Question de Mme SOUYRIS Anne (Paris - GEST) publiée le 24/10/2024
Mme Anne Souyris attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques sur la surveillance sanitaire de l'acide trifluoroacétique, dit TFA.
A l'été 2024, plusieurs rapports du Réseau européen d'action sur les pesticides (PAN) et de l'association Générations futures ont révélé une contamination massive et universelle des eaux européennes au TFA. Cette contamination concerne aussi bien les eaux de surfaces et souterraines que l'eau potable du robinet ou en bouteille. Les résultats de ces enquêtes sont alarmants. 100 % des eaux de surfaces et souterraines testées sont contaminées au TFA et 94 % des échantillons d'eau du robinet le sont aussi.
Un dernier rapport publié le 15 octobre 2024 démontre l'absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, malgré les alertes des scientifiques. Alors que la directive européenne 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine du 16 décembre 2020 fixe une valeur limite du « total PFAS » à 500 ng/L, la concentration moyenne de TFA dans l'eau du robinet s'élève à 740 ng/L, et jusqu'à 2100 ng/L à Paris. La classification du TFA comme « métabolite non-pertinent » par l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) le place en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourtant, les autorités sanitaires allemandes ont déposé une demande auprès de l'Agence européenne des produits chimiques de classement du TFA comme substance reprotoxique qui devrait nous inciter à mettre en oeuvre une surveillance sanitaire de cette molécule.
Le caractère « éternel » de ce polluant a pour conséquence une accumulation inéluctable dans l'eau tant que les sources de ce métabolite, à savoir certains pesticides et gaz fluorés, sont utilisés et répandus dans l'environnement. Afin de protéger la santé humaine et celle de notre environnement, elle l'appelle à saisir les autorités sanitaires afin de considérer le TFA comme un «métabolite pertinent» permettant ainsi de garantir une surveillance toxicologique efficace de cette molécule.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de la consommation publiée le 06/11/2024
Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 124, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, l'eau que nous buvons est massivement contaminée par un polluant éternel, l'acide trifluoroacétique, autrement nommé TFA. Cette contamination a été révélée cet été par plusieurs rapports du Réseau européen d'action sur les pesticides et de l'association Générations Futures. Selon ces travaux, 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées. Pire, 94 % des eaux du robinet sont, elles aussi, contaminées.
La concentration de TFA dans l'eau du robinet dépasse bien souvent la limite européenne de substances perfluoroalkylées et de polyfluoroalkylées (PFAS), fixée à 500 nanogrammes par litre, avec une moyenne de 740 nanogrammes de TFA par litre.
À Paris, la contamination explose, avec une moyenne de 2 100 nanogrammes par litre. Il n'y a là rien de surprenant quand on sait que les zones de captage de l'eau potable ne sont protégées ni de l'épandage de pesticides, probablement responsable de la présence de TFA, ni des forages pétroliers, responsables de la pollution aux hydrocarbures de l'eau, comme à Nonville, en Seine-et-Marne, où Eau de Paris et la Ville de Paris ont attaqué en justice deux projets de forage.
Malgré la volonté d'agir de plusieurs villes, à l'instar de Paris, rien n'est possible sans une aide systémique de l'État en matière de mesures et de prévention. Il faudrait de surcroît obliger les industries polluantes à participer à cet effort.
Le plus alarmant reste évidemment l'absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, et ce malgré les alertes des scientifiques. En effet, la classification du TFA comme métabolite non pertinent par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) place le TFA en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourquoi cela, madame la ministre, alors que l'Allemagne a récemment demandé de classer le TFA comme substance reprotoxique ?
Nous devons faire preuve d'autant plus de précautions que le caractère éternel de ce polluant a pour conséquence une accumulation inéluctable dans l'eau tant que les sources de ce métabolite sont utilisées et répandues dans l'environnement. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement va-t-il se saisir de la question de la pollution au TFA ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Souyris, dès novembre 2022, le Gouvernement a saisi l'Anses au sujet des PFAS afin de déterminer des valeurs toxicologiques de référence et de faire le bilan de la contamination des milieux, notamment l'eau, par ces composés.
Les éléments de l'Anses font partie intégrante du plan d'action interministériel sur les PFAS publié en avril 2024. Ce plan s'attache, dans un objectif de prévention, à réduire les émissions de PFAS, la contamination des milieux, ainsi que l'exposition des populations et des écosystèmes.
Concernant plus spécifiquement le TFA, sachez que la présence de cette substance est mesurée dans les eaux dans le cadre de la campagne nationale exploratoire mise en oeuvre par le laboratoire d'hydrologie de Nancy sur la période 2024-2026. La Commission européenne a demandé à l'Allemagne de soumettre un dossier de classification pour le TFA à l'Agence européenne des produits chimiques en mars 2024. L'issue de ces travaux sur les dangers de ce métabolite permettra d'éclairer la question.
En juillet 2024, la Commission européenne a saisi l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu'elle fixe les valeurs toxicologiques de référence pour le TFA. Les conclusions de ces travaux sont attendues pour fin octobre 2025. Elles contribueront à déterminer les valeurs de gestion dans les différents milieux, dont les eaux, fondées sur des données scientifiques validées par la communauté internationale. Dans l'attente de ces résultats, madame la sénatrice, il n'apparaît pas opportun de solliciter de nouvelles expertises.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.
Mme Anne Souyris. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces explications. Néanmoins, je vous rappelle l'existence du principe de précaution. Étant donné que l'Allemagne a déjà classé le TFA comme substance reprotoxique, pourquoi la France ne l'imiterait-elle pas en attendant les résultats de ces études ?
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