Question de Mme OLLIVIER Mathilde (Français établis hors de France - GEST) publiée le 31/10/2024
Mme Mathilde Ollivier souhaite rappeler l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés d'accès aux comptes bancaires français depuis l'étranger et les clôtures unilatérales de comptes bancaires de Français établis hors de France par les établissements bancaires.
De nombreux compatriotes rencontrent d'importantes difficultés pour réaliser leurs opérations bancaires depuis leur pays de résidence, notamment depuis l'entrée en vigueur des normes techniques de réglementation issues de la directive européenne sur les services de paiement (DSP2), qui impose à tous les établissements bancaires de proposer à leurs clients une authentification forte à deux critères (« strong customer authentification » ou SCA) pour consulter leurs comptes en ligne et réaliser des opérations engageantes sur leur banque digitale (espace client internet et application mobile). Ces mesures de sécurité, bien que légitimes, créent de nombreux dysfonctionnements pour les clients équipés ou non d'un terminal éligible à l'étranger ou disposant d'un numéro étranger afin de recevoir un code de sécurité par sms. En outre, en cas de difficultés persistantes et au-delà d'un certain délai sans authentification, en raison notamment de contraintes supplémentaires d'accès aux services clients depuis l'étranger, certains établissements bancaires procèdent à la résiliation unilatérale de la convention de compte de dépôt sur le fondement du code monétaire et financier, sans autre forme d'assistance. Cette situation affecte particulièrement nos compatriotes établis hors de France, qui possèdent ces comptes depuis de nombreuses années, pour financer les études de leurs enfants, s'acquitter de leurs impôts ou percevoir leur retraite, et ne peuvent plus virer leurs cotisations vers un compte étranger ou procéder librement à l'administration de leurs comptes. Ils se voient ainsi refuser ou limiter leur droit d'accès et de maintien au compte depuis leur pays de résidence alors qu'ils participent au rayonnement économique, culturel et politique de la France à l'étranger. Le ministère de l'économie et des finances, la Banque de France et les médiateurs des établissement concernés, sollicités à plusieurs reprises ces dernières années, ont fait face au refus d'obtempérer de certains établissements bancaires, interpellés afin de mettre en place des solutions de SCA alternatives et des procédures de secours en cas de blocage à distance. Ces actions n'ont pas permis d'adresser les faiblesses de la DSP2 ni de résoudre les dysfonctionnements pour les Français de l'étranger, alors qu'une troisième version de la directive européenne (DSP3) doit voir le jour dans les mois à venir et établira des règles encore plus strictes sur l'accès aux systèmes de paiement et aux informations de compte. La détention et le maintien d'un compte en France sont un droit légitime et acquis, y compris pour les ressortissants établis hors de France.
Elle demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour renforcer l'accessibilité aux comptes bancaires français depuis l'étranger, particulièrement pour les clients vulnérables et les ressortissants non familiers avec les technologies numériques. Elle lui demande également de bien vouloir lui faire connaître les solutions qui pourraient être retenues par la France dans le cadre de la révision de la directive européenne DSP3 pour garantir à nos compatriotes expatriés l'accès et le maintien d'un compte dans un établissement bancaire français.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 05/12/2024
Le ministre de l économie, des finances de l industrie est conscient des difficultés que peuvent rencontrer les Français expatriés dans certaines zones géographiques concernant la gestion d un compte bancaire en France. Dans ce contexte, il convient de rappeler que l accès des citoyens à un compte bancaire est essentiel pour s insérer dans la vie économique du pays et constitue une préoccupation majeure de la politique d inclusion financière menée par le Gouvernement. Le cadre juridique français prévoit un dispositif permettant aux personnes rencontrant des difficultés pour ouvrir un compte de dépôt en France de mobiliser la procédure de droit au compte. En effet, toute personne physique ou morale domiciliée en France et tout Français de l étranger dépourvu d un compte de dépôt a le droit de bénéficier de la procédure du droit au compte prévue à l article L. 312-1 du code monétaire et financier, ce qui lui permet de s adresser à la Banque de France