Question de M. VOGEL Louis (Seine-et-Marne - Les Indépendants) publiée le 23/01/2025

Question posée en séance publique le 22/01/2025

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires.

M. Louis Vogel. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, la surpopulation carcérale est devenue insoutenable. Lors de votre premier déplacement dans vos nouvelles fonctions, au centre pénitentiaire de Liancourt, vous avez exprimé votre préoccupation face à ce qu'il faut bien appeler la crise de notre système carcéral.

Le plan « 15 000 places », qui visait à créer 15 000 places de prison supplémentaires se voulait une réponse massive, pragmatique, à ce problème.

Or notre taux d'incarcération continue d'augmenter. Il faudrait construire une nouvelle prison par mois pour répondre à la demande ! De nombreuses prisons n'ont pas encore été livrées. Où en est le calendrier de construction ?

Vous avez d'ores et déjà annoncé qu'il y aurait une inflexion de la politique menée en la matière, lorsque vous avez reconnu qu'il était nécessaire de différencier les établissements pénitentiaires et leur construction en fonction de leur destination.

Vous avez même évoqué une spécialisation des établissements selon la nature et la gravité des faits commis par les détenus : ainsi, vous avez évoqué une expérimentation de sites à sécurité renforcée pour les narcotrafiquants - comme vous le savez, le Sénat travaille beaucoup sur la question du narcotrafic. Seriez-vous en mesure de nous donner des précisions sur les lieux retenus pour l'implantation de ces établissements expérimentaux et sur leur nombre ?

Plus généralement, monsieur le garde des sceaux, ne devrions-nous pas profiter des contraintes financières actuelles pour redéployer les crédits, rénover l'existant, investir pour construire des établissements spécialisés, notamment pour les détenus atteints de troubles psychiatriques, qui sont à l'origine de 80 % des incidents dans les prisons, ou encore pour financer davantage de peines alternatives, notamment des peines de travaux d'intérêt général (TIG) ?

Bref, il convient de redéfinir le plan de construction de prisons et de l'inscrire dans une stratégie globale, si l'on veut remédier réellement à la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/01/2025

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Vogel, sur les 15 000 places de prison prévues depuis 2017, 6 500 places ont été créées par le Gouvernement. Mais il s'agit du chiffre brut. Si l'on retranche les places qui ont été fermées en raison de leur indignité, le chiffre net s'établit, en réalité, à 4 500 nouvelles places.

Les retards sont dus à différentes raisons.

Ils tiennent à la difficulté à trouver des lieux : les élus locaux souhaitent des prisons, mais pas chez eux !

Le processus de construction est très long. La responsabilité en incombe au ministère de la justice, car nous mettons sept ans en moyenne pour construire une prison, ce qui est inacceptable, puisque nous construisons toujours les mêmes établissements pour tout le monde.

D'autres difficultés tiennent à l'incapacité française à faire confiance aux élus locaux sur ce sujet ; plusieurs projets de construction de prison sont ainsi bloqués depuis très longtemps au ministère de la justice.

Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur : il faut différencier les lieux de détention et donc les détenus, même si ce n'est pas la tradition française.

Toutefois, chacun en conviendra, la surpopulation carcérale est inacceptable : plus de 4 000 personnes dorment sur des matelas par terre, principalement dans les maisons d'arrêt - c'est moins le cas dans les prisons pour peine.

Nous devons donc nous intéresser en priorité à la situation des maisons d'arrêt et notamment à celle des personnes placées en détention provisoire, dans l'attente d'un jugement. Cela pose la question des délais d'audiencement, et donc celles de l'organisation du ministère de la justice, d'une part, et du code de procédure pénale, d'autre part. Je proposerai une simplification de ce dernier.

Le problème est aussi que l'on emprisonne dans les mêmes lieux des personnes incarcérées pour des raisons très diverses. Nous devrions ainsi séparer les détenus condamnés pour délit routier, pour radicalisation ou pour appartenance à la criminalité organisée, etc.

À la demande du Premier ministre, je proposerai dès demain, lors de mon déplacement à l'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen, un nouveau plan prison, que je vous présenterai également lors de l'examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

La stratégie du Gouvernement ira tout à fait dans le sens de vos propos, monsieur le sénateur ; elle marquera un changement profond de notre approche en matière de politique carcérale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

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