Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE-K) publiée le 10/10/2024

M. Fabien Gay interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les ventes d'armes opérées par la France à Israël en 2023 et 2024.
Le rapport annuel sur les exportations d'armes, présenté par le ministère des armées en juillet 2023, établit que depuis 10 ans, la France a vendu pour 208 millions d'euros de matériel militaire à Israël, dont 25,6 millions en 2022, auxquels s'ajoutent près de 9 millions d'euros d'autorisations d'exports d'armes de catégorie militaire ML4.
Ces ventes intervenaient dans un contexte où l'ONU formulait des alertes répétées sur les atteintes aux droits perpétrées par les colons et l'armée israélienne à l'encontre des Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Pourtant, la France est signataire depuis 2013 du traité des Nations unies sur le commerce des armes (TCA), qui interdit aux États la vente d'armes s'ils ont « connaissance [...] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre ».
La situation géopolitique s'est encore dégradée par suite de l'attaque du Hamas perpétrée à l'encontre de civils israéliens le 7 octobre 2023. Depuis, l'offensive militaire menée par le Gouvernement israélien dans la bande de Gaza a engendré la mort de plus de 27 000 Palestiniens et provoqué au moins 66 000 blessés ; 10 000 personnes sont toujours portées disparues sous les décombres liés aux bombardements incessants, au moins 1,8 million de Gazaouis ont été déplacés. Concernant la Cisjordanie occupée, les exactions commises par les colons et l'armée israélienne se multiplient.
Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice a ordonné à l'État israélien de s'abstenir de commettre des actes entrant dans le champ d'application de la convention sur le génocide et de « prévenir et punir » toute incitation au génocide des populations palestiniennes.
Le Premier ministre israélien a qualifié cette décision de « fausse » et « scandaleuse » et a ajouté que son pays continuera à se « défendre ». De plus, douze de ses ministres, dont celui en charge de la sécurité nationale, ont participé le 28 janvier 2024 à un grand rassemblement appelant à l'installation de colonies à Gaza et au transfert de la population palestinienne hors de ce territoire.
L'existence d'un risque génocidaire plausible à Gaza, reconnu par une haute instance internationale, oblige désormais expressément l'ensemble des États, qui sont notamment tenus de cesser tout export d'armes, de matériels ou de technologies militaires vers Israël.
Le ministère des affaires étrangères français a été interrogé sur l'existence d'exports d'armes vers Israël au cours de l'année 2023, et spécifiquement suite au 7 octobre.
En l'absence de chiffres officiels, le ministère a annoncé le 24 janvier 2024 que : « La France respecte strictement ses engagements internationaux dans ses exportations d'armes vers Israël [...]. À ce titre, elle n'exporte pas et n'exportait pas avant les événements dramatiques du 7 octobre de matériels létaux susceptibles d'être employés contre des populations civiles dans la bande de Gaza », tout en précisant que la France « exporte des équipements militaires à Israël afin de lui permettre d'assurer sa défense, comme l'article 51 de la Charte des Nations unies lui en donne le droit ».
Aussi, il souhaiterait obtenir des chiffres précis sur les exports et autorisations d'exports d'armes décidés par la France vers Israël en 2023, et le détail des équipements qui ont été livrés dans cette période. Il souhaiterait aussi savoir si le Gouvernement entend prononcer en 2025 un embargo sur la vente d'armes à Israël, conformément aux engagements internationaux de la France.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/03/2025

La politique française relative à l'exportation de matériel de guerre repose sur un dispositif de contrôle parmi les plus aboutis et les plus stricts, fondé sur un principe de prohibition conduisant à soumettre l'ensemble des activités dans le domaine de l'armement à autorisation préalable délivrée par les autorités étatiques compétentes. Chaque demande d'exportation fait ainsi l'objet d'un examen interministériel rigoureux conduit dans le respect de nos engagements internationaux, en particulier le Traité sur le commerce des armes (TCA), la position commune 2008/944/PESC modifiée, l'ensemble des conventions ratifiées par la France en matière d'interdiction de l'emploi de certaines armes, ou encore les mesures d'embargo instaurées par le Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne (UE) et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L'objectif est clair : aucune demande qui ne serait pas compatible avec nos engagements nationaux, européens et internationaux ne saurait être acceptée. Cette évaluation s'applique avec une extrême rigueur aux exportations vers Israël, de la même manière que pour tous les autres pays, en tenant compte de tous les développements concernant le pays et l'usage qu'il peut faire de ses biens. Cela est particulièrement le cas pour Israël. Il faut également souligner que la France est historiquement un partenaire marginal d'Israël en matière d'exportations de matériel militaire. Le montant du matériel exporté vers Israël ne représente que 30,1 millions d'euros, soit 0,5 % du montant total de nos exportations de défense sur la même année. Il convient par ailleurs de rappeler que les matériels exportés vers Israël ne sont pas des armes proprement dites, mais des composants élémentaires, auxquels la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) accorde une vigilance toute particulière au regard de toutes les éventualités d'usage. L'existence de ce flux s'explique par l'importance de l'industrie de défense israélienne, qui intègre puis exporte des produits participant aux outils de défense de partenaires de la France. En ce qui concerne la très faible part des exportations qui s'avèrent effectivement être destinées aux forces armées israéliennes, nous confirmons que celles-ci ne sont autorisées que dans un cadre strictement défensif. C'est le cas par exemple pour les composants de matériels de défense aérienne (roulements à billes, vitrages, systèmes de refroidissement, amortisseurs de choc) qui entrent dans la composition du « Dôme de fer ». Ainsi, c'est uniquement dans ce cadre, et sous ces conditions strictes, que des composants de matériels relevant de la catégorie ML4 (bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériel et accessoires connexes et leurs composants spécialement conçus) peuvent être autorisés à l'exportation. A ce titre, nous refusons systématiquement l'exportation de tout matériel susceptible d'être détourné et employé de façon contraire au droit international humanitaire. La vigilance de la CIEEMG et de la CIBDU (Commission interministérielle des biens à double usage) est à cet effet exemplaire. La France rappelle que le droit d'Israël à se défendre doit s'exercer dans le respect du droit international. La diplomatie française rappelle l'urgence d'un cessez-le-feu à Gaza et du respect du cessez-le-feu au Liban, seule voie pour mettre fin à la guerre, et parvenir à la paix et à la stabilité dans la région.

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