Question de M. MILON Alain (Vaucluse - Les Républicains) publiée le 07/11/2024
Question posée en séance publique le 06/11/2024
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Le 30 octobre 2024, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 adoptée au moyen du 49.3 sans que soient repris les amendements votés par le Sénat, a été publié un décret relatif au document destiné à renforcer la pertinence des prescriptions médicales, sans tenir compte de l'avis des professionnels de santé, pourtant les premiers concernés.
Ce texte sous-entend que la majorité des prescriptions de médicaments ne serait pas pertinente, ce qui, vous en conviendrez, madame la ministre, est offensant pour nos confrères et affaiblit leur image.
Il vise à ce que « la prise en charge d'un produit de santé puisse être conditionnée au renseignement par le prescripteur d'éléments relatifs aux circonstances et aux indications de prescription », et précise « que ces renseignements sont portés sur l'ordonnance ou sur un document dédié [...] présenté au pharmacien ou éventuellement à un autre professionnel de santé exécutant la prescription ». Question : si ce document n'existe pas, la prescription sera-t-elle honorée ?
Ce document sera également transmis à la caisse d'assurance maladie. Madame la ministre, quid du secret médical ?
Par ailleurs, alors que l'on parle de déserts médicaux et de la nécessité de redonner du temps médical aux médecins, vous ajoutez une obligation administrative supplémentaire qui ne me semble pas aller dans le sens de la simplification.
Madame la ministre, ma question est simple : êtes-vous prête à abroger ce décret qui ne fait qu'entraver un temps médical déjà contraint par beaucoup de bureaucratie ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Sonia de La Provôté et Raymonde Poncet Monge, ainsi que M. Bernard Fialaire, applaudissent également.)
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Réponse du Ministère de la santé et de l'accès aux soins publiée le 07/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 06/11/2024
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Milon, votre question, importante, me donnera l'occasion d'éclairer le Sénat sur ce sujet.
Premièrement, ce décret a été rédigé en concertation avec les syndicats médicaux et avec les associations de patients.
M. Bernard Jomier. Ils n'en veulent pas !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Deuxièmement, ce décret fait partie des engagements conventionnels signés avec les médecins en juin 2024.
Son objet est simplement de lutter contre le mésusage de certains produits de santé, et il ne concerne que les médicaments dont l'usage est détourné.
Un exemple : l'usage de certains traitements antidiabétiques, comme les analogues du GLP-1 dont l'Ozempic, est parfois détourné pour faire perdre du poids à des personnes qui ne sont pas diabétiques.
Ce phénomène se répand, en particulier à cause de la promotion sur les réseaux sociaux de ce type d'usages.
Il me semble que l'assurance maladie n'a pas à prendre en charge des produits utilisés en dehors du cadre des indications thérapeutiques.
Je comprends les réserves face à la suradministration et le besoin de préserver du temps médical. Je me rendrai compte par moi-même du déroulement de cette tâche ; on m'a expliqué qu'elle consistait en deux clics, et que l'assurance maladie répondait directement.
Je le rappelle, cette démarche ne s'applique que pour certains types de médicaments dont l'usage est détourné. Le dispositif est simplifié.
Bien entendu, la liberté de prescription n'est aucunement remise en cause, non plus que le secret du dossier médical du patient, qui demeure intact. Rien n'est révélé sur l'état de santé des patients à la caisse d'assurance maladie, étant entendu que le pharmacien est, lui, soumis au secret professionnel. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Il me semble qu'il faudrait tout de même se mettre à la place des médecins, dans leurs cabinets. Ils devront prescrire des médicaments, en particulier pour des diabétiques, mais ce n'est pas à eux de vérifier si leurs patients utilisent ces médicaments à d'autres fins. C'est aussi le rôle de la sécurité sociale que de vérifier l'usage qui est fait du médicament prescrit, et les médecins n'ont pas à justifier en permanence leurs prescriptions.
Sinon, le risque est d'aller très loin, notamment pour certaines maladies au sujet desquelles le secret médical est particulièrement important, comme le VIH.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, je présenterai un amendement visant à abroger ce décret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Sonia de La Provôté et Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)
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