Question de Mme DURANTON Nicole (Eure - RDPI) publiée le 14/11/2024
Question posée en séance publique le 13/11/2024
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nicole Duranton. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Le 14 mai dernier, à Incarville, dans le département dont je suis élue, l'Eure, l'attaque d'un fourgon pénitentiaire a fait deux morts et trois blessés. Elle a suscité une très vive émotion parmi les agents pénitentiaires et toute la population française.
Six mois après, les agents pénitentiaires restent inquiets. Je salue leur courage, car ils oeuvrent chaque jour pour la population carcérale.
Je me suis rendue récemment à la maison d'arrêt d'Évreux, où était incarcéré Mohamed Amra. Elle affiche à ce jour un taux de surpopulation carcérale de 189 %, avec quatre détenus par cellule de 10 mètres carrés.
J'y ai constaté les conditions de travail difficiles des agents, qui exercent dans des locaux étroits et vétustes, malgré un plan de travaux pluriannuel.
Cette maison d'arrêt a 112 ans ; je vous invite à la visiter, monsieur le garde des sceaux.
La semaine dernière, je me suis rendue au centre de détention de Val-de-Reuil, dit Les Vignettes, qui est le plus grand d'Europe. Là encore, j'ai eu l'occasion d'échanger avec la directrice, les représentants syndicaux de Force ouvrière (FO) et les détenus.
Les agents d'Évreux et de Val-de-Reuil s'inquiètent de la dégradation de leurs conditions de travail ; surtout, ils craignent pour leur sécurité. Aujourd'hui, je porte leur voix.
Leur constat est implacable : ils se considèrent comme les grands oubliés de l'administration. Il est urgent de replacer les personnels au centre de la prise en charge. La qualité de vie au travail des agents ne pourra s'améliorer que lorsque les conditions de détention auront évolué.
Après le drame d'Incarville, un protocole d'accord pour renforcer la sécurité des agents a été signé par votre prédécesseur avec l'intersyndicale de l'administration pénitentiaire. Toutefois, les agents s'interrogent sur son application effective. Qu'en est-il, monsieur le garde des sceaux ?
Il aura fallu le drame d'Incarville pour réfléchir à des mesures de sécurité réclamées depuis de nombreuses années par les agents.
Vous avez récemment annoncé que l'objectif de construction de 15 000 places nettes de prison d'ici à 2027 ne sera pas atteint : c'est une mauvaise nouvelle.
Comment allez-vous remettre sur les rails ce plan de construction, pour enfin améliorer le quotidien des détenus et assurer la sécurité des agents pénitentiaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
- page 4882
Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 13/11/2024
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Nicole Duranton, vous m'interrogez, à la suite de vos visites à la maison d'arrêt d'Évreux et au centre de détention de Val-de-Reuil, sur l'état des prisons et les conditions de travail et de sécurité des agents de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP).
Vous évoquez en particulier les suites données au protocole dit d'Incarville, après le drame que nous avons vécu : l'attaque d'un fourgon qui, vous l'avez rappelé, a entraîné la mort de deux personnes et fait trois blessés.
Je tiens, comme vous, à saluer l'engagement sans faille des personnels de l'administration pénitentiaire. Ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et méritent tout notre soutien et notre solidarité - je ne les oublie pas.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une enveloppe complémentaire par rapport à la lettre plafond (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), demande qui a obtenu un arbitrage favorable de M. le Premier ministre. Cela me permettra de respecter les engagements qui ont été pris vis-à-vis de ces personnels.
Les 33 mesures contenues dans ce protocole sont en cours de mise en oeuvre et les crédits afférents sont bien sanctuarisés dans le projet de loi de finances pour 2025. Toutefois, les échanges se poursuivent entre les organisations syndicales, l'administration pénitentiaire et la Chancellerie.
À l'heure actuelle, les premiers véhicules de nouvelle génération ont commencé à être livrés. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en remettre quatre aux agents de Marseille, vendredi dernier.
D'ici à la fin de l'année 2024, nous disposerons de 60 sites équipés en systèmes anti-drones ; il y en aura 90 en 2025. S'ajoute à cela le déploiement d'une centaine de dispositifs mobiles de brouillage de téléphones.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le garde des sceaux.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. En 2025, ce sont plus de 97 millions d'euros qui seront consacrés au renforcement de la sécurité des personnels et des établissements.
M. le président. Il faut conclure !
M. Didier Migaud, garde des sceaux. Un dernier mot sur le plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires. J'aurai l'occasion d'y revenir après les arbitrages du Premier ministre sur ce projet qui, nous le constatons, souffre d'un certain retard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
- page 4882
Page mise à jour le