Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 07/11/2024
M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur la nécessité de poser les bases de notre souveraineté énergétique à travers la filière bois-énergie.
La France, à l'instar de ses voisins de l'Union européenne, s'est inscrite dans une trajectoire de lutte contre le réchauffement climatique. À travers des textes législatifs et leur déclinaison réglementaire, le fioul et les énergies fossiles sont considérés comme les premiers responsables du réchauffement climatique. En outre, depuis 2018, la mise en place de plusieurs dispositifs incitatifs, crédit d'impôts pour la transition énergétique, éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), certificat d'économie d'énergie (CEE) et MaPrimerenov (MPR), a eu pour conséquence d'accroître les ventes annuelles de chaudières biomasse. Entre 2019 et 2022, on note une multiplication par 2,5. Ainsi, on retient au 30 septembre 2022 31 428 chaudières granulés vendues et 8 699 au 30 septembre 2023, soit une baisse de volume de 72 % en un an.
La situation préoccupante est devenue alarmante : difficultés d'approvisionnement liées à la covid puis à la guerre en Ukraine ; en 2022, manque de disponibilité du granulé et augmentation des prix ; complexité du montage des dossiers d'aides MPR ou CEE couplée à l'absence de ressources administratives chez les installateurs-artisans et aux modifications substantielles des dispositifs ; difficultés liées aux opérations de contrôle et au renouvellement de la qualification du « RGE Qualibois », au demeurant indispensables pour obtenir les différentes subventions ; délais de règlements aléatoires et longs...
En décembre 2023, l'agence nationale de l'habitat (Anah) a annoncé que MaPrimeRénov financera l'installation d'équipements de chauffage décarboné. Si les forfaits ont été rehaussés, en janvier 2024, pour les pompes à chaleur, l'Anah a réduit, dès avril, une réduction de 30 % des forfaits pour le chauffage au bois.
Cette annonce s'est révélée catastrophique pour le secteur bois-énergie français. Quelques chiffres sont, pourtant, éclairants et encourageants : la part du bois-énergie dans la consommation des énergies renouvelables représente 35,1 % ; les pompes à chaleur 1,9 %. La filière bois emploie 450 000 personnes dont 393 000 emplois directs (12,4 % des emplois industriels français). Rien que pour le secteur de l'énergie, elle représente 40 000 emplois.
Cette décision va à l'encontre des objectifs environnementaux pris par le Gouvernement et est à rebours de ses engagements en matière de réindustrialisation du pays. En outre, au lieu de réindustrialiser, cette décision aura pour conséquence de provoquer des licenciements, fermetures d'entreprises et, par là même, la perte de nos savoir-faire. In fine, nous aggraverons notre dépendance énergétique alors que nous sommes le n°2 européen des producteurs énergie-bois.
La volonté gouvernementale est de tout miser sur l'électrique en favorisant les pompes à chaleur (PAC). Or, il est plus judicieux de mettre en place une planification de la ressource bois visant à la mise en oeuvre et à la valorisation de la ressource forestière et aux effets attendus sur la croissance sylvicole à des coûts accessibles pour le consommateur.
Alors que l'hybridation semble être la meilleure solution, le Gouvernement s'engage dans une voie dogmatique. Elle risque de coûter cher à l'industrie, au pouvoir d'achat des Français et à l'environnement.
