Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 07/11/2024
M. Jean-Claude Anglars interroge Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les négociations en cours entre la Commission européenne et les pays du Mercosur.
Récemment, les négociations se sont intensifiées, avec la possibilité d'une conclusion prochaine, peut-être lors du sommet du G20 à Rio de Janeiro les 18 et 19 novembre 2024.
La Commission européenne, par l'intermédiaire du commissaire au commerce Valdis Dombrovskis, pousse en faveur de cet accord, le considérant comme crucial sur les plans économique et géostratégique. Plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, soutiennent cette initiative, estimant que l'accord renforcerait la position de l'UE en Amérique du Sud et limiterait l'influence croissante d'autres puissances, notamment la Chine.
Cependant, la France exprime une forte opposition. Le président de la République Emmanuel Macron a déclaré que l'accord n'était « pas acceptable en l'état », invoquant des préoccupations environnementales, le respect des accords de Paris sur le climat et la protection des agriculteurs européens. Les syndicats agricoles français, notamment la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, craignent à raison une concurrence déloyale due à l'importation de produits agricoles ne respectant pas les normes européennes, ce qui pourrait menacer la viabilité des exploitations françaises. La ratification d'un tel traité dans le contexte agricole serait une faute politique.
Mais, la France se trouve de plus en plus isolée dans son opposition, alors que d'autres pays auparavant sceptiques ont changé de position. La Commission européenne envisage des mesures pour apaiser les inquiétudes du secteur agricole, comme la création d'un fonds d'indemnisation, dont les modalités précises ne sont pour l'instant pas connues.
La possibilité que l'accord soit adopté sans le consentement de la France, par un vote à la majorité qualifiée des États membres et avec l'approbation du Parlement européen, est préoccupant.
Compte tenu de l'importance stratégique de cet accord et des préoccupations nationales, il est essentiel que les parlementaires soient informés des développements récents.
Le sénateur Jean-Claude Anglars souhaite donc connaitre la position du Gouvernement sur la ratification de cet accord et s'il compte défendre les intérêts de l'agriculture française en refusant cet accord commercial.
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Transmise au Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 13/02/2025
Le Gouvernement estime que l'annonce de la conclusion de l'accord de commerce avec le Mercosur, le 6 décembre 2024, par la Présidente de la Commission européenne, est particulièrement regrettable. En tout état de cause, cette annonce, si elle engage la Commission, n'engage pas les États membres. En effet, alors que l'annonce de la Commission pouvait laisser penser qu'il s'agissait de la fin du processus, en réalité, ce n'est que le début d'une nouvelle phase dans ces négociations qui durent depuis plus de vingt ans, celle de la ratification et de la signature de l'accord conclu. Ce n'est donc pas la fin de l'histoire. Dans le nouveau texte, il apparaît que les amendements apportés ne sont pas en mesure de répondre aux conditions posées par la France pour rendre l'accord acceptable. Ainsi, il demeure donc inacceptable en l'état. En effet, l'accord conclu comporte de nouvelles concessions faites par l'Union européenne (UE) par rapport au contenu de l'accord de 2019, notamment sur le porc et le biodiésel, sans contrepartie pour les filières européennes et françaises, ce qui risque d'aggraver l'impact anticipé sur l'agriculture européenne. Le texte introduit également un mécanisme de rééquilibrage des concessions inédit et particulièrement regrettable, qui pourrait fragiliser la capacité de l'UE à élaborer et à déployer des mesures de réciprocité adaptées à l'avenir. Or la France a posé des exigences très claires concernant le respect des normes de production sanitaires et des contrôles. Il est essentiel que des règles de commerce justes soient garanties, qui protègent les agriculteurs européens de la concurrence déloyale engendrée par l'importation de produits qui ne respectent pas les mêmes règles de production que celles applicables dans l'UE. De nombreux États membres mais aussi des parlementaires européens partagent les préoccupations du Gouvernement français. En outre, nombreux sont ceux, dans la société civile au sens large, qui refusent que l'agriculture soit considérée comme une variable d'ajustement dans les accords de libre-échange. L'ensemble des conditions que la France a posées n'étant pas satisfaites, la France continuera à s'opposer à la ratification de cet accord. Le Gouvernement reste ainsi déterminé à défendre les intérêts de l'agriculture française avec toute la rigueur nécessaire. Concernant l'agriculture, la Commission évoque l'existence d'un mécanisme de compensation qui serait activable en cas d'impact de l'accord sur les filières européennes. La Commission indique également que les fonds ne seront versés qu'en cas de circonstances exceptionnelles et non prévues. Sur ce sujet, la position du Gouvernement n'a pas changé : la voie de la compensation ne répondra toujours que très imparfaitement à la question de la préservation des intérêts des filières et n'est pas de nature à infléchir la position d'opposition de la France à l'accord. S'agissant du calendrier, la Commission indique que la version finale du texte ne devrait être disponible qu'à l'été 2025, après un travail de nettoyage juridique et de traduction. D'ici là, elle devra décider quelle forme juridique elle compte choisir pour l'architecture de l'accord, ce choix déterminant la procédure pouvant conduire à sa signature. En cas de scission de l'accord, la ratification de sa partie commerciale serait possible sans la consultation des parlements nationaux et avec une majorité qualifiée au Conseil de l'UE. La France ne pourrait alors s'y opposer seule : une minorité de blocage constituée d'au moins quatre États membres représentant plus de 35 % de la population européenne serait alors nécessaire pour empêcher sa ratification, ou un rejet d'une majorité au Parlement européen. S'il s'oppose à cette possible scission de l'accord, le Gouvernement se mobilise toutefois depuis déjà plusieurs mois pour réunir, le cas échéant, une minorité de blocage et faire peser les voix nombreuses qui s'opposent à un tel accord. Ce travail commence à porter ses fruits, et la France ne relâchera pas ses efforts.
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