Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRCE-K) publiée le 23/01/2025
Question posée en séance publique le 22/01/2025
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, lors de votre première intervention devant le Sénat, la semaine dernière, vous avez souligné notre désaccord sur la question cruciale du service public.
Alors que je vous alertais sur les conséquences de votre politique libérale orthodoxe, dont l'alpha et l'oméga sont la réduction continue de la dépense publique, et donc la destruction du service public, vous m'avez répondu avec un aplomb certain - je dois le reconnaître - que notre pays ne manquait pas de services publics et que seule leur inefficacité était en cause.
Quel dogme peut ainsi vous aveugler au point de nier la disparition ou l'agonie de grands services publics dans nos zones rurales comme dans nos quartiers populaires ?
Ignorez-vous la désertification médicale, l'éloignement progressif du service public de la santé des populations ? La question de la santé est cruciale. N'êtes-vous pas frappé par les graves difficultés rencontrées par l'hôpital public pour faire face à l'épidémie de grippe ? Sont-elles imputables, selon vous, à l'inefficacité du personnel ?
Monsieur le Premier ministre, vous qui fûtes ministre de l'éducation nationale, ne constatez-vous pas les défaillances actuelles de notre système éducatif : contractualisation à outrance, sous-rémunération des enseignants, mépris à l'égard des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), quasi-disparition de la médecine ou de la psychologie scolaires ? À cette liste, on pourrait aussi ajouter les difficultés financières des collectivités territoriales, notre dernier rempart.
Pourtant, vous maintenez le cap de l'austérité. Certes, comme vous l'avez dit, on trouve pire ailleurs, en Europe et dans le monde, mais les services publics ont toujours fait la grandeur de la France ; ils sont le ciment de notre société.
Monsieur le Premier ministre, votre refus de redresser le service public, confirmé par les coupes budgétaires de plus de 10 milliards d'euros que vous tentez d'imposer lors de l'examen du projet de loi de finances au Sénat, trouve sa source dans votre opposition à toute politique cohérente et durable de nouvelle répartition des richesses. Comptez-vous infléchir votre politique dans un autre sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 23/01/2025
Réponse apportée en séance publique le 22/01/2025
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, nous avons une différence d'appréciation. Je ne nie pas les difficultés que vous avez évoquées. Je prendrai l'exemple de la santé. Le problème de ce secteur, c'est que nous n'avons pas formé assez de médecins depuis quarante ans, à cause d'un accord entre les gestionnaires de la sécurité sociale, l'État et les professions médicales pour mettre en oeuvre une politique, que l'on peut qualifier de malthusienne, tendant à limiter le nombre des médecins, car cela pouvait apporter des avantages à chacun.
Toutefois, je ne crois pas que nos services publics soient au bord du naufrage que vous avez décrit. Ils bénéficient d'un énorme soutien.
J'ai souri en vous entendant dire que nous menions une politique libérale effrénée...
M. Mickaël Vallet. « Orthodoxe » !
M. François Bayrou, Premier ministre. Je vous propose de communiquer votre intervention à divers organes de presse qui ne semblent pas partager exactement votre vision...
Je voudrais simplement vous rappeler les efforts que nous avons faits dans ce budget en faveur du service public.
Dans le domaine de l'éducation, j'ai souhaité que nous abandonnions la proposition du gouvernement de mon prédécesseur Michel Barnier visant à supprimer 4 000 postes de professeur. Lorsque j'ai fait cette annonce - c'était d'ailleurs dans cet hémicycle -, je n'ai pas caché que le vrai problème était celui des difficultés de recrutement des enseignants, pour des raisons que vous avez évoquées en partie et qui tiennent notamment aux conditions de travail et au niveau des salaires.
Nous avons aussi annulé la suppression envisagée de 500 postes au sein de France Travail.
Mme Frédérique Puissat. Ce n'est pas assez !
M. François Bayrou, Premier ministre. Nous avons relevé l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui est très important, de 3,3 % et l'Ondam hospitalier sera même rehaussé de 3,6 % - nos hôpitaux en ont bien besoin.
Dans le domaine de la justice, nous avons acté, dans le projet de loi de finances, la création de plus de 1 500 postes.
Nous avons aussi augmenté le budget consacré à l'outre-mer, notamment pour faire face à la reconstruction de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie.
En ce qui concerne l'écologie, nous avons accepté un amendement visant à augmenter les crédits de 150 millions d'euros. (Marques d'ironie sur les travées du groupe GEST.)
Tout cela, madame la présidente Cukierman, ne traduit nullement un abandon de la fonction publique, même dans les temps budgétaires très difficiles que nous connaissons et que personne ne peut ignorer.
Au contraire, je souhaite réaffirmer, en réponse à votre question, ma volonté de soutenir la fonction publique, notamment territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
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