Question de M. OUIZILLE Alexandre (Oise - SER) publiée le 14/11/2024

M. Alexandre Ouizille interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie sur l'action du Gouvernement face aux menaces de fermeture de sites et de destruction d'emplois industriels de l'Oise en cette fin d'année 2024.

De fait, en cet automne 2024, les mauvaises nouvelles s'accumulent concernant des sites industriels majeurs du département de l'Oise. Nous pouvons citer : AGCO et Gima à Beauvais ; Forvia à Méru ; Opella /Sanofi à Compiègne et Choisy au Bac ; Weylchem Lamotte à Trosly-Breuil. À date, près de 800 emplois sont en jeu, mais ne sont pas les seuls. Usinage de Compiègne a également fermé récemment.

Ces fortes inquiétudes locales ne font que refléter les constats faits nationalement. En l'absence de suivi public, la CGT a calculé qu'en octobre 2024 180 plans sociaux sont annoncés en France, impactant près de 50 000 emplois directs (et 90 000 avec les emplois induits).

Dans l'Oise, les 4 sujets majeurs évoqués reflètent bien les conséquences des choix industriels précédents. Les sites concernés ne sont pas les centres de décision principaux. Ils pâtissent des arbitrages de leurs actionnaires (américains, européens, français) ou des choix de leurs grands clients (notamment dans l'automobile, la chimie). Ils ont bénéficié d'investissements publics importants (l'accessibilité routière à Beauvais, la protection contre les inondations à Compiègne). Les scénarios envisagés vont à l'inverse des discours du Gouvernement sur la réindustrialisation de notre pays.

En particulier, il apparaît manifeste que dans le cas de Opella, une autre voie aurait été possible. Car l'actionnaire actuel Sanofi veut élargir le capital de filiale grand public Opella à d'autres investisseurs, pour se concentrer sur des marchés à plus forte valeur ajoutée, se traduisant par l'annonce de la prise de contrôle (à hauteur de 50 %) par un fonds américain.

Le 20 octobre 2024, le Gouvernement a annoncé des garanties pour maintenir et développer Opella, la branche de santé de Sanofi, en France. L'État investira entre 100 et 150 millions d'euros via Bpifrance pour acquérir une participation de 1 % à 2 % dans cette entreprise. Bpifrance siégera également au conseil d'administration d'Opella, fabricant du Doliprane. L'accord prévoit le maintien de la production sur les sites de Lisieux et Compiègne pendant cinq ans, la conservation du siège social et des activités de recherche et développement en France, ainsi qu'un investissement de 70 millions d'euros sur cinq ans.

Cette prise de participation est bienvenue néanmoins elle soulève plusieurs questions sur la mobilisation des outils publics par le Gouvernement. D'une part, l'État aurait-il pu exiger des droits de vote doubles en appliquant stratégiquement l'article 7 de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014, visant à reconquérir l'économie réelle ? Il lui demande si cette option a été étudiée. D'autre part, le Gouvernement aurait pu envisager d'utiliser le « décret Montebourg », permettant de bloquer, via le régime d'autorisation en vigueur, une transaction impliquant un investissement étranger lorsque la santé publique est en jeu, conformément aux articles R. 153-1 et R. 152-2 du code monétaire et financier. Il souhaite connaitre les éléments qui ont conduit l'État a autoriser cette cession.

Au-delà du dossier Opella, il lui demande quelle est la ligne directrice de l'État actionnaire face aux menaces qui pèsent sur les sites industriels.

- page 4357

Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie


Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du tourisme publiée le 12/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/02/2025

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, auteur de la question n° 205, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Alexandre Ouizille. Je ne m'habitue ni aux drames ni aux difficultés qu'ils emportent.

Dans l'Oise, à cette heure, se joue le drame que constitue la disparition d'un certain nombre de lignes et d'emplois industriels. Permettez-moi, mes chers collègues, d'avoir une pensée pour les salariés, employés, ouvriers et cadres qui en souffrent.

Au sein de l'entreprise Forvia, sous-traitant automobile, à Méru, un plan social est en cours. Chez Agco et Gima, producteurs de machineries agricoles, à Beauvais, un plan social est en cours. Près de chez moi, à Trosly-Breuil, au sein de l'entreprise de chimie Weylchem Lamotte, un plan social est en cours.

