Question de M. PIEDNOIR Stéphane (Maine-et-Loire - Les Républicains) publiée le 24/10/2024

M. Stéphane Piednoir appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques au sujet de la problématique de rénovation énergétique des bâtiments universitaires classés.
Alors qu'un tiers du patrimoine universitaire est en situation de passoire thermique, les universités qui souhaitent entreprendre des travaux de rénovation sont parfois confrontées aux fortes contraintes liées au caractère historique de leurs bâtiments ou d'une partie de leurs bâtiments.
En effet, près de 5 % du patrimoine universitaire est dit « classé ». Cela concerne plus particulièrement les universités des grandes métropoles comme Paris, Lyon, Bordeaux, etc.
Pour ces universités ayant des bâtiments classés ou même des bâtiments situés dans le périmètre proche d'un bâtiment classé, tout projet de travaux de rénovation doit faire l'objet d'une demande auprès des Architectes des bâtiments de France.
Cela crée parfois des blocages et la nécessaire préservation de notre patrimoine peut entrer en conflit avec l'impératif de rénovation énergétique des bâtiments, par exemple lorsqu'il s'agit de réaliser des travaux d'isolation extérieure. Par ailleurs, dans les cas où la rénovation est possible, elle se fait souvent au cas par cas et avec des savoir-faire particuliers. Des surcoûts sont donc très souvent à envisager.
Aussi, il souhaite interroger le Gouvernement sur les solutions qui pourraient être apportées aux établissements pour concilier les deux objectifs de conservation patrimoniale et d'écologie, et permettre une progression plus rapide de la rénovation du parc immobilier universitaire.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche


Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 20/02/2025

Le Gouvernement s'associe au diagnostic posé quant aux enjeux juridiques, techniques et financiers liés à la conciliation entre la préservation du patrimoine architectural classé et sa nécessaire rénovation énergétique mais également le respect des normes en matière de sécurité. Ces enjeux se rencontrent quel que soit le classement du bâtiment (ACMH, ABF, PSMV, DRAC). Pour y répondre, le Gouvernement a introduit des modulations aux obligations prévues par le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « décret tertiaire », pour concilier conservation patrimoniale et transition énergétique. Ainsi, les objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale dans les parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire peuvent être modulés du fait de contraintes techniques, patrimoniales ou architecturales. Quant à la situation particulière des universités, il conviendrait d'activer pleinement ces leviers. Sur l'aspect patrimonial, il pourrait être envisagé de simplifier la validation des travaux énergétiques en adaptant les démarches administratives, notamment grâce à des dossiers techniques prenant en compte les spécificités patrimoniales des universités. Sur l'aspect économique, il conviendrait de permettre aux universités de justifier les surcoûts liés à la rénovation énergétique des bâtiments classés à l'aide d'un dossier technique démontrant une disproportion économique. Cette justification inclurait une évaluation du retour sur investissement des travaux, en tenant compte des aides financières disponibles et des contraintes patrimoniales. Des soutiens spécifiques (en rendant par exemple éligibles les « opérateurs État ESR » aux subventions patrimoniales) pourraient ensuite être mobilisés pour compenser ces surcoûts. Sur ce point, et à titre d'illustration, le ministère chargé de l'enseignement supérieur a constaté, sur une série d'opérations, que le respect des prescriptions « monuments historiques » entraîne un surcoût de 18 à 20 %. Cette dépense supplémentaire est justifiée par l'intervention des architectes en chef des monuments historiques (ACMH), le savoir-faire maîtrisé (compagnons) des entreprises répertoriées, le choix des matériaux répondant à des critères de qualité et de longévité dans le temps ainsi que l'allongement des délais. Un travail de valorisation et de partage des bonnes pratiques pourrait, enfin, être conduit en identifiant les rénovations exemplaires réussies (éventuellement parmi les projets lauréats du plan de relance) sur des bâtiments universitaires classés. Ces cas pourraient servir de base pour créer un guide pratique, afin d'accompagner les établissements confrontés à des contraintes similaires et d'accélérer la mise en oeuvre des travaux. Des premières opérations, listées ci-dessous, sont d'ores et déjà identifiées. Le Gouvernement travaille également à la professionnalisation des acteurs, afin de permettre une meilleure conception et un meilleur pilotage de ces projets aux spécifications très particulières. La direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) du ministère chargé de la culture met ainsi en oeuvre, en lien avec le ministère chargé de la transition écologique, depuis le milieu de l'année 2023, une feuille de route axée sur la professionnalisation. Tout d'abord, la formation, notamment destinée aux architectes des bâtiments de France, évolue pour mieux intégrer les enjeux de transition environnementale : actualités juridiques, intégration des diagnostics de performance énergétique dans les avis rendus, réhabilitation énergétique du bâti ancien (à partir de 2025). Des outils d'aide à la décision sont également mis à leur disposition [1]. Par ailleurs, la sélection des auditeurs et diagnostiqueurs est améliorée grâce à l'élaboration d'un référentiel de questions (de la banque nationale d'examen) prenant en compte le bâti ancien et leur formation initiale passe de 3 à 8 jours obligatoires, dont un consacré au bâti ancien. Pour l'année 2025, il est prévu de poursuivre l'effort de formation sur le bâti ancien ainsi que la diffusion de 2 guides de bonnes pratiques [2]. Le comité énergie ministériel du ministère chargé de la culture (piloté par le SG/BPI) a, par ailleurs, planifié dans sa feuille de route 2025 l'élaboration d'une doctrine sur la rénovation énergétique des monuments historiques. Le Gouvernement tient toutefois à relativiser l'enjeu de la rénovation énergétique des bâtiments classés dans le parc immobilier universitaire : il ne concerne ainsi que 5 % du bâti. Compte-tenu des besoins de rénovation sur le reste du parc et la faiblesse des moyens budgétaires actuellement disponibles, l'accent est donc mis sur des rénovations à gain rapide et fort impact. Exemples de rénovation énergétique de bâtiments d'enseignement classés aux monuments historiques : - Citadelle d'Amiens : le projet de la reconversion de la Citadelle d'Amiens en pôle universitaire de 30 000 m2 pour l'Université Picardie Jules-Verne a nécessité, en cours d'opération et à la demande de l'architecte des bâtiments de France (ABF), une évolution de plus d'1 Meuros sur le budget prévisionnel de 110 Meuros, afin de prendre en compte les travaux de restauration de la Porte François Ier (XVIe siècle). Le Logis du Gouverneur (XVIIe siècle), compte tenu de ses dimensions et de la profondeur de ses pièces a pu être transformé en espace d'accueil et logements de fonction. Chacune des prescriptions de l'architecte en chef des monuments historiques (ACMH) concernant le choix des types de menuiseries (fenêtre en chêne à petit carreaux), le choix des matériaux (ardoises en toiture, sols, etc.), des coloris de peinture et des huisseries de portes a été rigoureusement suivie ; - Centre de diffusion Culture scientifique et développement durable : dans le cadre de l'optimisation et de la rationalisation des espaces, l'Université Côte-d'Azur veut reloger les services administratifs et centraux, diversement répartis sur différents sites, au sein d'un seul et même bâtiment situé sur le campus principal « Valrose », construit fin des années 1980. La proximité du parc « Valrose », classé au titre des monuments historiques, a impacté le budget et le calendrier du projet, contraignant l'université à apporter des financements complémentaires non prévus initialement. [1] « Guide interministériel d'insertion architecturale et paysagère des panneaux photovoltaïques dans les espaces protégés » (novembre 2023). [2] « Guide diagnostic de performance énergétique et audit énergétique dans les logements », guide aux diagnostiqueurs et auditeurs pour améliorer leurs recommandations/propositions de travaux, va être publié en fin d'année 2025 par le Cerema. Il constituera le support de la formation initiale des auditeurs et diagnostiqueurs. « Réhabilitation énergétique du bâti anciens », guide porté par le Cerema, inspiré du guide « adapter le bâti ancien aux enjeux climatiques » de la Région BFC, publication envisagée en mars 2025. Ce guide sera adossé au portail du CREBA qui proposera, au sein des régions, des cas pratiques de travaux avec les coûts constatés.

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