Question de Mme CARRÈRE-GÉE Marie-Claire (Paris - Les Républicains) publiée le 30/01/2025
Question posée en séance publique le 29/01/2025
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, si Élias est mort, c'est notre faute à tous.
Je suis la mère de deux enfants, qui ont chacun leur tour été rackettés, violemment, dans le XIVe arrondissement de Paris.
J'ai essayé de les convaincre de ne jamais jouer les héros face à des racketteurs. Je n'en ai pas honte : je voulais juste être sûre qu'ils rentrent à la maison. Mais je veux me battre, parce que telle n'est pas du tout la société dans laquelle j'ai envie de vivre.
Comment s'étonner de l'hyperviolence des mineurs, si nous ne fixons pas les bonnes règles ?
Monsieur le ministre d'État, vous avez résumé ce qui ne va pas en trois points ; je souhaite savoir, quant à moi, ce que vous pensez des quatre principes que je m'apprête à énumérer.
Premièrement, les parents doivent être responsabilisés. Nul ne devrait avoir le droit d'occuper un logement social si c'est pour agresser les gens en bas de chez soi. Pas besoin non plus d'allocations familiales lorsqu'on gagne de l'argent en trafiquant ou en rackettant !
Deuxièmement, la punition va de pair avec l'éducation. Actuellement, on ne marche que sur une jambe ! La loi interdit de fait les courtes peines de prison. Il n'existe que six centres pénitentiaires pour mineurs et cinquante-quatre centres éducatifs fermés, qui ne sont d'ailleurs fermés que de nom.
Troisièmement, on doit être puni dès le premier délit, et puni pour ce que l'on a fait, et non au regard de la façon dont on se comporte par la suite auprès d'un éducateur. Les deux meurtriers d'Élias, pourtant multirécidivistes, avaient certes vu un juge dès le mois d'octobre. La belle affaire ! En vertu du principe de césure entre audience de culpabilité et audience de sanction, la perspective d'une sanction ne se dessinait que neuf mois plus tard, soit l'équivalent d'une année scolaire. La sanction, dans ce genre de cas, est hypothétique et lointaine, entre avertissements et mesures éducatives plus ou moins exécutées. La victime, on n'y pense même plus !
Quatrièmement, l'excuse de minorité devrait être motivée par le juge pour chaque affaire. Bien sûr, les mineurs ne sauraient être par principe jugés comme des adultes - cela va de soi. Mais ils ne sauraient non plus être par principe jugés deux fois moins sévèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Hussein Bourgi et Jean Hingray applaudissent également.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/01/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/01/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je vous répondrai le plus clairement possible sur ces quatre points.
Premièrement, comme je l'ai dit à votre collègue Olivier Henno, que l'excuse de minorité doive être motivée par le juge, j'y suis favorable. La proposition de loi qui va être examinée à l'Assemblée nationale le prévoit. Sans doute une meilleure rédaction est-elle possible : nous y travaillerons avec le Sénat. En tout état de cause, je suis favorable à cette disposition.
Deuxièmement, la césure inscrite dans le code de la justice pénale des mineurs présente certes l'avantage de la rapidité de la réponse pénale, mais aussi l'inconvénient d'un trop grand écart entre sanction prononcée et peine effectivement exécutée.
Vous avez raison : l'éducation va avec la punition la plus rapide possible. Ce qui compte, dans la justice, ce n'est pas le quantum de la peine, c'est sa certitude. Trois ans après l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, je suis donc favorable à l'évaluation de cette césure, notamment à l'aune de ces faits divers ignobles. Des modifications pourront notamment être proposées dans le cadre du parcours législatif du texte que j'ai évoqué tout à l'heure, qui sera transmis au Sénat après son examen en séance publique à l'Assemblée nationale.
Troisièmement, je me suis déjà exprimé sur le sujet des courtes peines. Il faut distinguer courtes peines et ultracourtes peines. De ce point de vue, les instructions émises par les précédents gardes des sceaux - « moins de six mois de prison, pas de prison » - n'ont pas leur place dans la politique pénale que je veux mener.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je prendrai bientôt l'initiative de retirer ces instructions pénales.
Par ailleurs, on observe que les quantums de peine ont pu augmenter, car, pour s'assurer que la personne condamnée aille bien en prison, les juges du siège ont eu tendance à prononcer des peines plus longues - et c'est ce qui a nourri la surpopulation carcérale ! Pour cette raison, il faut changer notre modèle pénitentiaire. Je me suis exprimé à ce sujet ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
Le nombre de magistrats pose également problème. On compte un juge des enfants pour 300 gamins, et seulement 650 places en centre éducatif fermé ! J'ai en conséquence décidé, la semaine dernière, que cinquante juges des enfants supplémentaires seraient désignés et affectés dans les tribunaux pour enfants.
Quatrièmement, la responsabilisation des parents, j'y suis également favorable, mais - car il y a un « mais », madame la sénatrice -, comme vous, je connais des femmes seules qui élèvent des enfants dans des conditions extrêmement difficiles, des femmes qui, par exemple, travaillent de nuit à l'hôpital de Tourcoing et dont le gamin a de mauvaises fréquentations.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Bien sûr.
M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Que ceux qui insultent des policiers, des magistrats ou des enseignants soient sanctionnés, qu'on les expulse de leurs logements sociaux, qu'on leur retire les allocations, oui ! Mais ceux qui galèrent - si vous me permettez l'expression - pour faire entendre à leurs enfants l'autorité de la République, qu'on les aide ! Si nous sommes d'accord sur ce principe de bon sens, alors nous pourrons nous entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
M. François Patriat. Très bien !
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