Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - GEST) publiée le 10/10/2024

M. Guillaume Gontard attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le soutien financier de l'agence française de développement (AFD) au parc naturel d'Odzala Kokoua.

D'après une enquête pour le Mail on Sunday, des gardes du parc naturel d'Odzala Kokoua, situé en République du Congo ont eu des pratiques extrêmement graves à l'encontre des populations autochtones Baka vivant dans la région. Sont notamment décrits des viols, des actes de torture avec des fouets et des brûlures ou encore le cas de personnes dont la tête est plongée sous l'eau.

La presse britannique a largement repris cette information en raison de la présence d'un membre de la famille royale au conseil d'administration d'African Parks, gestionnaire de ce parc et employeur direct des gardes accusés. En France, cette information est cependant passée inaperçue, alors même que l'agence française de développement (AFD) finance African Parks à travers le programme Legacy Landscapes Fund.

Si une enquête soi-disant indépendante a été diligentée par African Parks, celle-ci n'offre pas de garanties de confiance : cabinet sans connaissance des populations autochtones, non-publication des conclusions de l'enquête et aucune promesse de tenir compte des recommandations. Pour l'organisation non gouvernementale Survival International, qui a alerté sur les faits depuis des années, African Parks aurait pu réagir bien plus tôt. Cette situation rappelle celle du parc de Kahuzi-Biega, également géré par African Parks, d'où le manque de confiance de Survival International, qui craint des représailles sur ses membres.

Étant donné la gravité des faits et le fait que le rapport annexé à la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales précise que la France « exerce une vigilance particulière sur les projets menés dans les territoires où vivent les personnes appartenant aux populations autochtones », toute la lumière doit être faite sur cette affaire.

Ainsi, il souhaite notamment savoir : si l'AFD finance ce parc via d'autres mécanismes, comme le programme « paysage forestier Nord-Congo », ces informations n'étant pas disponibles en raison du secret bancaire en vigueur à l'AFD ; si le Gouvernement compte demander à l'AFD d'interrompre ses financements pour ce parc au vu de ces graves violations des droits humains contre les populations autochtones ; si le Gouvernement et l'AFD vont exiger une enquête véritablement indépendante.

Plus largement, il l'interroge sur les garanties que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour éviter que ce scénario ne se reproduise une nouvelle fois.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 12/12/2024

L'Agence française de développement (AFD) finance le parc d'Odzala Kokoua au travers du Legacy landscapes fund (LLF), une fondation à but non lucratif allemande créée en 2021. Les alertes relatives à la violation de droits humains par les éco-gardes d'African Parks à l'encontre des peuples autochtones Baka dans le parc national d'Odzala Kokoua sont graves. Le 7 mars dernier, les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) ont reçu l'ONG Survival afin d'échanger sur les allégations dont elle fait état. L'AFD, directement et via le LLF, a invité African Parks à faire toute la lumière sur les faits rapportés. African Parks a commandité une enquête indépendante menée par le cabinet d'avocats Omnia Strategy. Celle-ci est en cours de finalisation. Le ministère s'emploiera à ce qu'elle soit rendue publique et en tirera toutes les conséquences. Le projet « Paysage forestier Nord Congo » est un projet visant à soutenir les concessions forestières du Nord Congo qui se sont engagées dans l'aménagement durable des forêts. Celui-ci est distinct du projet de financement du parc d'Odzala Kokoua. La France est déterminée à faire respecter les droits des personnes autochtones dans les aires protégées. Elle s'est fortement mobilisée sur ce sujet en co-fondant avec le Costa Rica, lors de la COP 15 de Kunming-Montréal, la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples. En plus de l'objectif de protection de 30 % de leurs terres et mers d'ici à 2030, celle-ci reconnaît le rôle central des personnes autochtones et des communautés locales pour la conservation de la biodiversité. La France accorde également une importance particulière au respect des personnes autochtones dans son aide publique au développement. Les interventions de l'AFD en faveur des aires protégées adoptent une approche participative en reconnaissant que la protection des espaces naturels est indissociable du bien-être des personnes qui en dépendent et de leur capacité à gérer durablement les ressources de ces territoires. Les projets de l'AFD sont soumis aux mêmes normes que celles de la Banque mondiale relatives à l'acquisition de terres, aux restrictions à l'utilisation de terres et la réinstallation involontaire qui garantissent le respect des droits des personnes autochtones. Nous continuerons à veiller au respect des droits des personnes autochtones dans le cadre des projets de conservation soutenus par la France, et en particulier dans la région du bassin du Congo. Le soutien de la France est conditionné au strict respect de cette condition. Nous continuerons enfin de renforcer la protection des forêts, ainsi qu'en atteste l'engagement de la France à nouer et financer des "partenariats pays" avec plusieurs pays forestiers.

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