Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 31/10/2024

M. Guillaume Gontard interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie sur la stratégie industrielle du Gouvernement. Ces dernières années, de nombreuses entreprises industrielles stratégiques sont menacées de disparition à cause de la concurrence mondiale débridée et du dumping notamment chinois. Encore plus grave, de nombreuses entreprises produisant des consommations intermédiaires pour d'autres entreprises voisines sont aujourd'hui menacées. Depuis plusieurs années, l'écosystème industriel des Alpes du nord connait de graves difficultés. Actuellement l'usine Vencorex de Pont-de-Claix (Isère), fragilisée par une forte concurrence étrangère, notamment chinoise, est placé en redressement judiciaire, ce qui fait courir un risque majeur pour la survie de la filière de la chimie en Isère dont les entreprises sont profondément interdépendantes. Ainsi, Vencorex et Arkema utilisent du sel acheminé par saumoduc depuis Hauterives (Drôme) pour produire, les unes grâce aux autres, du chlore, de l'eau oxygénée, des tolonates (composant de peintures et vernis) et du perchlorate (élément indispensable au carburant de la fusée Ariane). Arkema fournit en chlore Framatome qui produit des éponges de zirconium utilisées pour le gainage des réacteurs nucléaires, etc La fermeture de Vencorex entraînerait des répercussions en chaine absolument dramatiques. Dans un passé plus ou moins récent et dans le futur si rien ne change, c'est aussi Niche Fused Alumina (alumine fondue de haute qualité et corindon blanc) ou encore Ferroglobe (silicium) qui est ont été et seront menacés. D'autres entreprises essentielles à la transition énergétique GE Hydro, producteur de turbines de barrages, Photowatt, producteur de panneaux photovoltaïque sont abandonnées alors qu'elles sont indispensables tant à notre souveraineté qu'à notre balance commerciale. Ce sont des cas d'école du dumping social à l'oeuvre en France et en Europe, où l'ultra-libéralisation des marchés menace la souveraineté industrielle de notre pays et de nombreux emplois. Pendant quatre décennies, nous avons laissé la mondialisation détruire notre outil industriel, mais depuis la pandémie de Covid 19, qui a mis en lumière notre immense fragilité engendrée par notre dépendance, à la Chine notamment, le Gouvernement et toute la classe politique n'ont plus que le mot de « souveraineté » à la bouche. Pourtant les actes ne semblent pas suivre les mots. En effet, ces exemples démontrent une nouvelle fois la nécessité d'une politique vigoureuse de défense de nos intérêts stratégiques et de lutte contre le dumping étranger qui menace de nombreuses industries françaises et européennes. Le protectionnisme européen (droit de douanes, quotas d'importations, critères sociaux et environnementaux) doit devenir une réalité. Aussi il interroge le Gouvernement, qui affiche son volontarisme, sur les solutions que ce dernier compte déployer à l'échelle nationale comme européenne pour protéger nos entreprises stratégiques de la concurrence internationale et oeuvrer réellement au renforcement de notre souveraineté industrielle.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de la consommation publiée le 06/11/2024

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, dans le Sud Grenoblois, tout un écosystème industriel pourrait disparaître si l'usine Vencorex n'était pas reprise. Fragilisée par la concurrence chinoise et placée en redressement judiciaire, cette entreprise est au coeur de la chimie locale.

Avec sa voisine Arkema, dont l'État est actionnaire, elle produit du chlore, de l'eau oxygénée, des tolonates - des composants pour peintures et vernis - et du perchlorate, un élément du carburant de la fusée Ariane. Avec le chlore, Framatome produit notamment des éponges de zirconium pour le gainage des réacteurs nucléaires. La fermeture de Vencorex aurait donc des conséquences en cascade catastrophiques.

Toujours en Isère, le fabricant de panneaux solaires Photowatt, essentiel pour la transition énergétique, est en train de mourir du dumping étranger, notamment chinois, comme GE Hydro voilà quelques années. En Savoie, une usine Ferroglobe produisant du silicium a fermé en 2022 et le site de Niche Fused Alumina (NFA), qui produit de l'alumine et du corindon blanc, indispensables à des usages de pointe, a failli être liquidé.

