Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 24/10/2024
M. Stéphane Le Rudulier alerte Mme la ministre de l'éducation nationale au sujet du non-remplacement chronique des enseignants absents dans les collèges et les lycées. Le propos n'est pas de questionner les raisons sans doute pleinement légitimes de l'absentéisme des enseignants. Ce qui est moins légitime, en revanche, c'est que l'éducation nationale soit dans l'incapacité de les remplacer au besoin. Certes, il y a des difficultés de recrutements et chacun est conscient de la crise de vocation que connaît l'enseignement, mais cette problématique ne date pas d'hier. Déjà en janvier 2020, la députée Émilie Bonnivard interpellait le Gouvernement sur cette même question du remplacement des enseignants absents, à l'aune du manque d'attractivité du métier. Or, en 5 ans, rien n'a été concrètement fait pour remédier à la situation à part des effets d'annonce.
Pour preuve, le cas récent du collège Pierre Matraja de la commune de Sausset-les-Pins. Depuis le début de l'année, de nombreux parents d'élèves de ce collège et leurs représentants ont manifesté leurs inquiétudes légitimes, dernièrement, à propos des cas de deux enseignantes de français. Les élèves ont été privés de cet enseignement fondamental durant plusieurs semaines. De surcroît, la fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) vient tout juste d'apprendre qu'un enseignant de plus sera absent à partir du retour des vacances de la Toussaint 2024, sans remplacement de prévu et sans précision à propos de la durée de l'absence. Au cours de la dernière année écoulée, c'est au total plus de 1 500 heures qui n'ont pas été remplacées, ce qui représente, parfois, une perte de 30 % du temps d'apprentissage pour certaines classes. De nombreux élèves sont même touchés pour la troisième année consécutive par ces absences. Le maire de la commune avait saisi par un courrier, resté sans réponse, le recteur de l'académie, dans le but de l'alerter sur la situation.
Dans les territoires, aucun changement n'est perceptible malgré la supposée action gouvernementale. Le 16 janvier 2024, le Président de la République affirmait avoir de « formidables résultats » en la matière. Or le ressenti sur le terrain est tout autre : la promesse républicaine ne semble pas tenue. Selon le président de la FCPE, « la situation est toujours aussi catastrophique » et le président de la fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) a abondé en ce sens en affirmant qu'ils avaient « les mêmes remontées que d'habitude », que ce n'était « pas mieux que les années précédentes ».
Et pour cause, les solutions magiques avancées ne fonctionnent pas. Le Pacte enseignant ne produit pas les effets escomptés. Les chiffres prétendument positifs que martèlent les gouvernements successifs au sujet de ce pacte cachent des inégalités territoriales et la réalité, c'est qu'un enseignant peut effectuer des heures en remplacement d'un collègue d'une matière qui lui est totalement étrangère.
Force est de reconnaître que même le pouvoir juridictionnel en est venu à réagir face à l'échec de l'État. Par plusieurs décisions rendues le 03 avril 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'État pour « carence dans l'organisation du service public de l'enseignement » subséquemment aux actions en justice que des familles ont entreprises en réaction à l'inaction politique. Le juge administratif a ainsi reconnu la responsabilité de l'État en le condamnant à réparer « les préjudices nés de la perte de chance [des] enfants de réussir leurs années et cursus scolaires futurs en raison de la rupture de continuité pédagogique ». La réussite des enfants et leur instruction sont une priorité, un investissement pour l'avenir et un espoir pour le pays.
Par conséquent, il lui demande quelles nouvelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre pour tenter à son tour de remédier à cette situation chronique.
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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre de l'éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel publiée le 06/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la ministre de l'éducation nationale.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, j'ai été interpellé le 7 octobre dernier par le maire de Sausset-les-Pins au sujet de l'absentéisme grandissant des professeurs du collège Pierre-Matraja, notamment dans des matières fondamentales comme le français ou les mathématiques.
