'aggraver la pénurie de main-d'oeuvre dans ces secteurs cruciaux, mais aussi de compromettre le respect de la dignité et des droits des travailleurs étrangers qui contribuent, souvent dans des conditions précaires, au bon fonctionnement de nos entreprises et à la croissance économique du pays.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous pour éviter que cette circulaire ne vienne amplifier la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs cruciaux que j'ai évoqués et pour garantir un traitement humain digne aux étrangers déjà intégrés et travaillant légalement sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI, UC, SER et GEST.)
M. Loïc Hervé. Bravo !
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Réponse du Ministère auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur publiée le 06/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, c'est une question pertinente que vous posez.
Autant nous devons être d'une fermeté exemplaire à l'égard des étrangers en situation irrégulière, qui doivent être reconduits dans leur pays d'origine, autant, en matière d'immigration, nous devons réorienter nos choix.
Je partage l'idée selon laquelle l'immigration économique qualifiée doit être une priorité : le Gouvernement y travaille.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre. Entre 2023 et 2024, le nombre total d'admissions exceptionnelles au séjour (AES) pour motif économique a baissé de 10 %,...
M. Michel Savin. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, ministre. ... alors que le nombre d'AES délivrées à des scientifiques a augmenté de 20 %.
Abstraction faite de la réorganisation, depuis 2021, des services chargés du traitement de cette question - réorganisation interne entre ministère du travail et ministère de l'intérieur -, je tiens à rappeler l'importance du principe d'annualisation de la liste des métiers en tension.
Ces métiers, vous les avez cités en partie, monsieur le sénateur, mais il y en a d'autres, évidemment. Cette liste devrait en principe être publiée vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars : aujourd'hui, nous sommes dans l'attente.
Pour ce qui est de l'application concrète de la nouvelle circulaire, les critères retenus permettent évidemment aux étrangers concernés, dès lors que les documents demandés et fournis ont été vérifiés - je pense en particulier aux fiches de paie, dont chacun sait qu'elles peuvent être très facilement falsifiées -, de se voir accorder par les préfets, qui auront toute liberté pour ce faire, les titres de séjour correspondants.
Mais, je le répète, nous n'avons pas changé d'état d'esprit, et notre volonté de faire avancer les choses reste intacte. Ce qui compte au premier chef, c'est la situation de l'étranger demandeur sur le territoire national : elle doit être la plus sérieuse possible et la plus conforme à nos critères, qui sont ceux d'une immigration de travail qualifiée - tel est bien l'objectif -, étant entendu que cette admission exceptionnelle au séjour équivaut en réalité à une régularisation.
Attendons néanmoins la publication de la liste des métiers en tension avant d'avancer très concrètement sur le sujet, y compris avec les organismes professionnels. (M. Loïc Hervé applaudit.)
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