Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - CRCE-K) publiée le 12/12/2024
M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine concernant l'évolution des conditions d'attribution de MaPrimeRenov.
Alors que le Gouvernement a déjà réduit les aides à l'installation d'appareils de chauffage au bois de 30 % au 1er avril 2024, une nouvelle baisse de 50 % était prévue dès le 1er janvier 2025. La mobilisation des acteurs du secteur aura permis d'obtenir de la Ministre du Logement une limitation de cette réduction à 30 %. Malgré tout, en l'espace de huit mois, ces aides auront été réduites de plus de leur moitié, sans distinction selon la performance ou la matière utilisée, et sans tenir compte du remplacement d'appareils plus émetteurs de gaz à effet de serre et de particules fines ou encore des territoires concernés. Ces évolutions mettent en péril une filière pourtant essentielle à la transition énergétique de notre pays et privent les ménages les plus modestes de 2 000 euros d'aide.
Le bois-énergie (bûches, plaquettes forestières, granulés) est pourtant reconnu comme une solution énergétique vertueuse par des organismes publics comme l'agence de la transition écologique (ADEME). Il combine une accessibilité économique, avec des coûts d'usage bien inférieurs à ceux de l'électricité, du gaz ou du fioul, une production locale, favorisant les circuits courts et l'économie circulaire et un impact environnemental maîtrisé, avec des émissions de CO2 limitées à 26 g/kWh, tout en valorisant les sous-produits de la filière bois.
Ce recul du soutien étatique apparaît d'autant plus contradictoire que le bois-énergie joue un rôle central dans la diversification du mix énergétique. À l'heure où le « tout pompe à chaleur » est privilégié, exposant le réseau électrique à des risques de surcharge lors des pics hivernaux, le bois-énergie offre une solution complémentaire résiliente et décarbonée, renforçant notre souveraineté énergétique.
Les arguments avancés pour justifier cette révision - notamment une concurrence supposée entre les usages résidentiels et industriels de la biomasse - méconnaissent la réalité des dynamiques de production et des tendances à la baisse des consommations grâce à des équipements modernes et performants. Ils vont également à l'encontre des recommandations du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui considère le chauffage domestique au bois comme une priorité à maintenir dans le cadre de la transition énergétique.
Face à ces incohérences, il souhaite savoir si le Gouvernement entend revoir le projet de révision du barème MaPrimeRénov' afin de préserver l'équilibre et la compétitivité de la filière bois-énergie ainsi que le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, quelles seront les mesures concrètes prises pour garantir que le bois-énergie, en tant que ressource renouvelable, reste une alternative accessible et encouragée pour les foyers français et enfin de quelle manière le Gouvernement envisage de concilier la nécessaire décarbonation des grands sites industriels avec une politique ambitieuse et cohérente de soutien au chauffage résidentiel bas carbone, essentiel pour atteindre les objectifs de neutralité climatique fixés pour 2050.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement publiée le 20/02/2025
La décarbonation du chauffage des bâtiments, et notamment des logements individuels, est une nécessité pour atteindre nos objectifs climatiques. Ces dernières années, sous l'impulsion notamment des aides publiques renforcées, le chauffage à partir de biomasse solide a contribué en partie au remplacement d'équipements fossiles. Le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC3), récemment mis en consultation, prévoit un accroissement nécessaire de l'offre de biomasse utilisable à des fins énergétiques pour répondre à la hausse de la consommation et au développement d'usages décarbonés à base de biomasse. Le projet de SNBC3 pose également l'objectif de parvenir au « bouclage biomasse », soit un équilibre global entre l'offre et la demande de biomasse sur le territoire hexagonal, quatrième surface forestière de l'UE et première surface agricole utile. Ceci est un enjeu de souveraineté énergétique majeur, afin de ne pas faire reposer l'approvisionnement en biomasse sur un volume trop important d'imports. Les travaux relatifs à la SNBC3 sur le bouclage biomasse montrent que des tensions sur la ressource en biomasse apparaissent dès l'horizon 2030. Face à ce constat, le projet de SNBC3 pose le principe de hiérarchisation des usages de la biomasse qui distingue les utilisations de la biomasse selon trois grandes catégories : les usages à considérer en priorité, les usages à développer raisonnablement et sous conditions et les usages dont le développement est à modérer. Parmi les usages prioritaires consommateurs de bois-énergie, on trouve la chaleur haute température pour l'industrie et les réseaux de chaleur, tandis que le chauffage résidentiel et tertiaire est classé dans les usages « à développer raisonnablement » (pour les chauffages et équipements de fourniture d'eau chaude sanitaires, ECS, performants) et « à modérer » (pour les chauffages et ECS non performants). Pour tenir compte de cela, il convient de mobiliser le maximum de récolte forestière, de bois en fin de vie (bois-déchet) et de bois bocager ou issu de l'agroforesterie, d'isoler davantage les logements, de choisir les équipements les plus efficaces, mais aussi de diriger au maximum les flux de biomasse vers les usages considérés comme prioritaires par le projet de SNBC3. Il s'agira également de privilégier l'installation de nouveaux équipements individuels fonctionnant à partir de biomasse forestière lorsqu'ils viennent en substitution d'équipements biomasse existants, afin d'en améliorer la performance, tout en tenant compte de l'importance du chauffage au bois dans le monde rural, où il constitue une source de chauffage à coût abordable et un débouché économique pour la gestion des petites propriétés forestières privées. Par ailleurs, les contraintes budgétaires conduisent à devoir prioriser au mieux. Il a été ainsi décidé de diminuer les aides du dispositif MaPrimeRénov pour équipements de chauffage fonctionnant à base de biomasse (chaudières, équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire indépendants, poêles et cuisinières à granulés et à bûches, foyers fermés et inserts). L'arrêté du 4 décembre 2024 modifiant l'arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique indique les nouveaux montants de la prime en fonction des catégories de ménages, ainsi que le plafond de dépense éligible. La baisse atteinte est de l'ordre de 30 % des montants de la prime, pour toutes les catégories de ménages. Cela ne remet toutefois pas en cause la possibilité des ménages d'acquérir ces équipements s'ils le souhaitent (pas de contrainte réglementaire), ni la TVA réduite sur le bois de chauffage, ni l'éco-prêt à taux zéro. Ces orientations ne remettent pas non plus en cause le soutien plus général à la filière bois-énergie française, vecteur important pour la décarbonation de notre économie, qui bénéficie notamment des subventions du Fonds Chaleur pour les grandes installations. Par ailleurs, l'installation d'autres sources d'énergie renouvelables, (géothermie, solaire thermique, pompe à chaleur électrique, pompe à chaleur hybride, etc.) est également soutenue.
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