Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 24/10/2024
M. Patrice Joly attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'évolution préoccupante de la mortalité infantile en France. Aujourd'hui, toutes les études démontrent que la mortalité infantile augmente fortement depuis les dix dernières années en France. La France est passée, en quelques années, de la 4e place à la 18e place au sein des pays de l'OCDE. En 2023, on aurait atteint un seuil de 4 décès pour 1 000 naissances vivantes, soit le taux le plus élevé depuis vingt ans environ. L'écart se creuse avec les pays les plus performants d'Europe en la matière : notre taux de mortalité néonatale est très supérieur à la fois pour les naissances très prématurées, à haut risque, et pour les naissances proches du terme. Ainsi, quelque 55 000 enfants naissent prématurément en France chaque année, soit 7 % des naissances, mais ils représentent 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d'origine périnatale. Plusieurs hypothèses sont soulevées pour tenter d'expliquer ce taux. Premièrement, on constate la persistance, voire l'augmentation, des inégalités sociales de santé. Une étude anglaise a ainsi démontré que la précarité multipliait par cinq le nombre de décès d'enfants. La mortalité néonatale est donc corrélée avec plusieurs indicateurs de désavantages sociaux et territoriaux. Les taux de mortalité infantile les plus élevés sont observés dans les départements et collectivités d'outre-mer et, dans l'hexagone, dans les départements les plus pauvres et les plus ruraux. Ensuite, la question de l'accès aux soins et de l'insuffisance du nombre de maternités peut également constituer un facteur d'explication : la démographie des professionnels de santé, qui concerne de nombreux secteurs, crée des difficultés supplémentaires dans l'organisation de soins et la prise en charge rapide des patientes. Sur ce dernier point, la mortalité infantile augmente sans que l'on ne dispose d'étude permettant d'en identifier précisément tous les facteurs sous-jacents et sans qu'il soit possible d'établir de corrélation claire entre le type et la taille des maternités, d'une part, et la sécurité des soins d'autre part. Ce constat interroge sur les conclusions de l'Académie de médecine qui, dans son rapport de 2023, recommandait la fermeture des maternités réalisant moins de mille naissances par an et le choix des gouvernements antérieurs de s'engouffrer dans cette faille. Aussi, il lui demande les mesures urgentes qui seront prises pour freiner la progression de la mortalité infantile. L'identification des causes de cette mortalité est ici majeure pour définir les stratégies efficaces de prise en charge à la naissance et le devenir des enfants prématurés par la suite. Il lui demande donc d'agir rapidement pour sécuriser les futures mères et mettre fin à cette inquiétante tendance.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargé de la famille et de la petite enfance publiée le 06/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
M. Patrice Joly. La mortalité infantile a augmenté fortement en France au cours des dernières années. Le constat est sans appel : en 2023, on aura atteint un seuil de 4 décès pour 1 000 naissances, soit le taux le plus élevé depuis vingt ans. Nous sommes passés de la quatrième à la dix-huitième place au sein des pays de l'OCDE.
Environ 55 000 enfants naissent prématurément chaque année dans notre pays. Ils concentrent 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d'origine périnatale. On observe que la mortalité infantile est beaucoup plus forte dans les départements les plus pauvres et les plus ruraux.
Les causes, vous les connaissez : fermetures de lits, difficultés d'accès aux soins, pénurie de soignants, fermeture des services, insuffisance du nombre des maternités.
Alors, madame la ministre déléguée, devons-nous poursuivre la fermeture des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an et laisser les futures mères accoucher sur les routes ? Doit-on continuer à fermer les yeux sur cette tiers-mondisation de notre système de santé ? La jeune maire de Decize dans la Nièvre, Justine Guyot, a dû interdire à ses habitants de tomber malades... Devrons-nous aussi légiférer pour empêcher les femmes issues des territoires ruraux de tomber enceintes afin d'éviter tout drame ?
Madame la ministre déléguée, ma question est simple : comment faire pour réarmer démographiquement la France et sauver des vies sans moyens humains, matériels, financiers ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Monsieur le sénateur Patrice Joly, je vous remercie pour votre question et je partage vos constats sur la situation de la périnatalité en France. Depuis quelques années, le taux de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile stagne, voire se dégrade. Nous ne pouvons évidemment pas nous en contenter.
La santé périnatale est un défi majeur pour notre système de santé. La feuille de route Pédiatrie et santé de l'enfant 2024-2030 a fixé les priorités en la matière. Elle vise à améliorer l'organisation des soins et la prise en charge rapide des patientes, en garantissant un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances dans chaque région d'ici à 2027. Et 600 postes d'internes seront proposés chaque année en pédiatrie, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2022.
Cette feuille de route prévoit aussi un travail de collecte sur les données de santé, en complément des mesures existantes pour améliorer la qualité des données périnatales. Les certificats de décès néonataux ont été étendus de l'âge de 28 jours à celui de 1 an de l'enfant, et des travaux d'analyse en cas de décès des nouveau-nés à terme ou à proximité du terme ont été lancés en 2023. Les premiers résultats sont attendus d'ici à la fin de l'année.
Nous voulons faire de la prévention une priorité pour la santé périnatale, notamment par la démarche du « aller vers » les populations les plus éloignées du système de santé, notamment en milieu rural. Nous attendons les conclusions du rapport des sénatrices Annick Jacquemet et Véronique Guillotin, qui seront particulièrement précieuses pour déterminer les pistes de réflexion à privilégier.
Enfin, le Gouvernement continue de porter une grande attention aux fermetures de maternité. Lorsqu'une fermeture s'impose pour ne pas faire peser de surrisques sur la mère et l'enfant, la priorité est donnée au maintien d'une continuité de service à la population et d'une sécurisation des accouchements. En outre, les centres périnataux de proximité jouent un rôle majeur.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Madame la ministre déléguée, je vous remercie pour votre réponse, qui énumère un certain nombre de solutions. Permettez-moi d'insister sur le maillage des maternités.
On pose aujourd'hui le problème en opposant proximité et sécurité. Ce n'est pas la bonne manière de traiter la question. Il faut revoir le maillage des maternités, sachant qu'un trajet de quarante-cinq minutes pour accéder à une maternité double le taux de morbidité tant pour la mère que pour l'enfant.
Enfin, des postes d'internes doivent être ouverts aux futurs médecins, même à ceux ayant étudié à l'étranger, qui doivent être affectés en France dans les établissements en tension. Des médecins français étudient à l'étranger et demandent à faire leur internat ici. J'en ai rencontré en Roumanie. Je vous demande d'être attentive à leur situation.
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