afin qu elle désigne un établissement de crédit tenu d ouvrir un tel compte. L ouverture d un compte au titre de la procédure du droit au compte est assortie de la fourniture de services bancaires de base (article D. 312-5 du code monétaire et financier). En cas de pratiques non-conformes à la réglementation bancaire, plusieurs voies de droit sont mobilisables par les particuliers, qui peuvent saisir dans un premier temps le service relations clientèle de la banque pour faire part du litige qui les oppose à leur établissement. Dans un second temps, si le litige s avérait persistant, les particuliers ont la possibilité de se rapprocher du médiateur auprès de l établissement bancaire. Les coordonnées de ces services figurent sur les sites internet des banques. De plus, si en vertu du principe de liberté contractuelle une banque peut clôturer un compte bancaire, cette liberté ne peut méconnaitre les limites posées par la loi en matière de discrimination, et notamment les articles L. 225-1 et L. 225-2 du code pénal. L article L. 225-2 du code pénal précise que le fait de refuser la fourniture d un bien ou d un service en raison notamment de la nationalité ou de la localisation géographique constitue une discrimination. Ainsi, en cas de soupçon de discrimination, plusieurs possibilités sont offertes aux personnes qui s estiment victimes de telles pratiques, qui peuvent saisir le Défenseur des droits de la République française (https://www.defenseurdesdroits.fr) et si nécessaire effectuer un signalement. La jurisprudence a développé une acception large des faits relevant des pratiques discriminatoires. Cette interprétation, alliée aux aménagements de la charge de la preuve tels qu ils résultent de la loi, sont protecteurs pour les victimes, qui demeurent libres d ester en justice contre leur établissement bancaire si elles estiment que la clôture du compte est constitutive d une pratique discriminatoire. L attention des établissements bancaires est ainsi régulièrement attirée sur l importance du respect de la réglementation en matière de pratiques discriminatoires et des sanctions qui y sont associées en cas de non-respect. Par ailleurs, le futur règlement sur les services de paiement, qui remplacera l actuelle directive sur les services de paiement (DSP2), comprendra une série de mesures visant à combattre plus efficacement la fraude aux paiements, en permettant notamment aux prestataires de services de paiement de partager entre eux des informations relatives à la fraude, en sensibilisant davantage les consommateurs aux risques de fraudes, en renforçant l authentification forte des clients et en étendant les droits au remboursement des consommateurs victimes de fraude. De plus, le règlement (UE) 2024/886 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2024 relatif aux virements instantanés en euros rendra obligatoire, pour tous les virements, un système de vérification de la correspondance entre le numéro IBAN du bénéficiaire et le nom du compte à compter du 8 octobre 2025. Enfin, s agissant du sujet de l authentification forte notamment des difficultés à activer l authentification forte sans numéro de téléphone français, les solutions d authentification forte principalement utilisées par les banques pour sécuriser les paiements en ligne, à savoir l authentification par application bancaire sécurisée et les SMS, ne sont pas incompatibles avec une résidence à l étranger. En particulier, l authentification par application bancaire ne nécessite pas le recours à un numéro de téléphone mais repose sur des communications par internet, ce qui implique que l utilisateur dispose d un forfait de données. La seule friction, pour un non-résident, porte sur l enrôlement du téléphone de l utilisateur, c est-à-dire lorsque la banque va enregistrer le mobile comme terminal de confiance pour l authentification forte. Selon les établissements, cette étape peut nécessiter l envoi d un courrier postal contenant un QR code d initialisation (auquel cas il faut s assurer que la banque puisse gérer les envois postaux à des adresses étrangères), et/ou s appuyer sur l envoi de codes à usage unique par mail ou SMS - auquel cas il convient de s assurer auprès de la banque de sa capacité à adresser un SMS sur une ligne téléphonique étrangère, ou à défaut de demander un autre mode d enrôlement du mobile. Le sujet de la disponibilité de solutions d authentification forte pour nos concitoyens établis à l étranger est un sujet suivi avec attention par la direction générale du Trésor et la Banque de France.
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