Question de Mme CANALÈS Marion (Puy-de-Dôme - SER) publiée le 21/11/2024

Question posée en séance publique le 20/11/2024

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Les réseaux sociaux sont devenus le nouvel eldorado des atteintes à l'intégrité des individus, et les élus ne sont pas épargnés. Un maire sur quatre en a été victime. Si l'intelligence peut être artificielle, la violence qu'elle induit est, elle, bien réelle. Un clic peut blesser plus qu'un coup. Voilà quatre jours, le visage d'un député du Puy-de-Dôme a été découpé en deux au couteau, tandis que la tête du maire de Clermont-Ferrand et celle d'un adjoint étaient écrabouillées dans une presse.

À celles et à ceux pour qui ces montages ne seraient « pas si dramatiques », nous devons répondre fermement que l'intelligence artificielle générative crée des contenus toujours plus extrêmes, augmentant le risque de passage à l'acte. Nous ne devons pas banaliser l'intolérable, même en ligne ; les plaintes doivent être suivies d'effets.

Dans 500 jours auront lieu les élections municipales. « Rengagez-vous, qu'ils disaient ! » La formule culte du légionnaire romain dans les albums d'Astérix et Obélix pourrait aujourd'hui être celle de nombreux maires qui se posent la question de la poursuite de leur engagement. À quel prix ? Au prix de leur tranquillité, de celle de leurs proches, voire - cela a été dit par un de mes collègues - au prix de leur santé physique et mentale.

Avec le retrait de l'État et des services publics de nos territoires, les administrés n'ont plus d'interlocuteurs. C'est donc aux maires qu'ils s'adressent : le « dernier à portée d'engueulades », comme ils disent.

Chaque décision gouvernementale qui affaiblit la capacité de faire des élus locaux est un coup de canif supplémentaire porté dans le contrat passé avec eux et la République. Affaiblis, plus vulnérables, les élus locaux se sentent plus démunis. Dépourvus de moyens, ils deviennent, aux yeux de leurs détracteurs, de mauvais gestionnaires, voire inutiles, et ils ne mériteraient plus que du mépris.

Avez-vous l'intention de continuer d'entretenir ainsi la gronde pour ensuite jouer les pompiers pyromanes, avec des plans à 5 millions d'euros - 5 millions ! - pour renforcer la sécurité des élus ? Nous nous demandons d'ailleurs si les crédits seront bien dans le projet de loi de finances. Le doute plane. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/11/2024

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je ne pense absolument pas que l'on réglera la question de la violence contre les élus à coups de millions d'euros. La violence, elle est partout ; elle se répand dans notre société. Et les premières victimes en sont évidemment les élus.

Il y a un énorme paradoxe : jamais la France n'a eu autant besoin des maires et des élus et jamais - M. le questeur Lefèvre le disait voilà quelques instants - ces derniers n'ont été autant découragés, découragés par des règles souvent bureaucratiques,...

M. Adel Ziane. Ce n'est pas la question !

M. Bruno Retailleau, ministre. ... comme Mathieu Darnaud l'a souligné voilà quelques instants, découragés aussi, vous l'avez dit à juste titre, par ces violences.

J'ai été tenu au courant par le préfet de votre département des violences qui ont été exercées sur les réseaux via l'intelligence artificielle générative. D'ailleurs, ce n'est pas l'intelligence artificielle en soi qui est coupable ; en l'occurrence, les coupables, ce sont ceux qui en font cet usage-là.

Je le rappelle - d'ailleurs, je pense que vous vous en souvenez parfaitement -, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, issu d'une proposition de loi sénatoriale, offre un certain nombre d'outils pour lutter contre la violence, y compris sur les réseaux sociaux. Ce dernier volet est peut-être moins connu, mais il faut que notre texte, votre texte, puisse être scrupuleusement suivi d'effets.

J'ai demandé aux préfets de se mobiliser, notamment en signalant systématiquement au procureur lorsqu'il y a lieu de le faire. Ainsi, le préfet de votre département a signalé, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, les faits que vous avez évoqués.

Il faut également surveiller les réseaux. Et l'intelligence artificielle générative nous place face à de nouveaux défis.

Je pense qu'internet ne doit pas être une zone de non-droit. Ce que nous exigeons dans la sphère physique réelle, nous devons être en droit de l'obtenir aussi dans la sphère virtuelle. Ce principe figurait d'ailleurs dans un certain nombre de textes européens, dont celui qui concernait l'intelligence artificielle.

Vous avez raison : un élu qui dépose une plainte doit être informé des suites apportées ou de l'absence de suite. Je pense que c'est fondamental.

M. Loïc Hervé. Bien sûr ! Mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Bruno Retailleau, ministre. En tout cas, croyez-moi, nous sommes entièrement et concrètement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. Comme le chantait Mick Jagger... (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.

Mme Marion Canalès. Nous espérons que les 5 millions d'euros promis dans le cadre du plan en faveur de la sécurité des élus annoncé par Mme Faure au moment de l'examen de la loi de mars 2024 seront maintenus dans le projet de loi de finances. À ce stade, le doute plane. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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