Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 21/11/2024
Question posée en séance publique le 20/11/2024
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, les maires de France, nombreux dans nos tribunes aujourd'hui, devront-ils demain augmenter le tarif de la cantine dans leurs écoles ou bien réduire le grammage des repas distribués aux enfants ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) C'est à de telles décisions qu'ils seront désormais confrontés. Il ne s'agit pas là d'une vue de l'esprit.
En privant les régions, les départements, les intercommunalités et les communes des moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions, les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron ont détricoté, maille après maille, le contrat constitutionnel entre l'État et nos collectivités.
Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, poursuit dans cet engrenage et aggrave la situation en prévoyant des mesures d'austérité budgétaire sans précédent. Avec de telles mesures, vous pourriez même faire passer les fameux contrats de Cahors pour acceptables. Nous allons passer de l'illusion du ruissellement à l'assèchement total !
Alors que vous évoquez des baisses de crédits de 10 milliards d'euros, puis de 7 milliards et de 5 milliards d'euros, les élus locaux ne sont pas dupes de vos astuces politiciennes. Ce n'est pas parce que ces coupes budgétaires seront moins élevées qu'annoncé que nous les accepterons.
Notre position ne changera pas : baisser les moyens des collectivités, c'est non ; s'attaquer au reste de leur autonomie financière, c'est encore non, pas par corporatisme, mais parce que nous sommes convaincus qu'affaiblir les communes est une faute politique. C'est se priver de leur rôle historique d'amortisseur de crise. C'est se priver de leurs investissements pour l'aménagement du territoire et le bien-être de nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, nous ne vous laisserons pas fracasser l'avenir des communes sur le mur de votre incurie budgétaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comptez-vous poursuivre cette politique de casse de la décentralisation, au risque de conduire à une crise non pas des « gilets jaunes », mais des « écharpes tricolores » ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 21/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 20/11/2024
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je vous le dis droit dans les yeux : je vous ai connu plus mesuré ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)
Je me souviens d'ailleurs d'un dialogue que j'ai eu ici même lorsque j'ai participé avec vous, à l'invitation du président Larcher, à la commémoration du quatre-vingtième anniversaire de l'installation de l'Assemblée consultative provisoire. J'ai alors eu l'espoir que, à l'image de cette assemblée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et dans l'esprit du Conseil national de la Résistance, on puisse trouver dans ce pays, tous ensemble, la capacité de dire des choses justes, respectueusement, en faisant preuve de nuance. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Monsieur Kanner, votre question, ainsi que la manière dont vous l'avez posée, n'est pas vraiment l'illustration de la nuance ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. François Patriat. C'est vrai !
M. Michel Barnier, Premier ministre. Ne protestez pas ! Pour ma part, je n'évoquerai pas les baisses de crédits des collectivités locales durant le quinquennat de François Hollande. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP. - Protestations sur les travées du groupe SER.) Mais on peut faire le compte, si vous le souhaitez.
Je n'évoquerai pas non plus le devoir d'humilité qui doit être le nôtre concernant le montant de la dette que j'ai trouvée à mon arrivée et que j'essaie de gérer.
M. Hussein Bourgi. La faute à qui ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. La faute à qui ?
On peut expliquer une partie de cette dette par la crise de la covid-19, que nous avons affrontée tous ensemble, le Gouvernement en tête, mais, mesdames, messieurs les sénateurs, franchement, vous savez bien que la dette remonte à au moins une vingtaine d'années ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
On peut évaluer le coût de cette dette accumulée : il s'élève aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, à près de 870 euros d'intérêts chaque année pour tous les Français, qu'ils soient âgés d'un mois ou de 80 ans. Cela ne peut pas durer !
Nous devrions assumer ensemble, monsieur Kanner, cette responsabilité. Réduire la dette de notre pays est aujourd'hui un devoir d'intelligence national. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)
Pensez-vous que cela me fasse plaisir, monsieur le président Kanner, de présenter le projet de budget que je défends en ce moment ? Pensez-vous que cela me fasse plaisir de proposer des réductions, ce freinage général ? Nous y sommes obligés, dans l'intérêt national ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Prenez les recettes là où elles sont !
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas un Premier ministre, mais un président de groupe !
M. Michel Barnier, Premier ministre. J'ai réellement du mal à comprendre la véhémence dont vous faites preuve sur ce sujet. Nous devrions tous être un peu plus solidaires. L'intérêt du pays est de réduire cette dette.
Je sais que le projet de budget que je présente n'est pas parfait, mais j'ai dû le fabriquer en quinze jours, avec les membres du Gouvernement. En quinze jours ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Jamais un Premier ministre n'a été conduit à présenter un projet de budget dans un délai aussi contraint.
J'ai dit, ici même, dès le premier jour, qu'il n'était pas parfait, qu'il était améliorable et amendable. Nous l'améliorons, y compris en faveur des collectivités territoriales - et à commencer par elles. La République, qui est fragile, a besoin - peut-être est-ce là un point d'accord entre nous - des communes, des départements et des régions.
Nous allons améliorer le projet de budget, avec le Sénat. Nous allons réduire le poids de l'effort que nous demandions aux collectivités, car il n'était pas juste, notamment, dans certains cas, pour les départements et pour les communes.
M. Akli Mellouli. Quelles recettes ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. Nous allons repartir d'un nouveau pied, monsieur Kanner. Au-delà de ce budget, que nous préparons dans l'extrême urgence, le dos au mur, j'ai envie de relever la ligne d'horizon. J'espère que nous le ferons ensemble, pour les communes et les autres collectivités locales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous nous renvoyez à François Hollande : zéro inflation, remise à plat des comptes de la Nation (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) et aucune atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales !
Monsieur le Premier ministre, votre politique vise à mettre à genoux les élus de la République à l'échelon local : nous serons là pour les maintenir debout ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, qui tendent à rendre inaudible l'orateur.)
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