À Villers-Saint-Paul, un site dans lequel l'entreprise Chemours devait investir cette année 200 millions d'euros supplémentaires fermera finalement.

À Montataire, l'entreprise Akzo Nobel, qui compte parmi les numéros un mondiaux du revêtement et de la peinture, a un plan social en cours.

À Creil et à Verneuil-en-Halatte, l'entreprise Stokomani, dont la marque est bien connue, a également un plan social en cours.

Face à une telle situation, que peut le Gouvernement ? Cette question simple s'articule autour de trois axes, madame la ministre.

À quand une politique industrielle instaurant des clauses de conditionnalité territoriale, comme les Américains l'ont fait dans le cadre de l'Inflation Reduction Act ?

Quand rénoverons-nous enfin nos outils antidumping ? La demande déposée par l'entreprise Weylchem Lamotte il y a vingt-quatre mois est toujours en cours d'instruction. Comme me l'indiquait son dirigeant, en vingt-quatre mois, l'entreprise aurait eu le temps de fermer trois fois !

Enfin, quelle est la stratégie de l'État, qui doit valider les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ? Comment compte-t-il protéger les salariés concernés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Alexandre Ouizille, vous interpellez le Gouvernement sur la situation de l'industrie dans l'Oise.

La liste des entreprises citées recouvre des cas très différents, qui appellent des réponses spécifiques. Mes collègues Éric Lombard et Marc Ferracci y travaillent.

Dans votre question écrite, vous citez la cession à venir par Sanofi et CD&R d'Opella Healthcare International SAS, qui possède une usine à Amiens. Le Gouvernement s'est montré très actif dans le suivi de ce dossier. Il a obtenu un accord exigeant incluant l'engagement des cessionnaires à maintenir les sites de production, notamment le site de Compiègne, et à adopter une trajectoire de croissance de l'emploi en France. Quelque 70 millions d'euros d'investissement sur cinq ans, ainsi que des volumes de production minimaux pour les produits sensibles, notamment le Doliprane, sont également prévus.

Nous avons souhaité et obtenu l'entrée de Bpifrance au capital d'Opella afin de disposer d'un droit de regard sur la stratégie de l'entreprise et d'y faire valoir nos intérêts, au service de notre souveraineté.

La nature de cette opération et les engagements obtenus de la part de Sanofi et CD&R ne justifiaient donc pas un refus de l'opération via l'activation de la réglementation relative aux investissements étrangers en France (IEF).

Au-delà de ce cas particulier, l'ambition du Gouvernement est d'agir sans relâche pour la reconquête industrielle de nos territoires. Depuis 2017, nous avons fait des progrès considérables en matière d'attractivité, de compétitivité et d'emploi. Quelque 130 000 emplois ont ainsi été créés dans l'industrie et, en 2024, nous avons continué à ouvrir plus d'usines qu'il ne s'en est fermé, puisque nous avons enregistré 36 ouvertures nettes d'usines au seul premier semestre.

Cela ne doit pas cacher les difficultés rencontrées, notamment dans les secteurs de la chimie, de l'automobile et de l'acier, en faveur desquels nous déployons des plans d'action à l'échelon national, mais également européen.

Le rôle de l'État est d'accompagner les chefs d'entreprise en amont des difficultés pour trouver des solutions permettant de pérenniser les activités et l'emploi à chaque fois que cela est possible. Nous nous appuyons pour ce faire sur le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), sur la déléguée interministérielle aux restructurations des entreprises (Dire) et sur les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) qui accompagnent près de 4 000 entreprises par an.

Soyez assuré que le Gouvernement sera toujours à vos côtés pour agir au service de l'industrie de la Nation, monsieur le sénateur. Marc Ferracci reste à votre disposition pour compléter cette réponse.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour la réplique.

M. Alexandre Ouizille. Je vous remercie de ces précisions concernant Opella, madame la ministre.

J'ai préparé cette question il y a un certain temps déjà et, depuis, cela n'aura échappé à personne, des changements de gouvernement sont intervenus.

En dépit des éléments que vous citez, je constate que la question du socle social reste pendante. Les dossiers qui s'accumulent appellent une action bien plus forte, prenant en compte l'ensemble des difficultés rencontrées par ces entreprises.

- page 2580

Page mise à jour le