Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 28/11/2024
Question posée en séance publique le 27/11/2024
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre du travail et de l'emploi, un accord sur la réduction de l'indemnisation chômage des travailleurs frontaliers a été conclu entre syndicats et patronat. Si cette réforme était menée à son terme, les conséquences seraient loin d'être neutres : un frontalier récemment licencié pourrait voir son indemnité divisée par deux.
Cette annonce a légitimement provoqué un véritable sentiment d'injustice : la mesure créerait de fait une rupture d'égalité entre deux salariés français à niveau de salaire identique. En effet, le droit européen prévoit que les travailleurs frontaliers cotisent à l'assurance chômage dans le pays où ils travaillent, mais qu'ils bénéficient, en cas de perte d'emploi, d'une indemnisation chômage versée par leur pays de résidence.
Une compensation entre États est bien évidemment prévue, mais elle est très éloignée des réalités économiques et sociales. Pour l'Unédic, l'indemnisation de ces travailleurs frontaliers représenterait un surcoût de 800 millions d'euros, ce qui dans l'état actuel de nos finances, je le conçois, n'est pas acceptable.
Certains de mes collègues ont déjà alerté le Gouvernement sur ce danger : je pense à Annick Jacquemet, ainsi qu'à Cyril Pellevat, qui a récemment déposé une proposition de résolution européenne.
Il y a quelques semaines, madame la ministre, vous indiquiez, dans cet hémicycle, que le Gouvernement avait interpellé la présidence du Conseil européen pour avancer sur un nouveau règlement, et qu'il agissait au niveau national en baissant les indemnités et en redéfinissant l'offre raisonnable d'emploi.
Je vous propose une troisième voie. Êtes-vous prête à entamer sans délai des discussions avec les pays voisins, afin d'aboutir à des accords bilatéraux sur une compensation d'État à État plus juste et plus équilibrée, et, ainsi, à ne pas faire porter l'effort sur les seuls travailleurs frontaliers ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)
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Réponse du Ministère du travail et de l'emploi publiée le 28/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 27/11/2024
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail et de l'emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi. Madame la sénatrice Guillotin, vous avez bien rappelé les termes du débat. Aujourd'hui, le surcoût d'une telle réforme, qui concerne 77 000 allocataires, est de près de 800 millions d'euros pour l'Unédic...
M. Loïc Hervé. Chaque année !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J'allais le préciser, en effet. Le cumul, depuis 2011, des dépenses liées aux frontaliers représente 11,2 milliards d'euros.
Cette situation résulte d'un règlement européen, qui prévoit que le travailleur frontalier perdant son emploi dans un État membre de l'Union européenne perçoit l'assurance chômage de son État de résidence.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, le déficit est essentiellement dû, pour nos travailleurs transfrontaliers, à un différentiel d'indemnisation, qui atteint près de 1 500 euros entre la Suisse et la France, et 500 euros entre le Luxembourg et la France. Ce différentiel est d'autant plus important que les transfrontaliers ont tendance à consommer plus de droits : en effet, 41 % des demandeurs d'emploi transfrontaliers les épuisent, contre 37 % en moyenne.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Il ne s'agit pas de les stigmatiser. Dans l'accord d'assurance chômage, signé par trois organisations syndicales et l'ensemble des organisations patronales, ce sujet est d'ailleurs à l'ordre du jour.
Pour ma part, j'identifie trois pistes d'action, parmi lesquelles celle que vous avez évoquée.
La première consisterait à tenter de renégocier le règlement (CE) 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Je me rendrai, début décembre, à Bruxelles, pour discuter avec mes homologues européens chargés du travail, la direction générale concernée et les parlementaires de la commission de l'emploi et des affaires sociales.
La deuxième piste est nationale : nous voulons faire évoluer l'offre raisonnable d'emploi, précisément pour que, à offre égale, le référentiel se fasse sur le salaire français, et non sur le salaire genevois ou maastrichtien. Les agences France Travail proches de la frontière doivent aussi mieux accompagner les demandeurs d'emploi transfrontaliers.
M. Loïc Hervé. Très juste !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Troisième et dernière piste : vous avez raison, madame la sénatrice, les discussions bilatérales vont commencer, en particulier avec le Luxembourg et la Suisse, sur cette problématique.
Cet aspect des choses est évidemment important, mais il faut surtout se battre sur les trois fronts en même temps. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.- M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, je pense que la solution bilatérale est la plus prometteuse, celle que le Gouvernement devrait privilégier.
Les travailleurs frontaliers n'ont pas choisi la situation qui est la leur : ils vivent souvent sur un territoire depuis lequel ils vont travailler et cotiser à l'étranger, par exemple au Luxembourg.
Il est urgent que le Gouvernement ouvre des négociations d'État à État. Dans la mesure où nos voisins ont réellement besoin de nos travailleurs frontaliers, nous devrions aborder ces discussions en position de force.
Il est crucial que l'argent tiré des cotisations que ces travailleurs paient à l'étranger soit rétrocédé à la France, et ce pour un juste équilibre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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