Question de M. HENNO Olivier (Nord - UC) publiée le 30/01/2025

Question posée en séance publique le 29/01/2025

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Elle concerne le meurtre d'Élias.

Il avait 14 ans, il rentrait d'un entraînement de foot. Il n'aura jamais 15 ans, parce qu'il a trouvé sur sa route deux adolescents délinquants récidivistes qui en voulaient à son téléphone portable et l'ont poignardé.

J'ai, bien sûr, une pensée pour sa famille et pour ses proches.

Ces deux délinquants étaient connus de la justice des mineurs, l'un pour des vols avec violence et port d'arme blanche, l'autre pour violence en réunion. Pour ces faits, ils avaient été présentés à un juge le 30 octobre 2024, en vue d'un jugement définitif prévu pour juin 2025.

En attendant, ils continuaient, jusqu'à ce drame, de terroriser le quartier en toute impunité, sans être inquiétés par personne.

C'est toute la justice des mineurs qui est en cause : il est clair qu'elle n'est plus adaptée à cette ultraviolence.

Se cumulent, nous semble-t-il, deux problèmes.

Le premier est l'excès d'indulgence. Freud le disait : l'indulgence est une forme cachée de la carence d'autorité. Perçue comme une faiblesse par ces jeunes en mal de repères, elle engendre l'ultraviolence.

Le deuxième a trait à l'effectivité et à la constance de la peine, dès la première infraction. Cette exigence d'effectivité et de constance est un impératif s'agissant de mineurs ancrés dans la violence.

Monsieur le ministre d'État, à l'évidence, notre justice des mineurs fonctionne très mal.

J'ai parfaitement conscience qu'au ministère de la justice les sujets de préoccupation ne manquent pas. Mais, pour Élias et pour toutes les victimes, quelles évolutions envisagez-vous pour réformer la justice des mineurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. - Mme Véronique Guillotin et M. Marc Laménie applaudissent également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/01/2025

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Henno, nombre d'entre nous sont pères et mères de famille. Nos coeurs à tous se renversent quand nous apprenons qu'un enfant, revenant d'un entraînement de football, pratique d'enfant s'il en est, peut rencontrer la mort pour un téléphone portable.

Je le redis : notre considération pour la famille d'Élias est immense.

Le devoir du ministère de la justice est de condamner fermement ceux qui sont responsables de cette situation, les jeunes mineurs violents, mais également de comprendre ce qui ne va pas dans notre justice des mineurs - vous avez parfaitement raison.

Ce qui ne va pas, monsieur le sénateur, se résume en trois points.

Premièrement, le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit, vous le savez, la primauté de la mesure éducative sur la mesure répressive ; c'est l'un des fondements de notre droit. Or, lorsque la mesure éducative judiciaire qui a été prononcée n'est pas exécutée par le mineur - et tel était le cas, manifestement, pour l'auteur des coups de couteau -, il n'y a pas de sanction !

Une proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents sera examinée dans deux semaines en séance publique à l'Assemblée nationale ; dans le cadre de cette discussion, je proposerai qu'une sanction soit prise dans le cas où la mesure éducative n'est pas suivie, et que cette sanction prenne la forme d'un placement en centre éducatif fermé, donc d'un enfermement. Ainsi les mesures prises par le juge pourront-elles être respectées.

Deuxièmement, vous soulignez, à raison, qu'en octobre dernier le parquet avait demandé l'enfermement de ces mineurs. Le magistrat avait finalement reporté cette décision, en application du code de la justice pénale des mineurs, ce même code dont le Gouvernement vous avait proposé la création et que vous aviez ratifié. Il y a un problème de non-comparution immédiate des mineurs violents pour les faits les plus graves.

Pour ma part, je suis favorable à la comparution immédiate des mineurs pour les faits les plus graves. Une telle disposition aurait sans doute permis que la réquisition du parquet soit suivie en octobre dernier ; nous ne nous retrouverions pas dans cette situation aujourd'hui.

Troisièmement, ces deux mineurs présentés à la justice pour des faits d'extorsion faisaient l'objet d'une mesure d'interdiction d'entrer en contact l'un avec l'autre. Or, en cas de contrôle, le fichier des personnes recherchées (FPR) que consultent les policiers ne donne pas cette information. Ces deux jeunes habitaient d'ailleurs le même quartier et, dit-on, fréquentaient les mêmes lieux. La justice se doit évidemment de travailler avec les forces de l'ordre afin de garantir l'effectivité des mesures qu'elle prend en matière d'interdiction de contact entre collègues de délinquance ; nous avons à améliorer, plus généralement, l'exécution des mesures de coercition et de contrôle.

Nous le devons à Élias et à l'ensemble des victimes. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. - M. François Patriat applaudit également.)

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