Plus précisément, au cours de l'année scolaire 2023-2024, plus de 1 500 heures d'enseignement n'ont pas été remplacées dans cet établissement, ce qui représente une perte de 30 % du temps d'apprentissage pour certaines classes. De nombreux élèves subissent ces absences pour la troisième année consécutive ; les lacunes que cela occasionne - dans des manières fondamentales, je le redis - auront incontestablement un impact sur la suite de leur scolarité.
Je ne remets nullement en cause les causes pleinement légitimes de l'absentéisme de ces enseignants, et nous sommes tous conscients des difficultés de recrutement que connaît, hélas ! le secteur éducatif ; cette crise des vocations a des effets considérables sur le fonctionnement de nos collèges. Cependant, force est de constater qu'aucun changement profond ne se fait jour, malgré l'action que les gouvernements précédents étaient censés mener, depuis sept ans, pour remédier à cette situation.
Dès lors, ma question est la suivante : quelles solutions pérennes peut-on mettre en oeuvre pour lutter contre l'absentéisme des professeurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de l'éducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel. Monsieur le sénateur Le Rudulier, je vous remercie de votre question, qui me donne l'occasion d'affirmer que le remplacement des enseignants absents est une priorité du Gouvernement, car il s'agit d'une attente des familles, envers lesquelles nous avons une obligation de résultat ; nous devons donc y consacrer des moyens qui soient à la hauteur des enjeux.
Vous le savez comme moi, la réussite scolaire, qui figure dans l'intitulé de mon portefeuille, est impossible à atteindre lorsqu'il n'y a pas d'enseignant dans la classe. C'est la base de notre mission, et nous devons évidemment tout faire pour éviter ces situations qui ont un coût quotidien pour les élèves.
On ne résoudra pas ce problème par un coup de baguette magique ; plusieurs réponses doivent être mobilisées.
La première réponse est d'abord organisationnelle, de manière à réduire drastiquement les besoins de remplacement. La moitié des 15 millions d'heures perdues chaque année dans le second degré découle de contraintes institutionnelles. Depuis la rentrée 2024, notre objectif est de positionner 100 % des formations et des réunions en dehors du temps scolaire. Cela peut sembler une évidence, mais ce n'a pas toujours été le cas. Il faut désormais une règle claire pour mettre fin à ces absences évitables.
La seconde réponse passe par une meilleure efficacité des remplacements de courte durée, c'est-à-dire de ceux de moins de quinze jours.
Cela fait partie des missions prioritaires du pacte enseignant. Les résultats sont déjà visibles : pour l'année scolaire 2023-2024, à l'échelle nationale, nous avons multiplié par trois le taux d'efficacité du remplacement de courte durée. Ce sont 2 millions d'heures qui ont ainsi été assurées : c'est loin d'être neutre ! Dans le projet de loi de finances pour 2025, nous prévoyons d'amplifier cette dynamique en doublant les moyens dédiés à ces missions.
S'agissant des absences de plus de quinze jours, qui sont hautement pénalisantes, le taux de remplacement s'élève à près de 95 %. C'est déjà bien, mais je suis conscient de la situation dans laquelle se trouvent les élèves pâtissant des 5 % manquants, ainsi que leurs familles. C'est pourquoi le ministère travaille, en lien étroit avec les rectorats, à l'optimisation de notre potentiel de remplacement, afin de garantir la continuité des enseignements partout sur le territoire. Il reste des secteurs où les remplacements sont plus difficiles à assurer qu'ailleurs.
Concernant la situation du collège Pierre-Matraja de Sausset-les-Pins, sur laquelle vous m'interrogez plus spécifiquement, je confirme que cet établissement a connu des besoins de remplacement récurrents au cours de l'année scolaire 2023-2024, en particulier en lettres modernes. Cet établissement fait l'objet d'un suivi régulier de la part des services du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille, en lien avec la cheffe d'établissement, et que la priorité est donnée à ce collège dans les recrutements de contractuels en cours. Nous continuerons d'y veiller avec attention.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, il y a vraiment urgence. Je comprends votre stratégie, mais la justice administrative a déjà constaté l'échec de l'État, son impuissance en la matière, en le condamnant même à réparer le préjudice causé à certains enfants ayant connu une rupture de scolarité. Nous comptons sur vous !
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