Question de Mme CANALÈS Marion (Puy-de-Dôme - SER) publiée le 21/11/2024

Mme Marion Canalès attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les récentes annonces de la direction de People & Baby.

Alors que le groupe People & Baby est visé, suite aux révélations de Victor Castanet dans son ouvrage « Les Ogres », par un dépôt de plainte de l'association Anticor pour fraude fiscale de l'ancienne direction, les salariés de l'entreprise ne se sont vu verser pour le mois d'octobre 2024 qu'un acompte de 350 euros maximum, en lieu et place d'un salaire complet.
Cette nouvelle, en plus de mettre grandement en difficulté les professionnels, met aussi dans l'incertitude les familles, enfants, ainsi que de nombreux établissements et leurs donneurs d'ordre, à l'instar des entreprises et collectivités qui ont confié au groupe de crèches leurs berceaux ou leur délégation de service.

Le 19 novembre 2024, une nouvelle mobilisation « Pas de bébé à la consigne » viendra remettre sur le devant de la scène les difficultés structurelles énoncées par les acteurs de la petite enfance depuis des années.

Elle l'interroge sur les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour apporter la transparence nécessaire sur les choix financiers de ce groupe qui met actuellement en péril de nombreux salariés de première ligne, essentiels à l'accueil des enfants dans nos territoires.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'économie du tourisme publiée le 04/12/2024

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2024

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, auteure de la question n° 215, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mme Marion Canalès. Madame la ministre, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a elle-même reconnu en 2022 que, depuis l'arrivée des acteurs privés dans le secteur des crèches, leurs pratiques n'avaient jamais fait l'objet d'une enquête sous l'angle de la protection économique des consommateurs.

Clauses illicites contraires au code de la consommation, clauses présumées abusives sur les modalités de réservation des places, communications mensongères, allégations trompeuses : ces pratiques nombreuses portent préjudice aux familles.

Dans le même temps, plusieurs ouvrages récents sont venus mettre en lumière des pratiques de gestion low cost de certains groupes privés, dont People & Baby. Ces logiques de rentabilité et de croissance ont conduit à la dégradation des conditions de travail des professionnels et d'accueil des enfants, à la mise en danger de ces derniers et parfois même à des décès.

Madame la ministre, comment est-il possible que, malgré les alertes de la DGCCRF, malgré le retrait de la Caisse des dépôts et consignations de l'actionnariat de People & Baby en raison de la gestion opaque du groupe, malgré différentes enquêtes de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) lancées à la demande de ministres, malgré la publication de nombreux articles de presse sur la fortune immobilière et mobilière d'anciens dirigeants du groupe, alors que dans le même temps People & Baby affichait une dette colossale et rognait sur les couches, les repas ou les dépenses de personnel, malgré l'exclusion de ce groupe de la fédération des crèches privées pour pratiques déloyales, dès 2011, malgré les millions d'argent public de la caisse d'allocations familiales (CAF) qui ont transité par ses caisses, rien n'a été entrepris face à ce qui constitue notoirement un système organisé ?

Nous en avons débattu pendant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : alors que la lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics, pourquoi la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), chargée du contrôle des grandes entreprises, n'a-t-elle pas été sollicitée ?

Pourquoi le nouveau conseil d'évaluation des fraudes, dédié à l'évaluation du montant des fraudes aux aides publiques, ne s'est-il pas vu confier une mission sur les grands groupes de crèches privés ?

En attendant, en octobre, les salariés de People & Baby n'ont touché qu'un acompte de leur salaire, depuis régularisé. « Lutter contre les fraudes, c'est garantir aux Français que les deniers publics sont bien utilisés », affirmait le ministre délégué chargé des comptes publics. Que compte faire le ministère des finances dans le dossier de fraude de People & Baby, aujourd'hui en pleine procédure de sauvegarde ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marina Ferrari, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de l'économie du tourisme. Madame la sénatrice Canalès, depuis plusieurs mois, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales ainsi que plusieurs livres font état de certaines dérives dans la prise en charge, l'accueil et l'accompagnement des jeunes enfants.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance, suit d'ailleurs de très près ce sujet.

Le déploiement à venir du service public de la petite enfance, grâce à des crédits dédiés - 86 millions d'euros de crédits ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025, auxquels s'ajoutent les financements du fonds national d'action sociale de la branche famille votés lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 -, permettra de garantir un accueil de qualité pour tous les enfants et leurs familles.

Ce service public sera accompagné d'un système de contrôle en lien avec le ministère.

À plus long terme, le Gouvernement a pour objectif de réformer le mode de financement des crèches pour aller vers un système plus juste et davantage centré sur la qualité de l'accueil.

Nous devons définir les conditions d'évolution de l'ensemble des modes de financement, qu'il s'agisse de la prestation de service unique, du financement des microcrèches ou des conditions d'investissement.

Je vous remercie de votre question, qui permet de souligner l'importance du suivi par le Gouvernement des entreprises du secteur de la petite enfance, y compris lorsque celles-ci sont gérées par le secteur privé.

Le groupe People & Baby fait désormais l'objet d'un contrôle judiciaire. En effet, une procédure de sauvegarde accélérée a été ouverte le 18 novembre dernier. Son objectif est de renforcer la structure financière de l'entreprise et de permettre le financement de sa refondation.

Cette procédure judiciaire, qui prendra entre deux et quatre mois, devrait permettre au groupe de restructurer son passif, d'obtenir de nouveaux financements et de se relancer sur des bases saines.

Elle devrait également lui permettre d'être en mesure de payer de nouveau normalement les salaires - vous l'avez rappelé, un rattrapage de l'acompte a été effectué -, mais surtout de disposer des moyens financiers pour assurer la qualité de l'accueil et le bien-être des enfants.

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