Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 16/01/2025

M. Jean-Claude Anglars interroge M. le ministre de l'intérieur sur le port d'un couteau de poche traditionnel dans le contexte de la vie rurale.

Ces dernières semaines, la presse affiche plusieurs articles sur le risque d'une amende forfaitaire de 500 euros et une mention au casier judiciaire pour le simple fait de porter un couteau traditionnel dans la poche. En Aveyron, patrie du couteau Laguiole et de nombreux autres couteaux artisanaux traditionnels tels que le Liadou, le Sauveterre, le Larzac ou encore le couteau Najac... les différents articles des journaux nationaux ou locaux suscitent des interrogations, et des inquiétudes, notamment dans les coutelleries locales de fabrication artisanales mais aussi auprès des consommateurs.

Le couteau pliant de poche est un symbole de l'art de vivre à la Française. C'est non seulement, dans de nombreuses régions de France, un objet patrimonial vivant, issu de savoir-faire traditionnels et artisanaux, de fabrication locale ; c'est aussi un ustensile profondément enraciné dans notre culture territoriale. Disposer de son couteau de poche est plus qu'une tradition, c'est un outil pratique et usuel du quotidien que chacun utilise, à table, mais aussi comme un utilitaire de la vie rurale dans l'esprit du "couteau suisse". En milieu rural, avoir son couteau à la poche est souvent plus utile que d'avoir son portable. Dans les territoires ruraux, l'idée de sanctionner son port apparaît dès lors totalement inopportune et serait vécue telle une atteinte à la liberté et au mode de vie en ruralité.

Le port d'un couteau dans l'espace public n'est pas automatiquement sanctionné. La sanction dépend du contexte, notamment s'il est porté dans des lieux où la loi interdit le port d'armes (transports en commun, tribunaux, etc.). Le critère déterminant est la légitimité du port dans le contexte spécifique (agriculture, pique-nique, randonnée, etc.).

Le couteau Laguiole, qui est un couteau pliant à lame fixe, n'est donc pas considéré comme une arme par nature, mais peut être classé comme une arme par destination selon le contexte d'utilisation.
La subtilité juridique de la loi consiste donc à différencier la légitimité du contexte pour déterminer si le port de l'objet est légal ou sanctionnable. Ce qui n'est pas toujours évident.
En effet, le dernier paragraphe de l'article 317.8 du code de la sécurité intérieure précise également le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 500 euros en cas de remise volontaire à l'agent verbalisateur, aux fins de transfert de propriété à l'État et de destruction éventuelle.

Le sénateur Jean-Claude Anglars demande donc au ministre de l'intérieur de lui confirmer que les couteaux de poche traditionnels peuvent être appréciés comme un outil utilitaire de la vie rurale et dès lors leur port légitime et s'il est encore possible de se promener avec un couteau de poche traditionnel sur soi en Aveyron.

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Réponse du Ministère délégué auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement publiée le 12/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/02/2025

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, auteur de la question n° 251, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, ces derniers mois, la rumeur selon laquelle le simple fait de porter un couteau traditionnel pourrait désormais entraîner une amende de 500 euros et une mention au casier judiciaire s'est propagée en Aveyron, suscitant incompréhension, interrogation et inquiétude.

En effet, le couteau pliant de poche, le Laguiole par exemple, est un objet patrimonial vivant, issu de savoir-faire traditionnels et artisanaux, de fabrication locale. C'est aussi un ustensile profondément enraciné dans notre culture territoriale.

Le couteau est un outil usuel du quotidien que chacun utilise à table, mais aussi comme un instrument utilitaire. En milieu rural, avoir son couteau dans la poche est souvent plus utile qu'avoir un portable. (Sourires.)

Dès lors, dans les territoires ruraux, l'idée de sanctionner le port du couteau apparaît comme totalement inopportune et serait vécue comme une atteinte à la liberté et au mode de vie en ruralité.

Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que le port d'un couteau dans l'espace public n'est pas automatiquement sanctionné ? La sanction dépend du contexte, notamment si ledit couteau est porté dans les lieux où la loi interdit le port d'arme. Le critère déterminant est la légitimité du port dans un contexte spécifique.

Le couteau Laguiole, qui est un couteau pliant à lame fixe, n'est donc pas considéré comme une arme par nature ; il peut être classé comme une arme par destination selon le contexte d'utilisation.

La subtilité consiste donc à différencier la légitimité, au regard de la loi, du contexte pour déterminer si le port de l'objet est légal ou sanctionnable, ce qui n'est pas toujours évident.

En effet, le dernier paragraphe de l'article 317-8 du code de la sécurité intérieure mentionne « le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 500 euros » en cas de remise volontaire à l'agent verbalisateur, « aux fins de transfert de propriété à l'État et de destruction éventuelle ».

Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer : est-il encore possible de se promener avec un Laguiole, un Liadou, un Sauveterre, un Larzac ou un Najac sur soi en Aveyron ? (Sourires. - Mme la ministre déléguée rit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, merci de ce tour d'Aveyron des couteaux ! (Nouveaux sourires.)

À votre dernière question, je réponds évidemment : oui.

Le couteau de poche traditionnel peut être apprécié comme un outil utilitaire de la vie rurale.

La notion d'appréciation est précisément au coeur de la réglementation qui encadre le port des articles de coutellerie. Seuls les poignards et les couteaux-poignards, se distinguant notamment par un tranchant sur chaque côté de la lame, sont expressément visés par le code de la sécurité intérieure et classés en catégorie D : ils ne peuvent être vendus qu'à des majeurs et dans des commerces ayant été autorisés par le préfet. Leur port et leur transport sont formellement interdits sauf motif légitime, comme le fait de se rendre à une action de chasse ou de reconstitution historique.

Les autres couteaux, notamment ceux que vous citez et qui reflètent la richesse artisanale de nos régions, ne sont pas expressément classés dans cette catégorie. Toutefois - l'actualité nous le rappelle trop souvent -, ils sont susceptibles de blesser, voire de tuer, si on les détourne de leur usage.

C'est en cela qu'ils peuvent être appréciés, en cas de contrôle, comme des armes blanches présentant un danger pour la sécurité publique. À ce titre, ils peuvent également relever de la catégorie D quant aux conditions de port et de transport.

Le motif légitime est apprécié par le policier ou le gendarme au cas par cas, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Les circonstances de temps et de lieu, plus largement le contexte, ont à cet égard toute leur importance.

Le recours à la procédure expérimentale de l'amende forfaitaire délictuelle repose sur les mêmes principes. Il s'inscrit dans le cadre de la politique pénale locale, qui s'assure du discernement des intervenants.

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