Question de Mme LERMYTTE Marie-Claude (Nord - Les Indépendants) publiée le 24/10/2024
Mme Marie-Claude Lermytte attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur l'interdiction de la benfluraline. La filière de la chicorée, comme celle de l'endive, fait partie intégrante du patrimoine des Hauts-de-France, notamment du département du Nord.
La maîtrise de ces cultures est assurée par une filière structurée, implantée majoritairement dans les plaines de Flandre. Les étapes de transformation de la plante sont réalisées par plus de 200 planteurs et torréfacteurs, possédant une technologie spécialisée et performante, gage de produits sains et de qualité. Ces filières représentent à elles seules la quasi-totalité de la production nationale et près d'un quart de la production mondiale.
Pourtant, leur avenir est devenu très incertain : le règlement d'exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas les produits à base de benfluraline, notamment le Bonalan, utilisé par ces filières pour lutter contre les chénopodes.
Les autorisations de mise sur le marché sont déjà retirées et l'utilisation des stocks n'est permise que jusqu'au 12 mai 2024, c'est-à-dire demain. Après cette date, plus rien ne sera possible. Aucune alternative n'a cependant encore été trouvée pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité, si ce n'est un désherbage manuel extrêmement coûteux en main-d'oeuvre.
L'angoisse de tous les acteurs de ces filières, dont la survie est menacée, est compréhensible.
Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire affirmait le 13 février 2024 dans l'hémicycle du Sénat qu'il ne saurait y avoir d'interdiction sans solution. Elle lui demande donc si une dérogation pour surseoir à cette interdiction est envisageable dans des délais rapides, le temps qu'un produit de substitution soit mis sur le marché.
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Réponse du Ministère délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe publiée le 06/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 125, adressée à Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, hasard du calendrier, le 14 février dernier, j'exprimais dans cet hémicycle tout mon amour et tout mon attachement aux filières de l'endive et de la chicorée.
Le règlement d'exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas les produits à base de benfluraline, dont le Bonalan, qui est utilisé par ces filières pour lutter notamment contre les chénopodes. Les autorisations de mise sur le marché ont donc été retirées et l'utilisation des stocks n'est plus permise.
Aucune solution de substitution n'a cependant été trouvée pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité, si ce n'est un désherbage manuel, extrêmement coûteux en main-d'oeuvre.
La filière de la chicorée et la filière endivière font partie intégrante du patrimoine des Hauts-de-France, en particulier du département du Nord. La maîtrise des cultures est assurée par une filière structurée et implantée majoritairement dans les plaines de Flandre.
Les étapes de la transformation de la plante sont assurées par plus de 200 planteurs, sécheurs et torréfacteurs, au moyen d'une technologie spécialisée et performante, qui garantit des produits sains et de qualité.
Ces filières assurent à elles seules la quasi-totalité de la production nationale et près d'un quart de la production mondiale. Elles sont donc source d'exportations pour la France. Pourtant, leur avenir est très incertain.
Les professionnels sont bien conscients qu'il n'est plus possible aujourd'hui d'autoriser le Bonalan, eu égard à son impact négatif pour notre planète ; ils ne le demandent d'ailleurs plus vraiment. Toutefois, monsieur le ministre, nous partageons tous le même mantra : « Pas d'interdiction sans solution ! »
Nous risquons aujourd'hui de voir s'éteindre cette filière historique et traditionnelle française et d'assister à l'arrivée massive d'une chicorée indienne qui est à mille lieues de nos normes et exigences environnementales.
Lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, votre prédécesseur avait affirmé que des travaux étaient lancés au sein de la direction générale de l'alimentation, pour identifier les solutions de substitution possibles parmi les herbicides autorisés. Il avait évoqué la mise en oeuvre d'expérimentations dès cette année, afin de dégager de nouvelles pistes pour 2025.
Où en est-on, monsieur le ministre ? Quel accompagnement proposez-vous à ces filières dans l'attente de ces produits phytosanitaires ? Et en cas d'échec, quels seraient les recours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Madame la sénatrice Lermytte, la demande de renouvellement de l'approbation européenne pour la benfluraline a fait l'objet d'une évaluation scientifique par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), qui a conclu, en 2019, que la substance ne répondait pas aux critères d'approbation de la réglementation actuelle.
La France a alors mandaté l'AESA pour évaluer l'effet de diverses méthodes d'atténuation des risques, qui permettraient de maintenir l'approbation.
En 2022, l'AESA a toutefois maintenu ses conclusions, ce qui a conduit la Commission européenne à ne pas renouveler l'approbation de la benfluraline.
À la demande de la France, le délai de grâce maximal pour la distribution et l'utilisation des stocks de produits a été porté à quinze mois. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a retiré les autorisations de mise sur le marché et permis l'utilisation des stocks jusqu'au 12 mai 2024. Cette période a été finalement prolongée d'un mois, compte tenu des pluies exceptionnelles qui ont retardé les semis en 2024.
La filière a été tenue régulièrement informée de l'avancée des travaux européens et des initiatives prises par la France pour conserver un usage sûr.
Afin d'anticiper la préparation au retrait de la benfluraline, une dérogation a été octroyée en avril 2024 pour expérimenter l'efficacité et la sélectivité d'une autre substance active, l'halauxifène-méthyl. En parallèle, une convention spécifique à hauteur de 100 000 euros a été signée avec l'Association des producteurs d'endives de France (Apef) pour la réalisation en 2024 et 2025 d'essais de désherbage avec des molécules de substitution.
Les résultats obtenus avec plusieurs produits montrent que la benfluraline est substituable dans des conditions techniques acceptables.
En 2025, il pourra être envisagé de reconduire les dérogations octroyées en 2024. Pour les perspectives moins immédiates, le désherbage des chicorées a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes.
L'Apef a en outre déposé une lettre d'intention pour conduire un projet dans le cadre du Parsada (plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures).
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