À chaque fois, les plans sociaux s'enchaînent et un riche savoir-faire s'éteint. Depuis la pandémie, qui nous a rappelé combien la dépendance à l'égard de pays étrangers posait problème, le Gouvernement ne cesse de parler de souveraineté industrielle, mais les actes ne suivent pas. Face à la mondialisation débridée, l'État reste trop souvent attentiste.

Salariés et élus locaux ne cessent pourtant de vous interpeller, ainsi que le Premier ministre, sur les conséquences de ces fermetures pour l'emploi, pour la balance commerciale et pour notre souveraineté.

Quels moyens l'État se donne-t-il pour faire pression sur les grands groupes, dont il est parfois actionnaire ? Seriez-vous prêts, notamment, à nationaliser temporairement Vencorex, comme cela a été fait avec succès pour les Chantiers de l'Atlantique ? Plus largement et à moyen terme, comment comptez-vous agir à l'échelon européen pour mettre fin à cette hémorragie ? Cela passe, selon nous, par un véritable protectionnisme, avec des droits de douane, des quotas et des critères sociaux et environnementaux.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation. Monsieur le président Gontard, vous interrogez le Gouvernement sur l'accompagnement des entreprises industrielles fragiles et, de manière plus générale, sur notre action en matière de défense de nos industries stratégiques.

Concernant tout d'abord l'accompagnement des entreprises fragiles, avec mes collègues Antoine Armand et Marc Ferracci, nous sommes aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour, dans chacune des situations, mettre toutes les parties prenantes autour de la table et encourager les efforts de chacun pour être en mesure de sauver une usine, du savoir-faire, un site, des emplois.

Dans le cas de NFA, que vous avez évoqué plus précisément, notre travail collectif a porté ses fruits, puisque 119 emplois ont été sauvés à La Bathie, en Savoie, alors que l'entreprise était en redressement judiciaire.

Vous avez cité également l'usine Vencorex au Pont-de-Claix, en Isère. Cette entreprise du secteur de la chimie est actuellement en redressement judiciaire. Marc Ferracci et ses équipes sont en lien permanent avec les organisations syndicales, la direction et les élus. Le ministre porte une attention particulière au devenir des salariés et, plus largement, à la pérennité de la plateforme du Pont-de-Claix, aussi bien pour des enjeux environnementaux que de sécurité.

Au-delà de ces cas particuliers, notre action vise à défendre des mesures structurelles pour nos industries stratégiques. Nous sommes bien conscients, monsieur le président Gontard, des fragilités de certaines filières, mais nous continuerons à nous battre pour les protéger. Vous avez d'ailleurs évoqué l'échelon européen, qui est primordial à cet égard. Je pense au Clean Industrial Deal, qui doit nous permettre de mieux protéger notre filière de l'acier.

Enfin, nous agissons également pour le secteur de l'automobile, avec l'instauration de droits de douane allant de 30 % à 50 % sur les véhicules électriques importés de Chine.

Le Gouvernement, vous l'avez compris, sera à vos côtés et ceux des élus pour défendre l'industrie et notre souveraineté industrielle.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éléments de réponse.

Sur Vencorex, j'y insiste, il y a urgence à intervenir. Plus de 500 emplois, voire bien plus, sont en jeu. Deux sites chimiques sur dix-huit sont concernés : avec la fermeture du site du Pont-de-Claix, puis de celui de Jarrie, c'est l'ensemble de la chimie française qui risque de s'effondrer.

Vous dites que M. le ministre Marc Ferracci suit cela de près. Nous avons effectivement eu quelques réunions, mais nous aimerions aussi qu'il puisse se rendre sur place. J'invite également le Premier ministre à venir rapidement dans notre région parce que ce qui se joue, au-delà de la fermeture d'une entreprise, c'est la survie d'un écosystème, avec des implications très importantes, notamment sur notre souveraineté.

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