Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 24/10/2024
Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur les effets de la modification du seuil de tension de la demande de logements sociaux imposée par le décret n° 2023-230 du 29 mars 2023, ainsi que sur une incohérence persistante dans l'application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. La publication de ce décret a des répercussions lourdes pour plusieurs communes de Haute-Savoie, dont l'objectif de production de logements sociaux est passé de 20 % à 25 %. Par exemple, la commune de Marignier a subi un doublement imprévu de la pénalité SRU, passant de 40 000 à 85 000 euros, à payer immédiatement, alors qu'elle avait pourtant atteint son objectif de 20 %. Des communes voisines, comme celles de l'agglomération de Cluses, font face à des pénalités similaires, menaçant leur équilibre budgétaire. Ces communes, déjà fragilisées par les crises économiques et sanitaires récentes, voient leurs efforts pour construire des logements sociaux méprisés, malgré les réalités locales qu'elles doivent affronter : rareté du foncier, contraintes géographiques, et retards dans les projets de construction. De nombreux élus locaux se trouvent ainsi piégés dans une situation où leurs engagements sont contrecarrés par des obstacles qu'ils ne maîtrisent pas, comme les délais de livraison ou les problèmes financiers des bailleurs sociaux. En outre, dans la même lignée, un problème persiste dans l'application de la loi SRU : seuls les logements sociaux livrés sont pris en compte dans le calcul des pénalités. Pourtant, certaines communes, comme celle de Thyez, ont délivré des permis de construire pour des projets en cours, mais ces retards de livraison empêchent ces efforts d'être comptabilisés. Ainsi, ces communes, bien qu'actives, se voient doublement sanctionnées - à la fois financièrement et juridiquement - pour des raisons indépendantes de leur volonté (problèmes financiers des bailleurs, hausse des taux d'intérêt, retards administratifs). Face à ces sanctions disproportionnées et rétroactives, il devient essentiel d'envisager des ajustements au dispositif. Dans ce contexte, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage une réforme du dispositif afin de le rendre plus acceptable pour les communes concernées et s'il compte rendre possible la prise en compte, de manière transitoire ou complémentaire, des permis de construire délivrés dans le calcul des objectifs de logements sociaux, pour ne pas pénaliser des communes qui, comme Thyez, se retrouvent dans une situation délicate pour des raisons qu'elles ne maîtrisent pas.
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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la ruralité, du commerce et de l'artisanat publiée le 06/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 136, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur deux effets pervers de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui méritent d'être corrigés dans le contexte économique particulièrement difficile que nous connaissons.
La modification du seuil de tension de la demande de logements sociaux imposée par le décret du 29 mars 2023 a des répercussions lourdes pour plusieurs communes, dont l'objectif de production de logements sociaux est passé subitement de 20 % à 25 %.
Ainsi, dans le département dont je suis élu, la Haute-Savoie, la commune de Marignier a subi un doublement imprévu de la pénalité SRU - celle-ci passant de 40 000 à 85 000 euros -, dont elle a eu à s'acquitter immédiatement, alors même qu'elle avait atteint l'objectif initial de 20 % de logements sociaux.
Des communes voisines, comme celles de l'agglomération de Cluses, font face à des pénalités similaires qui menacent leur équilibre budgétaire par une forme d'application rétroactive d'une sanction, conséquence d'une obligation qu'elles ignoraient pourtant jusqu'alors !
Dans le même ordre d'idée, est-il normal d'infliger une pénalité pour non-atteinte des objectifs de production de logements sociaux à une commune qui a pourtant délivré un nombre suffisant de permis de construire de logements sociaux à cette fin, au motif que ces logements ne sont pas encore livrés, et ce pour des raisons indépendantes de sa volonté ?
Les deux communes que j'ai prises en exemple, bien que leurs élus soient actifs et volontaires dans la production de logements sociaux, se voient doublement sanctionnées, à la fois financièrement et juridiquement, pour des raisons qui leur échappent. Déjà fragilisées par un contexte économique complexe, elles voient leurs efforts pour construire des logements sociaux méprisés, malgré les réalités locales qu'elles doivent affronter : rareté du foncier, contraintes géographiques, difficultés économiques, retards dans les projets de construction.
Madame la ministre, n'est-il pas temps de corriger ces effets délétères qui ne font que renforcer l'exaspération des élus sur le terrain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat. Madame la sénatrice Sylviane Noël, votre question porte sur les obligations des communes en matière de construction de logements sociaux en application de la loi SRU, laquelle fait régulièrement ici, au Sénat, l'objet d'appréciations particulières, ainsi que de souhaits d'évolution.
Je rappelle le dispositif en question. Certaines communes doivent atteindre un taux cible de logement social fixé à 25 % de leurs résidences principales. Lorsque la tension sur la demande de logement social est limitée sur leur territoire, les communes peuvent bénéficier d'un taux cible réduit à 20 %. Pour chaque période triennale, un ratio de tension est fixé par décret, permettant de définir le niveau en deçà duquel un territoire peut bénéficier d'un tel objectif abaissé.
Pour la période 2023-2025, le décret du 29 mars 2023 a reconduit le ratio qui était utilisé jusqu'alors, fixé à quatre demandes de logement social pour une attribution. La communauté de communes Cluses-Arve et Montagnes (2CCAM) ayant vu sa tension passer de 3,98 demandes pour une attribution à 4,56 demandes, les communes situées sur son territoire se voient désormais appliquer le taux cible de droit commun, soit 25 %.
Je comprends la contrainte que constitue la revalorisation du prélèvement que ces communes doivent supporter, notamment au regard des difficultés qu'elles rencontrent pour construire des logements sociaux, en particulier dans les centres-villes - recours judiciaires, dépollution des sites... Toutefois, je rappelle que l'État a conscience de ces difficultés ; sont ainsi prises en compte les déclarations d'urbanisme et de délivrance de permis de construire, et non pas les dates de livraison.
La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, prévoit, sur l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, en particulier de Dominique Estrosi Sassone, que les communes et leur intercommunalité peuvent bénéficier d'un contrat de mixité sociale pouvant être discuté avec le préfet, lequel a la capacité d'apprécier le lissage dans le temps de l'effort demandé par la loi.
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