Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SER) publiée le 10/10/2024
Mme Hélène Conway-Mouret attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation persistante de double imposition que connaissent les Français résidant en Italie, à l'encontre de la convention visant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, signée le 5 octobre 1989 à Venise entre le Gouvernement français et le Gouvernement italien.
Cette problématique a été relayée par plusieurs conseillers des Français de l'étranger et élus à l'assemblée des Français de l'étranger (AFE) appartenant à la commission des finances, du budget et de la fiscalité.
Elle concerne d'une part les personnels français de droit local exerçant notamment au sein des instituts, des lycées et des consulats français. À partir de 2019, ces personnels - qui avaient toujours payé leurs impôts dans leur pays de résidence - ont été imposés en France, et ce sans que la convention fiscale bilatérale précitée n'ait été modifiée. En réponse aux diverses interpellations des élus des Français de l'étranger, la direction des impôts des non-résidents (DINR) a indiqué que des travaux étaient en cours pour clarifier « la doctrine fiscale portant sur l'application des clauses des conventions fiscales bilatérales relatives aux recrutés locaux (...) ». Les conclusions de cette réflexion sont toujours attendues à ce jour.
Elle impacte d'autre part les pensionnés français établis en Italie. Il résulte de la formulation de l'article 18 de ladite convention, disposant que « les pensions et autres sommes payées en application de la législation sur la sécurité sociale d'un État sont imposables dans cet État », une imposition non exclusive, qui fonde à la fois la France et l'Italie à imposer ces pensions. Si l'État de résidence du bénéficiaire des revenus a donc, en principe, le droit de les imposer en second, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a précisé en 2022 qu'il revenait à cet État « d'accorder un crédit d'impôt équivalent à l'impôt français afin d'éliminer la double imposition ».
Or, depuis 2021, l'Italie applique une double imposition totale, et non résiduelle, et procède de fait à des redressements fiscaux rétroactifs sur plusieurs années à partir de 2015, pouvant aller jusqu'à plusieurs milliers d'euros.
Sur la base d'une résolution adoptée par la commission de l'AFE susmentionnée, elle lui demande si les autorités fiscales de nos deux pays pourraient convenir d'un moratoire sur les doubles impositions liées aux différents recours en cours d'instruction - prévus par l'article 26 de la convention - et, plus largement, si une renégociation de l'article 18.2 de la convention pourrait être envisagée afin de mettre fin à cette double imposition.
Par ailleurs, au regard des difficultés d'interprétation de ce texte qui complexifient les démarches des Français établis en Italie en matière de déclaration de leurs revenus, elle l'interroge sur la possibilité de rétablir un poste de conseiller fiscal à l'ambassade de France à Rome, réclamée de longue date par les conseillers des Français de l'étranger de la circonscription. Enfin, elle désirerait connaître l'état d'avancement des travaux menés par la DINR sur la clarification de la doctrine relative aux personnels de droit local.
- page 3819
Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 28/11/2024
La France et l'Italie sont liées par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 5 octobre 1989. Celle-ci fixe les règles de répartition du droit d'imposer entre les États contractants en fonction des catégories de revenus concernées et des situations des contribuables, et précise les modalités d'élimination des doubles impositions. En son article 18, la convention franco-italienne stipule que les pensions de retraite du régime général versées à un résident d'un État au titre d'un emploi antérieur ne sont en principe imposables que dans cet État. Cela étant, conformément au 2 de l'article 18 de la convention, les pensions de sécurité sociale, lorsqu'elles sont versées au titre d'un emploi antérieur privé, font l'objet d'une imposition partagée et non exclusive. Dans ce cas, la France et l'Italie sont alors toutes deux fondées à imposer ces pensions de sécurité sociale, à charge pour l'État de résidence d'éliminer la double imposition pouvant en résulter. Ces stipulations conventionnelles opèrent de façon réciproque, de telle sorte que la France impose ses propres résidents percevant des pensions de sécurité sociale de source italienne. De même et par voie de conséquence, les résidents d'Italie qui perçoivent des pensions de sécurité sociale de source française doivent déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition, en déduisant des impôts établis en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien. D'une façon générale, les résidents d'Italie doivent s'assurer eux-mêmes auprès de l'administration fiscale italienne de leurs obligations déclaratives en Italie, qu'ils déclarent et payent des impôts en France ou non. L'interlocuteur des résidents d'Italie à cet égard, y compris lorsqu'ils sont ressortissants français, est l'administration fiscale italienne (l'Agenzia delle Entrate). Par ailleurs, les règles prévues par la convention garantissant bien l'absence de double imposition, il n'est pas nécessaire de revoir la convention sur ce point. Reconnaissant les difficultés pouvant naître de la méconnaissance de ces règles par nos ressortissants, le site de l'Ambassade de France en Italie a été enrichi d'une fiche explicative intégrant toutes les coordonnées utiles (https://it.ambafrance.org/Fiscalite-11468) et qui énonce clairement, à l'instar des pages intitulées « Je ne suis pas résident de France mais j'ai des intérêts en France » à la rubrique « International » du site impots.gouv.fr, l'obligation de déclaration de ces pensions auprès des services fiscaux des deux pays : « les résidents d'Italie qui perçoivent de telles pensions doivent aussi déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition en déduisant de l'impôt établi en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien ». Les services fiscaux italiens se sont engagés à publier également ces informations dans un souci partagé de faciliter la compréhension de la règle fiscale (https://www.agenziaentrate.gov.it/portale/web/english/special-cases - en anglais). S'agissant des agents de droit local exerçant notamment au sein des instituts, des lycées et des consulats français, le lieu d'imposition des revenus que ces agents perçoivent au titre de leur activité est déterminé par application des stipulations des conventions fiscales relatives à ces revenus. À l'instar de la plupart des conventions fiscales signées par la France, la convention franco-italienne de 1989 prévoit que le régime d'imposition dépend du statut de l'organisme employeur. Ainsi, conformément à l'article 19 de cette convention, les rémunérations perçues par un résident d'Italie versées par l'État français, l'une de ses subdivisions politiques ou administratives ou collectivités territoriales, au titre de services rendus à cet État, subdivision ou collectivité, ne sont imposables qu'en France, sauf lorsqu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une activité industrielle et commerciale. Par exception, elles ne sont imposables qu'en Italie, État de résidence du bénéficiaire, si celui-ci possède la nationalité italienne sans posséder la nationalité française, ou si, sans avoir la nationalité française, il était un résident d'Italie avant d'y rendre les services. En tout état de cause, compte tenu de la très grande hétérogénéité des situations rencontrées, il convient d'examiner au cas par cas les stipulations applicables de la convention franco-italienne. Enfin, les administrations fiscales française et italienne ont renforcé leur dialogue dans un objectif de meilleure diffusion de l'information auprès des usagers. À cette fin, les autorités des deux pays ont mobilisé les services concernés sans nécessité de mise en place d'un interlocuteur dédié à l'ambassade de France à Rome, l'application des dispositions fiscales entre nos deux pays ne posant pas de difficultés par ailleurs, et les deux administrations étant parfaitement inscrites dans les dispositifs d'échanges d'information européens et instances de dialogue internationales.
- page 4561
Page mise à jour le