Question de M. ARNAUD Jean-Michel (Hautes-Alpes - UC) publiée le 31/10/2024

M. Jean-Michel Arnaud attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine ur les difficultés découlant de la mise en place du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE).

Le DPE, prévu par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est coercitif et opposable. En se fondant sur des calculs théoriques, il permet d'évaluer la consommation d'énergie d'un logement. À compter de 2025, tous les biens classés G seront considérés comme indécents et donc interdits à la location en métropole, tout comme les logements classés F dès 2028, suivis par ceux ayant une étiquette E en 2034. Cela représente 37 % des logements actuellement disponibles.

Sans remettre en cause la nécessité d'une décarbonation de nos politiques, il pointe les difficultés de cette réforme. Tout d'abord, les délais prévus par la loi (dont la première échéance est fixée à l'année 2025) s'avèrent être bien trop restreints au vu du temps de travaux nécessaire pour la mise en conformité des logements concernés. De plus, les petites surfaces sont sanctionnées par la mise en place de ce DPE. Le constat est que la déperdition d'énergie est proportionnellement plus élevée pour les petites surfaces vis-à-vis des grandes surfaces.

Aussi, le climat est un facteur important qui n'est que peu pris en compte. L'importance de ce facteur est non négligeable : une différence de deux classes a pu être constatée pour un bien identique entre le littoral niçois et le bassin gapençais.

Le risque de développement d'un « marché gris » apparaît : les locations hors du cadre légal pourraient se multiplier et par conséquent rendre inopérante la force de la loi. Il est clair que l'impératif de se loger va primer sur le respect de règles trop contraignantes.

Il interroge donc le Gouvernement sur les mesures qu'il compte prendre afin de rendre le DPE applicable, cohérent et équitable.

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Réponse du Ministère du logement et de la rénovation urbaine publiée le 06/11/2024

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 166, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, chère Valérie Létard, le droit en vigueur prévoit que, à compter de 2025, tous les biens classés G au titre du DPE seront considérés comme indécents, donc interdits à la location. Il en va de même des logements classés F, dès 2028, et des logements classés E, dès 2034. Ces obligations s'appliqueront également - nous le savons depuis peu - aux meublés de tourisme.

Sans remettre en cause la nécessité d'une décarbonation de nos politiques publiques, ce DPE pose plusieurs difficultés.

Tout d'abord, les délais prévus se révèlent bien trop restreints au vu du temps de travaux nécessaire pour la mise en conformité des logements concernés.

Ensuite, les calculs ne sont pas fiables, compte tenu de la diversité des situations, sans parler de la formation - hélas ! souvent défaillante - de certains professionnels. Par exemple, pour un même logement, il est tenu compte de l'altitude. Aussi, une différence de deux classes a pu être constatée pour deux biens identiques, situés l'un sur le littoral niçois, l'autre dans le bassin gapençais, dans les Hautes-Alpes !

Un « marché gris » pourrait se développer et rendre de fait inopérante et force la loi. Madame la ministre, quelles mesures d'adaptation et de différenciation comptez-vous prendre pour rendre ce DPE plus fiable et réellement applicable dans nos territoires ?

Par ailleurs, j'ai constaté que, depuis quelques années, des entreprises proposaient des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires de biens immobiliers.

En contrepartie d'un loyer mensuel assuré et stable, ces entreprises réalisent des prestations de sous-location de courte ou moyenne durée. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres s'adressent en majorité à une clientèle touristique.

Alors que la France pâtit d'un manque drastique de logements, ce nouveau procédé de sous-location ne fait qu'accentuer le déséquilibre entre l'offre et la demande. Il a également des impacts fiscaux non négligeables.

Nous assistons ainsi à une forme d'ubérisation du patrimoine des propriétaires, en tout cas de certains d'entre eux, qui renforce les difficultés du marché de la location.

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour réguler ces pratiques ? (M. Jean Hingray applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, cher Jean-Michel Arnaud, vous m'interrogez sur l'une des traductions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, qui introduit un critère de décence énergétique visant à protéger les millions de Français locataires de passoires énergétiques.

Ce critère s'applique aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits depuis la promulgation de la loi et s'étale donc dans le temps au fur et à mesure de la reconduction des baux.

Dans la très grande majorité des cas, des travaux simples et soutenus par l'État au moyen du dispositif MaPrimeRénov' permettent de sortir les logements des classes G et F, qui sont concernées par les échéances de 2025 et 2028.

En ce qui concerne les logements de petite surface, l'arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE pour les logements dont la surface de référence est de moins de 40 mètres carrés. Il s'agit d'un ajustement de bon sens, dans lequel mon collègue Guillaume Kasbarian, ici présent, a pris toute sa part.

Le Gouvernement travaille par ailleurs à l'adaptation des règles relatives aux copropriétés qui seraient confrontées à des difficultés spécifiques liées aux processus de décision et aux délais des travaux.

Sur l'initiative des députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, une proposition de loi transpartisane sur ce sujet sera discutée dès le mois de décembre prochain à l'Assemblée nationale. Nous espérons que le Sénat pourra s'en saisir dès le mois de janvier 2025.

Vous m'interrogez par ailleurs sur la prise en compte du climat dans les calculs. En effet, le système de chauffage d'un logement situé dans une zone plus froide est plus énergivore que celui d'un logement qui présenterait des performances similaires en termes d'isolation, mais qui serait situé dans une zone plus chaude. C'est le cas entre le littoral niçois et le bassin gapençais ; les consommations calculées seront plus élevées dans le premier que dans le second.

S'il n'est pas question pour le Gouvernement de remettre en cause la loi Climat et Résilience, nous tâchons d'accompagner sa mise en oeuvre de la manière la plus pragmatique possible.

La proposition de loi que j'ai évoquée permettra d'apporter les ajustements manquants, sans remettre en question toute la mécanique des étiquettes et du calendrier. Il est possible selon moi d'apporter au DPE les éléments de souplesse utiles et nécessaires.

Enfin, je ne saurai vous donner une réponse précise à ce stade sur la question de la sous-location. Soyez assuré néanmoins que nous nous pencherons avec attention sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre, ainsi que de votre souci d'adapter les critères du DPE, notamment aux zones de montagne, où un véritable problème se pose. Dans les Hautes-Alpes, le pourcentage de résidences secondaires est très élevé et l'accès au logement permanent difficile.

L'assouplissement que vous proposez et qui sera mis en oeuvre au travers de la proposition de loi que vous évoquez va donc dans le bon sens.

Je salue également le travail réalisé sur les copropriétés. Cette question est une véritable bombe à retardement ; elle menace d'exploser non seulement dans mon département, mais partout en France.

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