Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 19/12/2024
M. Jean Hingray attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les mesures envisagées pour assurer la poursuite de la mobilité des seniors tout en protégeant les usagers de la voie publique.
Le mercredi 5 juin 2024, un tragique accident s'est produit à La Rochelle : une voiture s'est déportée sur la gauche et a heurté un groupe d'enfants à vélo. Six enfants ont été gravement blessés et une jeune fille est décédée à l'hôpital. La conductrice du véhicule, en état de choc, a également dû être hospitalisée.
Le Parlement européen a voté le 28 février la réforme du permis de conduire, qui poursuit encore son chemin législatif. L'instauration d'un contrôle de santé obligatoire n'a pas été retenue, laissant chaque État membre décider malgré une invitation à se pencher sur le sujet. De nombreux États européens ont déjà instauré des visites médicales obligatoires à partir d'un certain âge pour continuer à conduire. L'État français s'y est toujours opposé alors qu'une grande partie de la population y est favorable. Un rejet fondé sur l'absence de preuves que ces visites diminuent les accidents dans les pays ayant mis en place des visites médicales. Ne serait-il pas pertinent de mener des expérimentations en France avant de conclure à leur inefficacité ?
Les mesures actuelles, telles que la sensibilisation des médecins à leur rôle de conseil en matière de conduite et les stages de remise à niveau, ne sont efficaces que pour les personnes conscientes de leur vulnérabilité ou que l'entourage a réussi à sensibiliser. La procédure permettant au préfet de faire évoluer le statut du conducteur, après qu'il l'ait enjoint à réaliser un contrôle médical (article R. 221-14 du code de la route), dépend d'un signalement, acte de dénonciation souvent difficile à accomplir. De plus, cette procédure est parfois entravée par l'encombrement des préfectures. Quelles mesures sont prévues pour les plus vulnérables, isolés ou difficile à sensibiliser ?
Les personnes atteintes d'une affection médicale recensée dans la liste annexée à un arrêté du 28 mars 2022 doivent se soumettre à un contrôle médical périodique. Or, le vieillissement affecte les capacités visuelles, auditives et physiques des conducteurs, rendant leur conduite moins sûre sans qu'ils souffrent nécessairement de l'une de ces affections. S'il est vrai que la plupart des seniors adaptent alors leur conduite vers plus de prudence, de trajets plus courts et dans des milieux connus, le risque demeure.
La question du maintien de la mobilité en milieu rural, où l'offre de transports collectifs est très faible et souvent inexistante, est également cruciale. Le 29 juin 2021, un colloque organisé par la délégation à la sécurité routière a abordé « la mobilité des aînés, vivre, ensemble ». Malgré les efforts des collectivités territoriales, associations et particuliers, ce sujet reste insuffisamment pris en compte et négligé en termes d'actions.
Les chiffres montrent que les seniors ne sont pas responsables de plus d'accidents que les autres conducteurs, mais qu'ils en sont souvent victimes. Toutefois, ils causent tout de même des accidents. Les autres causes majeures d'accidents, telles que l'alcool et les stupéfiants, font l'objet de mesures de prévention et de répression. Il est important de ne pas stigmatiser les conducteurs seniors ni de les priver de leur moyen de déplacement, surtout en milieu rural, mais une véritable réflexion approfondie doit s'engager pour répondre aux préoccupations des familles et aux personnes concernées par ces problématiques, les victimes de ces accidents en premier lieu.
Ainsi, il souhaite savoir quelles actions supplémentaires le Gouvernement envisage de mettre en place pour garantir la mobilité des seniors tout en protégeant les usagers de la voie publique
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/02/2025
Les questions liées à l'aptitude médicale à la conduite et à la mobilité des seniors font l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Le comité interministériel de sécurité routière du 17 juillet 2023 a adopté plusieurs mesures destinées à mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite. Dans le domaine de la détection de ces inaptitudes, la Gouvernement français n'a pas retenu le principe d'un contrôle médical périodique obligatoire pour les conducteurs non professionnels. Un tel contrôle, qui existe dans plusieurs États membres de l'Union européenne, n'a pas prouvé son efficacité dans la prévention des accidents causés par des conducteurs en situation d'inaptitude médicale. Dans le cadre des débats sur l'adoption d'une nouvelle directive de l'Union européenne sur le permis de conduire, ni le Conseil ni le Parlement européen n'ont souhaité rendre obligatoire un contrôle périodique. Ils ont souhaité ouvrir la possibilité aux États membres d'instaurer une auto-évaluation médicale des conducteurs eux-mêmes lors du renouvellement de leur titre de conduire. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'âge ne constitue pas en soi un facteur d'inaptitude, même si les affections médicales qui peuvent altérer la capacité à conduire en sécurité se manifestent plus fréquemment avec le vieillissement. Dès 2022, le Gouvernement a modernisé le cadre juridique de l'évaluation des inaptitudes médicales en modifiant l'arrêté du 28 mars 2022 qui les énumère pour le rendre plus conforme à l'état actuel des connaissances médicales et scientifiques. Un important travail d'information est conduit avec les médecins généralistes pour les sensibiliser à la question de l'inaptitude à la conduite. Des campagnes de communication ont notamment été organisées pour mieux faire connaître ces enjeux aux professionnels de santé. La grande majorité des personnes, notamment âgées, qui connaissent des problèmes d'aptitude médicale à la conduite régulent spontanément, en lien avec leur entourage familial, leur usage de la voiture. Pour les familles confrontées à la possible inaptitude médicale d'un proche, la délégation à la sécurité routière a communiqué récemment sur les modalités d'un dispositif d'appui aux familles qui se traduit par la possibilité de signaler aux autorités préfectorales les personnes qui, dans le déni de leurs propres inaptitudes, pourraient constituer un danger pour elles-mêmes ou pour les autres usagers de la route. Après évaluation par une commission médicale, le préfet peut, le cas échéant, prendre une mesure d'interdiction de conduire à l'égard de ces personnes.
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