Question de M. CABANEL Henri (Hérault - RDSE) publiée le 21/11/2024
M. Henri Cabanel attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question préoccupante de la saturation des services d'accueil des mineurs non accompagnés (MNA).
La mission de protection de l'enfance relève en France des conseils départementaux, ce sont nos départements qui assurent l'accueil, l'évaluation et la prise en charge des MNA. Le principal enjeu de ces structures d'accueil est aujourd'hui la saturation de leurs services, face à une explosion du nombre de MNA sur notre territoire : de presque 1 000 il y a dix ans à près de 16 000 aujourd'hui, selon les chiffres du ministère de la justice.
Sur le plan logistique, les services départementaux sont contraints d'agir dans l'urgence sans avoir les structures d'accueil adaptées et les places suffisantes. Quand la procédure d'évaluation et de mise à l'abri doit durer 5 jours selon la procédure prévue par l'aide sociale à l'enfance (ASE), elle est aujourd'hui de plus de 40 jours en moyenne. Sur le plan budgétaire, les départements ne peuvent ni suivre ni anticiper leurs dépenses qui augmentent considérablement. Du fait de l'allongement des procédures, les dépenses réelles des départements sont très supérieures aux remboursements forfaitaires versés par l'État.
La situation est extrêmement tendue pour nos départements.
Le Président de la République avait rencontré il y a plusieurs années l'assemblée des départements français (ADF) et il en a découlé la mise en place d'une mission d'expertise associant les représentants de l'État et des départements. Parallèlement, le Parlement a attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet à de multiples reprises ces dernières années.
Il lui demande quelles sont les avancées du Gouvernement sur l'accueil des MNA qui, avant d'être des migrants, sont avant tout des enfants. Ils doivent pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits prévus par la convention internationale des droits de l'enfance, ratifiée par la France en 1989. Il demande également ce que le Gouvernement compte mettre en place pour soulager nos départements de cette saturation permanente de leurs services.
- page 4431
Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 16/01/2025
Les mineurs non-accompagnés (MNA), qui se définissent comme des personnes âgées de moins de 18 ans séparées de leurs représentants légaux sur le sol français, relèvent de la compétence de plusieurs ministères - notamment le ministère de la justice pour la répartition nationale et le ministère en charge de la protection de l'enfance - ainsi que des présidents de conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le ministère de l'intérieur intervient à titre complémentaire dans la prise en charge de ces publics. Les personnes se déclarant mineurs non accompagnés, voient leur situation régie par les articles L. 221-2-4 et R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles. En application de ces dispositions, un accueil provisoire d'urgence est mis en place par le conseil départemental pour tous les jeunes se déclarant mineurs et privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Pendant cette période, le jeune doit bénéficier d'un temps de répit avec une évaluation des besoins de santé, puis d'une évaluation de sa minorité et de son isolement. Si l'évaluation conclut à la minorité de la personne, il est pris en charge, sous l'autorité du juge des enfants, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Dans le cas contraire, la prise en charge s'interrompt, il devient alors possible de statuer sur le droit au séjour des intéressés et le cas échéant de prendre une décision de retour. Le nombre d'évaluations réalisées d'étrangers se déclarant MNA est passé de 12 108 en 2014 à un pic de 51 537 en 2018, pour ensuite diminuer à 37 184 en 2019, puis 32 124 en 2022. Le nombre de mineurs non accompagnés placés par décision de justice auprès de l'aide sociale à l'enfance a quant à lui connu un pic en 2023, avec 19 370 placements, soit +31 % de placements par rapport à 2022 (14 782 mineurs placés) (précédent pic en 2018 établi à 17 022 placements). Depuis le début de l'année 2023, la France est effectivement confrontée à un nombre en hausse d'arrivées de personnes se disant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (MNA), notamment dans les Alpes-Maritimes. Ce flux est corrélé à l'augmentation de la pression migratoire à la frontière extérieure de l'Italie, qui se répercute à la frontière franco-italienne. Ainsi, entre le 1er janvier et le 13 septembre 2024, 4 606 réadmissions en Italie ont été opérées tandis que 1 427 personnes se disant MNA ont été enregistrées. La loi confie aux départements l'accueil et la gestion des MNA (identification des personnes se déclarant MNA, évaluation de leur minorité et prise en charge sur le territoire par l'aide sociale à l'enfance), en vertu notamment de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles (CASF). Exercée sous le contrôle et en application de décisions rendues par l'autorité judiciaire, ces attributions visent, conformément à la loi, à la protection de l'enfance en danger, sans tenir compte de l'extranéité. Dans les conditions prévues par l'article L. 221-2-4 du CASF, les préfets apportent leur concours à l'évaluation de la minorité lorsqu'ils sont sollicités en ce sens par le président du conseil départemental. Ce concours se traduit par l'utilisation du dispositif prévu par le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif à un traitement de données à caractère personnel des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, appelé « appui à l'évaluation de minorité » (AEM). Cet outil permet, à partir des empreintes et de la photographie des jeunes se présentant comme MNA, de les confronter à des données par ailleurs connues de l'administration et de les y enregistrer, pour éviter qu'ils ne se présentent dans un autre département pour une nouvelle évaluation. Pour les 18 derniers mois, durée maximale de conservation des données, 18 % des éléments biométriques recueillis correspondaient à des éléments connus au titre d'une évaluation de minorité antérieure effectuée par un conseil départemental ayant recours à ce dispositif. En application de l'article L. 221-2-4 du code de l'action sociale et des familles issu de la loi du 7 février 2022, il est désormais prévu que le recours au dispositif AEM est obligatoire, sauf cas de minorité manifeste. Dans le cas où les départements ne présenteraient pas les jeunes en préfecture dans le cadre de l'évaluation, une pénalité financière est prévue depuis le 1er janvier 2024. La croissance, sur le moyen terme, de la charge des missions d'aide sociale à l'enfance conduit certains conseils départementaux à solliciter la prise en charge par l'Etat des missions d'évaluation, en particulier la « période de répit » préalable à l'évaluation et introduite par la loi du 7 février 2022 relative à la protection de l'enfance. En outre, tout en assurant la protection des jeunes reconnus mineurs et en lien avec les élus locaux, le Gouvernement travaille activement au perfectionnement du dispositif opérationnel en place dans les Alpes-Maritimes afin d'apporter la réponse la plus adaptée et réactive à l'augmentation des flux constatée dans ce département. Enfin, périodiquement, la nécessité de répartir sur le territoire les mineurs à évaluer, est également évoquée. Cette entreprise est contrainte par la prise en charge dans un cadre judiciaire des publics se déclarant mineurs non accompagnés, ainsi que par la répartition des personnes évaluées mineures à l'issue de la phase d'évaluation de la minorité et du prononcé d'une mesure en assistance éducative par le juge des enfants. Cette répartition est organisée par la Chancellerie.
- page 147
Page mise à jour le