Question de Mme BROSSEL Colombe (Paris - SER) publiée le 17/10/2024
Mme Colombe Brossel attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur les conditions du métier de guide-conférencier et la précarité des professionnels qualifiés, titulaires d'une carte professionnelle de guide interprète et conférencier. Avec un sénateur de la Meurthe-et-Moselle, elle a été alertée par ces professionnels quant à « l'ubérisation » de leur profession. Alors que les professionnels sont garants de notre culture et de notre patrimoine, ils subissent la dégradation des conditions d'exercice de leur métier, qui s'intensifie année après année. Celle-ci repose sur plusieurs phénomènes : le développement des « free tours » par des agences aux pratiques douteuses : salariat déguisé, imposition du régime d'auto-entrepreneur, commissions déterminées à l'avance pour les guides, alors même que les visites sont rémunérées « au chapeau » ; la sous-traitance des visites et guidages des musées par des agences extérieures ; le statut d'auto-entrepreneur devenant de plus en plus fréquent, prenant le pas sur celui de salarié pour les guides interprètes et conférenciers, et étant le vecteur d'une précarité certaine.
Nous assistons en effet à une massification des « free walking tours » dans les grandes métropoles, dont le principe est celui d'une rémunération des guides reposant seulement sur les pourboires que peuvent octroyer les visiteurs. Ces types de visites entretiennent la précarité de ces personnes, qui n'ont aucune certitude quant au montant des recettes.
Les agences qui proposent de tels services mènent une politique agressive envers leurs employés. Les guides doivent leur reverser un pourcentage de leur recette, souvent déterminé à l'avance, entre 5 et 10 euros par visiteur présent. L'argument principal avancé pour cette pratique frauduleuse est bien trop souvent celui d'un nivellement de leurs paies sur le moyen-terme, à la suite de plusieurs visites guidées effectuées. S'agissant de la sous-traitance, ce qui est intervenu au musée national de l'histoire de l'immigration à sa réouverture l'an passé est un exemple symptomatique de la situation. L'établissement a en effet choisi une agence privée pour assurer ses visites. Pour les guides et conférenciers ayant travaillé pour le musée depuis de longues années parfois, cette nouvelle a eu l'effet d'un coup de massue. D'autant que la direction, avec alors à sa tête l'ancien ministre de l'éducation nationale, a osé les inviter à passer un entretien pour ladite agence pour demeurer au musée et changer de statut de salarié pour celui de micro-entrepreneur.
Au-delà du statut en lui-même, ce sont bien sûr leurs revenus qui sont durement touchés, pouvant aller jusqu'à une baisse de 50 %, avec des prix pratiqués qui sont en dessous du prix du marché.
La situation des visites organisées dans l'espace public doit par ailleurs être mieux examinée et certainement faire l'objet de réglementations locales.Elle interroge la ministre afin de connaître les actions qu'elle entend entreprendre pour préserver les guides et conférenciers titulaires de la carte professionnelle, et pour lutter contre « l'ubérisation » de leur profession.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 05/12/2024
Les guides conférenciers agréés sont une composante essentielle des dispositifs de médiation à destination des publics du patrimoine. Cette profession est régie par l'article L. 221-1 du code du tourisme. En l'état actuel, la réglementation prévoit une simple réserve d'activité comme contrepartie de l'agrément et non un monopole. Il est donc obligatoire d'employer un guide-conférencier agréé dans les situations correspondant aux critères suivants : critère de localisation : la visite a lieu dans un musée de France ou un monument national ; critère financier : l'activité a un but lucratif. Ce critère est vérifié par la nature de l'employeur qui doit être un professionnel du tourisme et s'applique indépendamment du lieu visité. En dehors de ces deux cas de figure, l'exercice d'une activité de guidage est libre et l'agrément n'a pas à être exigé. Ainsi, une visite de ville organisée par un office de tourisme doit faire appel à un guide agréé. A contrario, une association à but non lucratif ne peut pas exiger de ses membres qu'ils détiennent l'agrément pour effectuer une visite. La direction générale des entreprises du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a la charge du suivi de cette profession. Elle représente environ 10 000 personnes sur l'ensemble du territoire, avec des situations professionnelles extrêmement variées. L'absence de registre unique recensant les guides agréés par département et spécialité rend difficile un suivi plein et entier de cette profession. Selon les caractéristiques touristiques de la zone considérée (attractivité forte ou faible, permanente ou saisonnière, espace urbain ou rural, typologie des publics rencontrés) la situation de concurrence ou « d'ubérisation » est à nuancer. Le ministère de la culture s'attache à objectiver les sentiments légitimes perçus par certains guides conférenciers en menant plusieurs actions de front : l'animation, depuis 2022, d'un comité filière des métiers du guidage qui réunit l'ensemble des parties prenantes : associations représentatives des guides, représentants des employeurs, opérateurs de compétence et centres de formation ; le lancement de la première étude nationale sur cette profession, conduite par une équipe de six universitaires sous l'égide du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture. Le comité filière a permis de faire émerger des problématiques communes et d'y apporter une réponse. Le cas des « greeters » et « free tours » a fait par exemple l'objet de débats. Il en ressort qu'il peut s'agir d'une offre complémentaire qui doit être présentée comme telle par les offices du tourisme. La fédération des offices de tourisme ADN Tourisme a pu effectuer un rappel en ce sens à ses adhérents, à la suite de quoi certaines pratiques ont cessé. De même, pour donner suite aux informations parvenues au ministère de la culture lors de la réouverture du musée de l'histoire de l'immigration, le service des musées de France a agi auprès du réseau pour rappeler la législation applicable. Les résultats de l'étude monographique sur la profession sont attendus au dernier trimestre 2024 et permettront de savoir s'il est nécessaire d'envisager la mise en oeuvre de mesures nouvelles.
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