Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 14/11/2024
M. Michel Canévet souhaite rappeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la reconnaissance officielle du « tilde », notamment dans les actes d'état civil. Pour rappel, la ville de Quimper avait, en mai 2017, enregistré à l'état civil un enfant portant le prénom Fañch (François en breton), écrit avec un « tilde ». Le tribunal de grande instance avait, le 13 septembre 2017, refusé d'homologuer ce prénom, s'appuyant sur une circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil qui régit l'usage des signes diacritiques et des ligatures dans la langue française et dans laquelle ne figure pas le « tilde ». Après cette décision défavorable aux parents, un arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date 19 novembre 2018, a annulé ce premier jugement et autorisé l'utilisation du prénom Fañch, puis en raison d'une erreur de procédure, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en Cassation et cet enfant a pu garder le « tilde » sur son prénom.
Il n'en demeure pas moins qu'à ce jour le problème juridique n'est pas résolu. Ainsi, la circulaire du 23 juillet 2014 n'a toujours pas été modifiée. Cette situation est d'autant plus surprenante qu'en février 2020, la ministre de la justice avait confirmé au président de l'Assemblée nationale de l'époque, par courrier, qu'un décret était alors en cours de finalisation et « serait prochainement transmis au Conseil d'État. L'intégration de ces caractères sera effective dès que les modalités au sein des services de l'État seront définies ».
Pour sa part, en mai 2021, le Conseil constitutionnel a censuré un article de la proposition de loi relative « à la protection patrimoniale des langue régionales et à leur promotion » adopté par le Parlement qui autorisait les signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l'état civil, considérant que cela méconnaît les exigences de l'article 2 de la Constitution.
Néanmoins, cette décision repose sur une approche « régionale » du tilde, alors qu'il est acté par de nombreuses recherches universitaires que le « tilde » apparaît bien comme un élément de la langue française - parallèlement à son usage dans certaines langues régionales -, notamment dès l'ordonnance royale de 1593, dite de Villers-Cotterêts, qui impose l'utilisation de la langue française dans les actes de justice dans le domaine royal.
Il lui demande donc si l'on peut considérer le « tilde » comme figurant bien dans la langue française et dès lors modifier en ce sens la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes publiée le 04/12/2024
Réponse apportée en séance publique le 03/12/2024
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 200, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en interpellant le Gouvernement aujourd'hui, je pense à Amélie, une maman du Finistère qui vient de mettre au monde un petit Fañch, à qui je souhaite de connaître une très longue et très agréable vie dans ce département.
Il se trouve que, en Bretagne, ce prénom s'écrit avec un tilde. Or, à plusieurs reprises, les procureurs de la République se sont opposés à des modifications de l'état civil souhaitées par des parents désireux de voir ce tilde figurer sur le prénom de leur enfant.
Pourtant, les recherches historiques que nous avons faites nous ont permis de découvrir que l'ordonnance royale dite de Villers-Cotterêts de 1539, qui a imposé la langue française comme langue de la République, comporte un grand nombre de tildes. Autrement dit, le tilde fait bel et bien partie de la langue française !
Nous ne comprenons pas pourquoi son utilisation peut être remise en cause, en Bretagne en particulier.
C'est une circulaire ministérielle du 23 juillet 2014 qui régit l'usage des signes diacritiques. Or, en 2020, le garde des sceaux de l'époque avait promis à celui qui était alors président de l'Assemblée nationale qu'une modification de cette circulaire interviendrait pour intégrer le tilde dans les signes diacritiques.
Qu'en est-il, madame la secrétaire d'État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Salima Saa, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, vous interrogez le garde des sceaux sur l'impossibilité actuelle d'intégrer le signe diacritique qu'est le tilde dans les actes de l'état civil.
Comme vous le rappelez, en l'état de la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil, les seuls signes diacritiques autorisés dans la langue française sont les points, trémas, accents et cédilles. L'Académie française, sollicitée en 2014, a confirmé qu'il s'agissait des seuls signes diacritiques propres à la langue française. Le tilde n'en fait donc pas partie.
Il est exact que, en février 2019, lors de la signature du contrat d'action publique pour la Bretagne, l'un des engagements du Premier ministre portait sur l'ouverture d'une réflexion sur les conditions d'intégration à l'état civil de tels signes régionaux. Une étude a été engagée par le ministère de la justice afin de recenser l'ensemble des adaptations rendues nécessaires par une telle intégration. Celle-ci a été envisagée à l'article 9 de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, qui prévoyait d'autoriser les signes diacritiques des langues régionales dans les actes de l'état civil.
Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mai 2021, a censuré cette disposition au titre de l'article 2 de la Constitution, qui énonce que « la langue de la République est le français ».
Monsieur le sénateur, une modification de la circulaire du 23 juillet 2014 afin d'autoriser l'emploi, dans les actes de l'état civil, d'un signe dont l'usage a été déclaré contraire à la Constitution n'apparaît pas possible juridiquement.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Madame la secrétaire d'État, je déplore votre réponse, à laquelle je ne souscris pas du tout.
Contrairement à vous, je considère, notamment sur le fondement de sa présence dans l'ordonnance royale de Villers-Cotterêts, que le tilde peut être utilisé.
Je vous signale, d'ailleurs, que le préfet de police de Paris a, dans son nom, un signe diacritique ! Il faudra que l'on m'explique pourquoi nos concitoyens ne pourraient pas l'utiliser.
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