En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage de s'engager dans une démarche de fond pour inclure la biomasse dans la recherche de souveraineté en matière énergétique, d'une part, et si des mesures incitatives seront mises en place pour accélérer le renouvellement du parc de vieilles chaudières bois-bûches, d'autre part. Enfin, il l'interroge sur les résultats de la réflexion engagée sur l'hybridation.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 06/02/2025
Le Gouvernement partage l'importance du bois-énergie comme vecteur essentiel de la décarbonation notre économie. La décarbonation du chauffage des bâtiments, et notamment des logements individuels, est une nécessité pour atteindre nos objectifs climatiques. Ces dernières années, sous l'impulsion notamment des aides publiques renforcées, le chauffage à partir de biomasse solide a contribué en partie au remplacement d'équipements fossiles. La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), actuellement mise en consultation, prévoit un accroissement nécessaire de l'offre de biomasse utilisable à des fins énergétiques pour répondre à la hausse de la consommation et au développement d'usages décarbonés à base de biomasse. La SNBC pose également l'objectif de parvenir au « bouclage biomasse », soit un équilibre global entre l'offre et la demande de biomasse sur le territoire hexagonal, quatrième surface forestière de l'UE et première surface agricole utile. Ceci est un enjeu de souveraineté énergétique majeur, afin de ne pas faire reposer l'approvisionnement en biomasse sur un volume trop important d'imports. Les travaux relatifs à la SNBC3 sur le bouclage biomasse montrent que des tensions sur la ressource en biomasse apparaissent dès l'horizon 2030. Face à ce constat, la SNBC pose le principe de hiérarchisation des usages de la biomasse qui distingue les utilisations de la biomasse selon trois grandes catégories : les usages à considérer en priorité, les usages à développer raisonnablement et sous conditions et les usages dont le développement est à modérer. Parmi les usages prioritaires consommateurs de bois-énergie, on trouve la chaleur haute température pour l'industrie et les réseaux de chaleur, tandis que le chauffage résidentiel et tertiaire est classé dans les usages « à développer raisonnablement » (pour les chauffages et équipements de fourniture d'eau chaude sanitaires, ECS, performants) et « à modérer » (pour les chauffages et ECS non performants). En outre, la SNBC3, conjointement avec la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3), prévoit une trajectoire permettant de satisfaire la forte hausse des besoins en électricité en 2030, qui tient compte du développement des pompes à chaleur pour décarboner le chauffage résidentiel. Or, la tension sur la ressource en biomasse est particulièrement forte pour la biomasse forestière, et ce même dans le scénario provisoire de la SNBC le plus récent, qui table sur un accroissement de la récolte forestière au maximum de son potentiel mobilisable, sur une forte amélioration de l'isolation des logements et de l'efficacité des équipements, mais également sur une baisse globale du nombre d'équipements individuels de chauffage biomasse. Pour tenir compte de ces risques, il convient de diriger au maximum les flux de biomasse vers les usages considérés comme prioritaires, et favoriser la valorisation énergétique de nouvelles matières premières, notamment le bois en fin de vie (bois-déchet) et le bois bocager ou issu de l'agroforesterie, pour lequel la SNBC prévoit un développement important (+ 50 000 kilomètres de haies d'ici à 2030). A ce titre, la réorientation des soutiens publics vers les usages prioritaires de la biomasse doit agir comme un vecteur de modération de la demande en biomasse. Par ailleurs, les contraintes budgétaires conduisent à devoir prioriser au mieux les enveloppes qui resteront disponibles en 2025. Dans ce contexte financier difficile et de tension sur la ressource, le gouvernement souhaite réduire les subventions publiques accordées aux équipements individuels fonctionnant à partir de biomasse solide. Il a été ainsi décidé de diminuer les aides du dispositif MaPrimeRénov pour équipements de chauffage fonctionnant à base de biomasse (chaudières, équipements de chauffage ou de fourniture d'eau chaude sanitaire indépendants, poêles et cuisinières à granulés et à bûches, foyers fermés et inserts). L'arrêté du 4 décembre 2024 modifiant l'arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique indique les nouveaux montants de la prime en fonction des catégories de ménages, ainsi que le plafond de dépense éligible. La baisse atteinte est de l'ordre de 30 % des montants de la prime, pour toutes les catégories de ménages. Cela ne remet toutefois pas en cause la possibilité des ménages d'acquérir ces équipements s'ils le souhaitent (pas de contrainte réglementaire), ni la TVA réduite sur le bois de chauffage, ni l'éco-prêt à taux zéro. Ces orientations ne remettent pas non plus en cause le soutien plus général à la filière bois-énergie française, qui bénéficie des subventions du Fonds Chaleur ainsi que d'appels à projets (AAP) gérés l'Ademe visant à favoriser la valorisation énergétique pour les industriels du bois (AAP « BCIB ») et la décarbonation de la petite et moyenne industrie (AAP « BCIAT »). Ces dispositifs permettent de soutenir la filière du bois-énergie, dans un objectif de contrôle des coûts de chauffage pour les ménages et de décarbonation de notre économie, pour laquelle la biomasse est un vecteur important. Par ailleurs, l'installation d'une pompe à chaleur est également soutenue.
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