Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 10/10/2024

M. Bruno Rojouan attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur les difficultés que rencontrent les voix françaises dans les films et séries dont le métier pourrait disparaitre à cause du développement de l'intelligence artificielle dans le domaine.

Les voix françaises dans les films et séries sont une partie intégrante de l'expérience audiovisuelle pour de nombreux spectateurs francophones. Cependant, ces professionnels du doublage font face à des défis importants en raison de l'avancée rapide de l'intelligence artificielle (IA). Les technologies de synthèse vocale et de clonage de voix sont devenues si sophistiquées qu'elles peuvent désormais imiter à la perfection des voix humaines, y compris les intonations et les émotions subtiles. Cette capacité technique menace de remplacer les acteurs de voix, car elle permet aux studios de produire des doublages de haute qualité à moindre coût et dans des délais beaucoup plus courts.

La perte potentielle d'emplois pour les doubleurs français n'est pas seulement une question de technologie, mais aussi d'économie. Les producteurs de films et de séries cherchent constamment à réduire les coûts de production, et l'utilisation de l'IA pour le doublage apparaît comme une solution efficace. Cette tendance pourrait marginaliser les professionnels du doublage humain, les privant de leur travail et rendant leurs compétences de plus en plus obsolètes.

Enfin, il existe également des implications culturelles et éthiques à considérer. La voix est une part essentielle de l'identité d'un acteur, et son utilisation par une IA sans consentement approprié soulève des questions de droits et de propriété intellectuelle. De plus, les spectateurs pourraient ressentir une perte de connexion émotionnelle avec les personnages s'ils perçoivent une voix artificielle, même subtilement.

Ainsi, il souhaite connaitre les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour préserver cet art et protéger les professionnels concernés.

- page 3936

Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 28/11/2024

Les comédiens de doublage participent, au travers de leurs interprétations fines des oeuvres, à la richesse culturelle française. Le public français est d'ailleurs très attaché aux oeuvres en version doublée : 72 % des spectateurs vont généralement voir les films en salles en version française. Si le recours à l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouveau dans le secteur audiovisuel et cinématographique, la période actuelle est celle d'une intensification très forte de son utilisation. Cette intensification, qui touche le secteur du doublage, soulève des préoccupations légitimes, tant en matière de protection des droits des artistes-interprètes, que d'évolution des métiers et des emplois. Pour y répondre, un certain nombre de mesures et d'actions ont déjà été mises en oeuvre aux niveaux interne et européen. Tout d'abord, un travail d'objectivation des évolutions des usages est mené par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce dernier a ainsi mis en place un observatoire de l'IA conduisant à la publication, en juin dernier, d'une étude permettant de mieux comprendre ses utilisations actuelles par les professionnels de la filière et la perception par ces derniers de ses impacts. Elle présente l'état d'adoption des technologies de l'IA pour le secteur du doublage et les opportunités et défis qui y sont attachés, notamment s'agissant du développement de voix numériques et de la synchronisation labiale. Des travaux d'études supplémentaires seront prochainement lancés quant à l'impact de l'IA sur l'emploi et la transformation des métiers du secteur de l'audiovisuel. Par ailleurs, compte tenu des évolutions que cette intensification entraîne en matière de métiers et d'emploi, il faut souligner l'engagement du ministère de la culture pour encourager toutes discussions entre les professionnels concernés. Celles-ci devraient faciliter la mise en place de pratiques vertueuses, permettant de placer les outils numériques au service de la création humaine et de pourvoir aux besoins de formation. Les services du ministère sont en lien permanent avec le secteur du doublage, dont les représentants ont été reçus à plusieurs reprises. Enfin, le règlement européen sur l'intelligence artificielle (RIA) de 2024 a permis de marquer un premier jalon en matière de régulation de l'IA. En application de celui-ci, les contenus de synthèse générés par IA doivent faire l'objet d'un marquage. Par ailleurs, les fournisseurs d'IA doivent se doter d'une politique de respect du droit d'auteur, en ce compris les droits voisins des artistes-interprètes, et publier un résumé détaillé des sources qu'ils utilisent pour entraîner leurs modèles. Pour permettre aux auteurs et artistes-interprètes de comprendre effectivement comment et à quelles fins les oeuvres qu'ils concourent à créer sont utilisées pour entraîner l'intelligence artificielle générative, ces avancées doivent désormais être concrétisées dans les textes d'application de ce règlement. C'est la raison pour laquelle deux missions ont été confiées au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont les conclusions sont attendues en 2025. La première a vocation à proposer les modalités de mise en oeuvre de l'obligation de transparence prévue par le RIA afin de s'assurer que celle-ci permette aux auteurs et aux artistes-interprètes de disposer des informations indispensables à l'exercice des droits. La seconde, plus prospective, étudiera la façon dont l'utilisation des contenus culturels par les modèles d'IA pourrait être rémunérée.

- page 4554

Page mise à jour le