Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 30/01/2025
Mme Pascale Gruny attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants sur la reconnaissance de la tragédie vécue par les soldats incorporés de force durant la Seconde Guerre mondiale et leurs familles.
Ces hommes ont été contraints d'affronter leur patrie, la France, et à se battre contre les Alliés. Au total, ce sont plusieurs dizaines de milliers d'incorporés de force qui sont morts ou disparus sous l'uniforme allemand, quand des dizaines de milliers d'autres sont restés prisonniers pendant des années dans les camps russes. Il faudra attendre 1979 pour que l'Allemagne accepte de débloquer les fonds nécessaires à l'indemnisation des intéressés. Néanmoins, seuls les incorporés de force de la Wehrmacht ont pu bénéficier d'une indemnisation. Ainsi, les personnes incorporées de force dans des organisations paramilitaires du régime nazi et les orphelins de guerre issus de ce drame n'ont eu aucune indemnisation pour la tragédie subie. De leur côté, les femmes n'ont pu bénéficier d'une indemnisation qu'en 2011, grâce à une convention d'indemnisation signée par l'ancien ministre Jean-Marie Bockel. Plus de 80 ans après les faits et alors que le nombre de témoins vivants de ce drame ne cesse de diminuer, il est urgent que la France participe à sa reconnaissance symbolique dans sa globalité, afin d'assurer la transmission de la mémoire des incorporés de force.
Compte tenu de ces éléments, elle lui demande ce qu'il entend mettre en oeuvre pour assurer l'indemnisation dans le temps de tous les incorporés de force sans exception et des orphelins de guerre. Elle lui demande également sa position quant à une renégociation éventuelle avec l'Allemagne pour parvenir à une telle convention d'indemnisation.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre des armées, chargé de la mémoire et des anciens combattants publiée le 27/03/2025
L'annexion de l'Alsace et de la Moselle par le IIIème Reich a comporté notamment l'incorporation forcée de jeunes Français dans l'armée allemande. Le ministère des armées mesure pleinement l'étendue du drame vécu par ces militaires et leurs familles au cours de la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle la France a reconnu leur situation. En effet, le 1° de l'article L. 111-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) dispose que les anciens militaires alsaciens et lorrains de la guerre 1939-1945, Français, soit par filiation, soit par réintégration, soit en exécution du traité de Versailles, incorporés de force par voie d'appel, bénéficient de la législation sur les pensions militaires d'invalidité pour les services accomplis dans les armées de l'Allemagne ou de ses alliés. L'article L. 123-16 du même code précise que ces anciens militaires ont droit à une pension dans les conditions fixées par le livre Ier du CPMIVG et, éventuellement, à toutes allocations, indemnités, majorations et suppléments de majorations pour infirmité résultant de blessures reçues, d'accidents survenus, de maladies contractées ou aggravées par le fait ou à l'occasion du service. A ce titre, les incorporés de force sont pleinement intégrés aux dispositifs de droit commun. En outre, dans le cadre particulier de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat allemand, l'application de l'accord intergouvernemental entre la France et la République fédérale d'Allemagne du 31 mars 1981 a entraîné un versement de 250 millions d'euros à la Fondation Entente Franco-Allemande (FEFA) créée en 1981 pour gérer ces fonds. Dès l'origine, la Fondation a réservé le droit à cette indemnisation aux personnes enrôlées de force, dans des formations militaires comme paramilitaires de l'armée allemande, engagées dans des combats sous commandement militaire. A ce titre, l'ensemble des incorporés de force ayant connu des situations de combat ont été reconnus au titre de la responsabilité de l'Allemagne et indemnisés. Malgré ce cadre, les personnes astreintes au "service aide de guerre" (RAD- KHD) et appelées à effectuer des travaux d'utilité publique avaient été exclues du bénéfice de cette mesure de réparation, car affectées dans des formations non engagées dans des combats sous commandement militaire. La question de l'indemnisation des anciens incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes du Reichsarbeitsdienst (RAD) et du Kriegshilfsdienst (KHD) n'ayant pas participé à des combats, longtemps restée en suspens, a trouvé son aboutissement le 17 juillet 2008. Pour satisfaire aux revendications des personnes incorporées dans ces formations non combattantes qui se considéraient injustement exclues de cette indemnisation et à l'issue d'un long processus de consultation, ces personnes ont obtenu le versement d'une allocation de reconnaissance de 800 euros versée par la FEFA et financée à parts égales par la Fondation et l'Etat. Cette convention entre l'Etat et la FEFA a mis un terme à une recherche de solution engagée depuis de nombreuses années. Ainsi, les personnes incorporées de force dans des organisations paramilitaires du régime nazi et les orphelins de guerre issus de ce drame ont pu bénéficier d'une indemnisation pour la tragédie subie. S'agissant des orphelins, ces derniers ont pu prétendre à un droit à réparation conformément aux dispositions de l'article L. 142-1 du CPMIVG, tout comme ceux des Alsaciens et Mosellans réfractaires à l'incorporation forcée dans l'armée allemande en application de l'article L. 143-1 du CPMIVG. Il convient d'ajouter que tous les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, sont ressortissants de l'Office national des combattants et des victimes de guerre et peuvent bénéficier, à ce titre, de l'assistance de cet établissement public, dispensée notamment sous la forme d'aides ou de secours en cas de maladie, absence de ressources ou difficultés momentanées. Il n'est pas envisagé de mesures complémentaires d'indemnisation de ces orphelins ; mesures qui auraient pour conséquence de les indemniser plus fortement que les orphelins de guerre de droit commun.
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